La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2012 | FRANCE | N°11LY02679

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2012, 11LY02679


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 10 novembre 2011, présentée pour M. Anicet A, domicilié 213, Avenue Roger Salengro à Villeurbanne (69100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106543, du 26 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et l'assignant à résidence pour une dur

e maximale de 45 jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susm...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 10 novembre 2011, présentée pour M. Anicet A, domicilié 213, Avenue Roger Salengro à Villeurbanne (69100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106543, du 26 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et l'assignant à résidence pour une durée maximale de 45 jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France où il réside depuis neuf ans ; qu'il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations dès lors que la mesure d'éloignement le séparera de son enfant ; que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ladite décision sur sa vie privée et familiale ; que les décisions fixant le pays de destination et l'assignant à résidence sont illégales en conséquence de l'illégalité des décisions sur lesquelles elles se fondent ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu , enregistré le 2 mai 2012, le mémoire présenté par le préfet du Rhône qui concluit au rejet de la requête ;

Il soutient que ni les stipulations de l'article 8, ni celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont été violées ; que M. A a disposé du temps nécessaire pour organiser son départ ; que les décisions fixant le pays de destination et assignant à résidence ne sont pas illégales par voie d'exception ;

Vu la décision du 26 décembre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Brun, avocat de M. A ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité camerounaise, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par décision du 31 août 2010, dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans, le 14 juin 2011 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 24 octobre 2011, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français où il réside depuis près de neuf ans, qu'il a contracté mariage, le 6 avril 2010, avec une ressortissante camerounaise, avec laquelle il vivait maritalement depuis plus de deux ans et que leur enfant est né le 30 juin 2010 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, né le 30 janvier 1983, entré en France le 22 septembre 2002, à l'âge de 19 ans, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant a bénéficié d'un titre de séjour mention "étudiant " régulièrement renouvelé de 2002 à 2009 ; que, par décision du 18 novembre 2009 dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans, le préfet du Rhône a refusé de renouveler ce titre en raison de l'absence de sérieux des études de l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que le 8 avril 2010, M. A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, que le préfet du Rhône a refusé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celles du 7° de l'article L. 313-11 de ce même code et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a assorti le refus de délivrance de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans le 14 juin 2011 ; que si M. A a séjourné régulièrement de 2002 à 2009, le titre étudiant dont il a bénéficié ne lui donnait pas vocation à demeurer en France à l'issue de ses études ; que les pièces produites par le requérant, et notamment le certificat du 26 février 2010 selon lequel M. A et Mlle B déclaraient vivre maritalement depuis la date du 25 mars 2009, laquelle est d'ailleurs raturée, ne permettent pas d'établir l'ancienneté de leur relation et de leur communauté de vie, qui, à la date de la décision attaquée, était récente et datait de moins de deux ans ; que si M. A a épousé Mlle B, le 6 avril 2010, les deux époux ne pouvaient alors pas ignorer que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines puisque non seulement M. A n'était pas autorisé à séjourner sur le territoire français, mais encore, il était sous le coup d'une mesure d'éloignement ; que nonobstant la circonstance que Mlle B fût titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ainsi que d'une carte de séjour temporaire d'un an et résidât en France depuis dix ans, aucun obstacle ne s'opposait à ce que les deux époux poursuivent leur vie familiale, avec leur enfant, au Cameroun, pays dont ils avaient tous deux la nationalité ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. A en France, la décision attaquée n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale que lui garantit l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

Considérant qu'en l'absence d'obstacle qui empêcherait M. A et son épouse, qui ont la même nationalité, de mener une vie familiale normale dans leur pays d'origine, et nonobstant la présence sur le territoire français de la famille de Mlle B, la mesure d'éloignement n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de leur enfant ni, par suite, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...). " ;

Considérant que le moyen soulevé par M. A tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet lui refusant un délai de départ volontaire au motif qu'il n'a pu organiser en conséquence la vie de son épouse et de son enfant, ne saurait être accueilli dès lors que M. A ne s'est pas conformé aux deux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet, les 18 novembre 2009 et 31 août 2010, qu'il n'ignorait donc pas les perspectives incertaines de son installation en France, et qu'il a, dans les faits, en raison de l'inexécution des précédentes mesures d'éloignement, largement disposé du temps nécessaire pour organiser son départ ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

Considérant, qu'eu égard à ce qui précède, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet pour contester la décision fixant le pays de destination ;

Sur la décision d'assignation à résidence :

Considérant que la décision obligeant M. A à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité de cette décision ne peut pas être accueillie à l'encontre de la décision par laquelle il a été assigné à résidence dans l'attente de son exécution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Anicet A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président assesseur.

Lu en audience publique, le 7 juin 2012,

''

''

''

''

1

5

N° 11LY02679


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 07/06/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY02679
Numéro NOR : CETATEXT000026025521 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-07;11ly02679 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award