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07/06/2012 | FRANCE | N°11LY02389

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2012, 11LY02389


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 29 septembre 2011, présentée pour Mme Fawzia A, épouse B, alors domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101987, du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 25 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoi

ndre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de validi...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 29 septembre 2011, présentée pour Mme Fawzia A, épouse B, alors domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101987, du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 25 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de validité d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien n'est pas suffisamment motivée ; que, depuis ses grossesses, elle souffre d'hypertension artérielle et que son état de santé nécessite des soins et un suivi médical réguliers ; que l'accès à ces soins est difficile en Algérie, son pays d'origine, du fait d'une pénurie en médicaments et médecins ; que, par suite, le préfet du Rhône a commis une erreur d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'elle est entrée en France au mois d'octobre 2003 pour poursuivre ses études ; qu'elle s'est mariée, au mois de septembre 2004, avec un ressortissant algérien, lui-même en France pour poursuivre ses études, et avec lequel elle a eu trois enfants nés en France en 2007, 2009 et 2010 ; que l'aînée de ses filles est scolarisée ; que son époux dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que, dès lors, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'enfin, ses trois filles sont nés en France, que l'une de ses filles est atteinte d'asthme et bénéficie de soins appropriés dans ce pays tandis que l'aînée y est scolarisée et ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Algérie ; que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sont donc contraires aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 9 février 2012, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme B ne démontre pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé en cas de retour en Algérie, son pays d'origine ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par ailleurs, si Mme B est entrée régulièrement en France en 2003, c'est pour y poursuivre des études et que le titre de séjour obtenu à cet effet ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement en France ; que son époux est en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 21 octobre 2010 et qu'elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa vie privée et familiale en Algérie, où elle se rend régulièrement ; que, dès lors, il n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de la requérante de leurs parents et que Mme B n'établit ni l'existence d'obstacles qui empêcheraient ses enfants d'être scolarisés en Algérie, ni l'impossibilité de la prise en charge médicale de sa fille en Algérie ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 7 mars 2012, présenté pour Mme B, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, qu'en Algérie, l'offre de soins n'existe que dans les grandes villes et à un coût prohibitif, alors que, faute d'être salariée, elle n'aura pas accès à la sécurité sociale ;

Vu la décision du 23 août 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Bedrossian, avocat de Mme B ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision contestée vise, notamment, la demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, déposée par Mme B le 28 septembre 2010, fait état, en particulier, de l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique, et mentionne que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque, y compris par avion pour une courte durée de voyage ; que cette décision est, par suite, régulièrement motivée, tant en droit qu'en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. " ;

Considérant que Mme B, ressortissante algérienne présente en France depuis 2003, fait valoir que, suite à ses grossesses, elle souffre d'hypertension artérielle et que son état de santé nécessite un suivi et des soins médicaux réguliers qui ne seraient pas possibles en Algérie, où l'offre de soins, disponible essentiellement dans les grandes villes, est difficile d'accès, tant du fait d'une pénurie de médicaments et de médecins qu'en raison de son coût, et alors qu'elle n'aurait pas effectivement accès à la sécurité sociale ; que, toutefois, le certificat médical du 15 mars 2011 se borne à mentionner que " l'état de santé de Mme B justifie la poursuite d'un traitement et d'une surveillance médicale au cours des six prochains mois à la suite de son dernier accouchement, le 15 décembre 2010 " et aucune des pièces produites au dossier ne fait état d'une impossibilité pour Mme B de bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; qu'enfin, les attestations rédigées le 1er mars 2012 par M. et Mme B certifiant ne pas exercer d'activité salariée depuis leur retour en Algérie, postérieurement à la décision en litige, et l'attestation, établie le 1er mars 2012 par la Caisse Nationale d'Assurances Sociales des travailleurs salariés algérienne, certifiant que Mme B n'est pas affiliée à cette caisse ne permettent pas de considérer que Mme B serait dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement médical approprié en Algérie, notamment du fait de son coût financier ; qu'ainsi, en estimant, suivant en cela l'avis émis le 2 décembre 2010 par le médecin de l'agence régionale de santé, que l'état de santé de Mme B nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressée pouvait affectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B, ressortissante algérienne, née le 12 avril 1975, est entrée régulièrement en France le 22 octobre 2003, afin de poursuivre ses études ; qu'elle a épousé, le 24 septembre 2004, un compatriote arrivé régulièrement en France le 28 avril 2004, en qualité d'étudiant ; que le couple a eu trois filles nées respectivement le 7 février 2007, le 23 février 2009 et le 15 décembre 2010 ; qu'à la date de l'arrêté en litige, l'aînée était inscrite à l'école maternelle ; que si la cellule familiale était bien insérée socialement en France, où elle disposait d'un logement, où Mme B avait exercé diverses activités professionnelles et où son époux disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet conclu au mois de janvier 2011, ce dernier, qui avait notamment été titulaire d'un titre de séjour " visiteur " valable jusqu'au 21 octobre 2010, ne possédait plus de droit au séjour pérenne sur le territoire français à la date de la décision contestée ; qu'ainsi, et alors que Mme B, qui était venue en France pour poursuivre ses études et avait séjourné dans ce pays sous couvert de titres de séjour étudiant qui ne lui donnaient pas vocation à y demeurer à l'issue de ses études, disposait d'attaches en Algérie, où elle se rendait régulièrement comme le démontrent les mentions figurant sur son passeport produit au dossier et où la cellule familiale pouvait se reconstituer, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B, par décision du 25 février 2011, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en mentionnant que Mme B n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet du Rhône n'a pas non plus méconnu les stipulations précitées du 5° de l'article 6 de cet accord ; qu'enfin, pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

Considérant que la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les trois filles de Mme B de l'un ou l'autre de leurs deux parents, que la scolarisation de la jeune Inès vient de débuter en classe de maternelle et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de la jeune Nada soit de nature à exiger son maintien sur le territoire français ; que, par suite, Mme B n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant cette décision, le préfet du Rhône a méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants et, ainsi, violé les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que Mme B soutient que ses filles ont leurs repères en France, où elles sont nées, où l'aînée est scolarisée en classe de maternelle et où la cadette fréquente une crèche, bénéficie de soins et d'un suivi réguliers pour l'asthme dont elle souffre et a été hospitalisée du 12 au 17 février 2011 pour une pneumonie ; que, toutefois, rien ne fait obstacle à ce que Mme B, son époux et leurs trois enfants repartent ensemble dans le pays dont ils ont la nationalité, où ils conservent des attaches et où ils pourront poursuivre une vie familiale normale, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation débutante d'Inès ou l'état de santé de Nada exigent qu'elles demeurent en France ; que, par suite, Mme B n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre a méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants et ainsi violé les stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fawzia B et au ministre de l'intérieur ; Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président assesseur.

Lu en audience publique, le 7 juin 2012,

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N° 11LY02389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02389
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BEDROSSIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-07;11ly02389 ?
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