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07/06/2012 | FRANCE | N°11LY02502

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2012, 11LY02502


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 18 octobre 2011, présenté par le PREFET DE L'AIN ;

Le PREFET DE L'AIN demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1105829, du 21 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions, du 18 septembre 2011, faisant obligation à M. Fayçal A de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Il soutient que l'arrêté édicté à l'encontre de M. BB est suffisamment motivé ; que l'obligation de quitter le territoire

français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention euro...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 18 octobre 2011, présenté par le PREFET DE L'AIN ;

Le PREFET DE L'AIN demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1105829, du 21 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions, du 18 septembre 2011, faisant obligation à M. Fayçal A de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Il soutient que l'arrêté édicté à l'encontre de M. BB est suffisamment motivé ; que l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. BB n'établit pas la réalité de sa relation avec celle qu'il présente comme sa compagne, ni la communauté de vie avec celle-ci ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie le 5 décembre 2011, régularisé le 6 décembre 2011, présenté pour M. Fayçal A, se déclarant domicilié chez Mme Sylvie Beaucaire 7, rue du Beaujolais à Belleville (69200), qui conclut au rejet de la requête ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du PREFET DE L'AIN, du 18 septembre 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, immédiatement après l'arrêt à intervenir, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, à son profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées au regard des dispositions des articles 1 et 3 de loi du 11 juillet 1979 ; que la mesure d'éloignement, le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et la décision ordonnant son placement en rétention administrative sont signées par une autorité incompétente ; qu'eu égard à son ancienneté de séjour en France où il vit maritalement avec sa compagne et les deux enfants de cette dernière, à l'entretien desquels il contribue, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le PREFET DE L'AIN a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a également commis une erreur de droit au regard des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire dès lors qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré à la Cour le 22 décembre 2011, présenté par le PREFET DE L'AIN, qui tend aux mêmes fins que la requête susvisée ;

Il soutient que le directeur de cabinet, signataire de l'arrêté litigieux, bénéficiait d'une délégation de signature ; qu'en s'abstenant d'assortir la mesure d'éloignement d'un délai de départ volontaire dès lors que M. BB ne présentait pas, à la date de la décision litigieuse, des garanties de représentation suffisante, il n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en date du 17 mars 1988, modifié, en matière de séjour et de travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Prudhon, avocat de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que pour annuler la décision du 18 septembre 2011 par laquelle le PREFET DE L'AIN a fait obligation de quitter le territoire français à M. A, le Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. A, de nationalité tunisienne, vivait depuis 2007 avec une ressortissante française et deux des cinq enfants de cette dernière dont l'un, âgé de seize ans, souffre d'autisme et que l'intéressé qui travaillait irrégulièrement depuis deux ans contribuait aux charges du ménage alors que sa compagne, Mme Beaucaire, sans activité professionnelle, était dépendante des revenus de M. A ; que, toutefois, s'il n'est pas contesté que M. A est entré irrégulièrement en France en 2006, à l'âge de vingt-neuf ans, l'existence d'une relation ancienne, stable et durable et d'une communauté de vie entre l'intéressé et Mme Beaucaire n'est pas établie par les pièces produites au dossier ; qu'en se bornant à produire un relevé bancaire de Mme Beaucaire, M. A n'établit ni participer aux charges du ménage, ni que Mme Beaucaire serait financièrement dépendante de lui ; que M. A, connu par les services de police pour avoir fait usage d'une fausse identité, n'a engagé aucune démarche pour régulariser sa situation ; qu'il a conservé des liens en Tunisie où, selon ses propres déclarations, résident ses parents, son frère et ses trois soeurs ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions d'entrée et de séjour de M. A sur le territoire français, le PREFET DE L'AIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 septembre 2011 portant obligation de quitter le territoire français, pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les décisions subséquentes ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur les décisions contestées :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. A, le 18 septembre 2011, est signée par M. Emmanuel C, directeur de cabinet du PREFET DE L'AIN ; qu'il ressort des dispositions de l'arrêté du PREFET DE L'AIN du 29 août 2011, que M. C a reçu délégation de signature pour notamment signer dans le cadre des permanences du corps préfectoral, différentes décisions dont les arrêtés portant reconduite à la frontière des étrangers et tout acte nécessité par une situation d'urgence ; qu'il n'est toutefois pas fait mention des obligations de quitter le territoire, ni des décisions portant refus de délai de départ volontaire, ni celles fixant le pays de destination des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions en litige présentaient un caractère d'urgence ; que, par suite, les décisions édictées l'encontre de M. A sont entachées d'un vice d'incompétence ; que, dès lors, le PREFET DE L'AIN n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'en exécution du jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon, M. A a été mis en possession d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour ; que le présent arrêt implique seulement que le préfet territorialement compétent procède au réexamen de la situation de M. A dans le délai de deux mois ; qu'il convient de lui adresser une injonction en ce sens, sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme 500 euros au profit de M. A, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Ain est rejetée ;

Article 2 : Le préfet du Rhône réexaminera la situation de M. A dans les deux mois de la notification du présent jugement.

Article 3 : L'Etat (préfet de l'Ain) versera la somme de 500 euros à M. A au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fayçal A, au PREFET DE L'AIN, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président assesseur.

Lu en audience publique, le 7 juin 2012,

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N° 11LY02502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02502
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-07;11ly02502 ?
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