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22/05/2012 | FRANCE | N°11LY00778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 5, 22 mai 2012, 11LY00778


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2011 sous le n° 11LY00778, présentée pour M. Jean-Michel E, domicilié ..., pour M. John-Michael B, domicilié ..., pour M. Jonas A, domicilié ..., pour M. Philippe F, domicilié ..., pour M. Michael D, domicilié ..., et pour Mme Michèle C, domiciliée ... par Me Demeure ;

M. E ET AUTRES demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901631 du 27 janvier 2011 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération, en date du 4 février 2009, par laquel

le le conseil municipal de Magland a approuvé la modification du plan local d'u...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2011 sous le n° 11LY00778, présentée pour M. Jean-Michel E, domicilié ..., pour M. John-Michael B, domicilié ..., pour M. Jonas A, domicilié ..., pour M. Philippe F, domicilié ..., pour M. Michael D, domicilié ..., et pour Mme Michèle C, domiciliée ... par Me Demeure ;

M. E ET AUTRES demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901631 du 27 janvier 2011 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération, en date du 4 février 2009, par laquelle le conseil municipal de Magland a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de cette commune ;

2°) d'annuler ladite délibération ;

3°) de condamner la commune de Magland à leur verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la modification du plan local d'urbanisme a été approuvée à l'issue d'une procédure irrégulièrement engagée sur décision du maire de Magland, lequel n'avait pas compétence pour prendre une telle décision ; que celle-ci, en effet, implique un choix entre les procédures de modification et de révision, et incombe dès lors au conseil municipal en vertu de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ; que ce texte est opposable nonobstant la combinaison des articles L. 123-6 et L. 123-13 du code de l'urbanisme ; que le rapport de présentation de la modification critiquée ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme, imposant un exposé des changements apportés ; qu'il est dépourvu de toute motivation en rapport avec un besoin avéré ; que s'il invoque la prétendue nécessité d'apporter des précisions relatives aux secteurs d'implantation des constructions, il masque la réalité de l'opération, d'où résulte une modification substantielle du parti d'aménagement retenu dans le dossier d'unité touristique nouvelle élaboré en 2003 ; qu'il s'agit en effet d'augmenter et de regrouper les surfaces hors oeuvre nettes de 5 000 m² initialement envisagées sur chacun des secteurs dits " Front de Neige " et " Pré-Michalet " ; que le terme de " toilettage " est un subterfuge ; que l'objectif affiché, visant à " promouvoir l'attrait touristique " n'est en rien expliqué par le rapport de présentation, qui ne démontre aucun besoin et ne fait allusion à aucune étude préalable ; que le contenu de l'orientation d'aménagement ajoutée au plan local d'urbanisme ne pallie en rien le défaut de motivation du rapport de présentation, lequel est muet également sur les modifications apportées au règlement, en particulier s'agissant des articles AUf 6, 7 et 8 ; que la délibération contestée, qui vise uniquement à satisfaire les intérêts d'un particulier et à permettre la réalisation de l'hôtel dont le permis de construire a été annulé par jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2009, est entachée de détournement de pouvoir ; qu'elle est étrangère à toute préoccupation d'urbanisme et ne se justifie par aucun motif économique, compte tenu des perspectives de développement de la station de Flaine ; qu'elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle porte atteinte à la sauvegarde d'un ensemble urbain et d'un patrimoine bâti remarquable au sens de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ; qu'en effet, le projet dont la modification litigieuse permet la réalisation dénature le concept d'urbanisation qui a toujours prévalu à Flaine et le principe d'homogénéité des constructions mis en avant par l'arrêté préfectoral d'autorisation d'une unité touristique nouvelle du 4 novembre 2003 ;

Vu le jugement attaqué et la délibération contestée ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2012, présenté pour la commune de Magland, concluant au rejet de la requête et à la condamnation des appelants à lui verser la somme globale de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des requérants n'est domicilié sur son territoire ni ne justifie par conséquent d'un quelconque intérêt pour agir ; qu'un tel intérêt n'a jamais été reconnu pour contester le document d'urbanisme d'une commune voisine ; que l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales n'est pas valablement invoqué, dès lors que c'est bien le conseil municipal qui, au terme de la procédure, approuve la modification du plan local d'urbanisme ; qu'aucune disposition n'impose le vote d'une délibération prescrivant cette modification, ce qui serait d'ailleurs dépourvu de tout intérêt pratique ; que le moyen tiré de la violation de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme est infondé ; qu'en matière d'urbanisme, il est admis que la motivation résulte du contenu même des prescriptions imposées ; que le rapport de présentation, s'agissant d'une simple procédure de modification, n'a pas à être aussi complet que pour une procédure d'élaboration ou de révision et n'est pas irrégulier s'il ne comporte pas la justification des choix opérés ; qu'il est en l'espèce suffisant, compte tenu de la très faible portée de la modification litigieuse, qui concerne une infime partie du territoire communal, ne met en cause aucune protection particulière, n'affecte en rien le parti d'urbanisme, et n'accroît nullement les possibilités de construire dans le secteur dit " Front de Neige " ; que la modification ne fait en réalité que compléter et préciser les modalités d'aménagement de la zone AUf, sans y apporter de changements au sens de l'article R. 123-2 ; que l'exposé des motifs contenu dans le rapport de présentation apporte l'ensemble des informations nécessaires, sur chacun des articles du règlement concernés par la modification ; que de multiples études préalables ont été réalisées ; que si la Cour estimait la motivation insuffisante sur tel ou tel point de la modification, il lui appartiendrait de ne censurer que partiellement la délibération contestée ; que les requérants, auxquels incombe la charge de la preuve, ne démontrent nullement le détournement de pouvoir allégué ; que la circonstance que la modification d'un document d'urbanisme a pour effet de régulariser une construction existante ne suffit pas à caractériser une telle illégalité ; que la réalisation d'une opération touristique impliquant le développement de la commune relève de l'intérêt général ; qu'il en va particulièrement ainsi sur la station de Flaine, dont les cinq hôtels ont disparu et qui, dans un contexte de forte concurrence, doit chercher à diversifier son offre touristique ; que la délibération contestée n'avait pas à faire état de ces considérations d'intérêt général ; qu'elle ne méconnaît pas, contrairement à ce qui est soutenu, l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et n'est à cet égard entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que les requérants se réfèrent inutilement, sur ce point, au dossier d'unité touristique nouvelle de 2003, désormais obsolète ; que les exigences d'équilibre du site et d'homogénéité des constructions ont été parfaitement prises en compte ; que l'urbanisation du secteur concerné permettra d'assurer une continuité volumétrique et architecturale entre les quartiers " Forum " et " Front de Neige " ; que l'exposante s'en rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2012, présenté pour M. E, M. B, M. A, M. F, M. D et Mme C, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que leur intérêt pour agir n'est pas contestable, dès lors qu'ils sont propriétaires de biens situés à proximité immédiate du secteur litigieux, sans que puisse utilement être opposée la circonstance que ces biens ne sont pas situés sur le territoire de la même commune ;

Vu le mémoire présenté pour la commune de Magland le 30 avril 2012, l'instruction étant close ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 2 mai 2012, présentée pour la commune de Magland ;

Vu la note en délibéré enregistrée le15 mai 2012, présentée pour les requérants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2012 :

- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Chaignet, représentant la SCP Ricard Demeure et Associés, avocat des requérants et de Me Frenoy, représentant la SELARL Adamas Affaires Publiques, avocat de la commune de Magland ;

Considérant que M. E ET AUTRES relèvent appel du jugement, en date du 27 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur recours pour excès de pouvoir dirigé contre la délibération du conseil municipal de Magland du 4 février 2009 approuvant la modification du plan local d'urbanisme de cette commune ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Magland :

Considérant que si la station de sports d'hiver de Flaine est située sur le territoire des communes d'Arâches-la-Frasse et de Magland, elle a d'emblée été conçue, au cours des années soixante, comme un ensemble homogène et constitue physiquement, du fait notamment des choix alors opérés en matière d'organisation de l'espace et de l'identité très marquée des partis architecturaux qui la caractérisent, une même entité urbaine ; que, compte tenu de ces particularités, d'où résulte la nécessité d'harmoniser au mieux les documents d'urbanisme des deux communes concernées, les requérants, propriétaires d'appartements situés dans différents immeubles collectifs de la station de sports d'hiver de Flaine, au voisinage de la partie supérieure du quartier dit " Front-de-Neige " concerné par la modification litigieuse du plan local d'urbanisme de Magland, qui vise à y permettre la réalisation d'une unité touristique nouvelle, justifient à ce titre d'un intérêt pour agir à l'encontre de la délibération du 4 février 2009, alors même que leurs propriétés sont situées sur le territoire de la commune d'Arâches-la-Frasse et non sur celui de la commune de Magland ; que la fin de non-recevoir opposée par cette dernière doit dès lors être écartée ;

Sur le fond :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, " le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune " ; qu'aux termes de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé par délibération du conseil municipal après enquête publique. / La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée : a) Ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-1 ; b) Ne réduise pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ; c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance./ Dans les autres cas que ceux visés aux a, b et c, le plan local d'urbanisme peut faire l'objet d'une révision selon les modalités définies aux articles L. 123-6 à L. 123-12 " ; que ni cette disposition, ni aucune autre disposition du code de l'urbanisme, depuis l'abrogation de son article R. 123-34 par le décret n° 2001-260 du 27 mars 2001, ne prévoient que l'initiative de la procédure de modification du plan local d'urbanisme appartiendrait au maire ; que cette compétence, qui ne saurait être déduite de la circonstance que l'article L. 123-6 dudit code confère quant à lui expressément au conseil municipal le pouvoir de prescrire l'élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme, n'est pas davantage prévue par les dispositions du code général des collectivités territoriales, et ne figure pas, notamment, au nombre de celles qu'énumèrent ses articles L. 2122-21 et suivants, relatifs aux attributions du maire exercées au nom de la commune ; qu'il n'appartient dès lors qu'au conseil municipal, investi d'une compétence générale en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2121-29 dudit code, de prescrire la modification du plan local d'urbanisme ; qu'il est en l'espèce constant que le conseil municipal de Magland n'a voté aucune délibération à cet effet ; que la délibération contestée est dès lors intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, par ce motif, être annulée ;

Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il doit être indiqué qu'aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible d'entraîner l'annulation de ladite délibération ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué et de la délibération du conseil municipal de Magland du 4 février 2009 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser quelque somme que ce soit à la commune de Magland en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les requérants ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901631 du 27 janvier 2011 et la délibération du conseil municipal de Magland du 4 février 2009 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel E, à M. John-Michael B, à M. Jonas A, à M. Philippe F, à M. Michael D, à Mme Michèle C et à la commune de Magland.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

Mme Verley-Cheynel et M. Zupan, présidents-assesseurs.

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2012.

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N° 11LY00778

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11LY00778
Date de la décision : 22/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS ET PLANS LOCAUX D'URBANISME - LÉGALITÉ DES PLANS - MODIFICATION ET RÉVISION DES PLANS - PROCÉDURES DE MODIFICATION.

68-01-01-01-02-02 En l'absence de texte attribuant expressément au maire l'initiative d'engager la procédure de modification du plan local d'urbanisme, depuis l'abrogation de l'article R. 123-34 du code de l'urbanisme, il n'appartient qu'au conseil municipal, suivant les dispositions générales de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, de prescrire le lancement d'une telle procédure.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT À AGIR.

68-06-01-02 En l'absence de texte attribuant expressément au maire l'initiative d'engager la procédure de modification du plan local d'urbanisme, depuis l'abrogation de l'article R. 123-34 du code de l'urbanisme, il n'appartient qu'au conseil municipal, suivant les dispositions générales de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, de prescrire le lancement d'une telle procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP RICARD DEMEURE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-22;11ly00778 ?
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