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15/03/2012 | FRANCE | N°11LY01195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11LY01195


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la société civile immobilière (SCI) DE LA GRANDE PLAINE, dont le siège social est 31 rue Pierre Delore à Lyon (69008) ;

La SCI DE LA GRANDE PLAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0902067-0904726, en date du 8 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant aux remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au titre du troisième trimestre de l'année 2008 à hauteur de 41 160 euros et du premier trimestre

de l'année 2009 à hauteur de 11 504 euros ;

2°) d'ordonner lesdits rembour...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la société civile immobilière (SCI) DE LA GRANDE PLAINE, dont le siège social est 31 rue Pierre Delore à Lyon (69008) ;

La SCI DE LA GRANDE PLAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0902067-0904726, en date du 8 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant aux remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au titre du troisième trimestre de l'année 2008 à hauteur de 41 160 euros et du premier trimestre de l'année 2009 à hauteur de 11 504 euros ;

2°) d'ordonner lesdits remboursements et de la décharger des pénalités de 362 euros qui lui ont été appliquées au titre de l'année 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son bénéfice, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SCI DE LA GRANDE PLAINE soutient que les dépenses d'honoraires qu'elle a acquittées à l'agence immobilière pour la cession d'immeubles ont été engagées en vue de la cession de son activité de location ; qu'elles font, en conséquence, partie de ses frais généraux et présentent un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique taxable ; qu'elles étaient donc déductibles en application de l'article 271 du code général des impôts, dès lors que les honoraires en cause n'étaient pas incorporés dans le prix de cession des immeubles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 19 mai 2011 du président de la 5ème chambre fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction de l'affaire au 30 novembre 2011 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que pour qu'une dépense grevée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ouvre droit à déduction, il doit exister un lien direct et immédiat entre cette dernière et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction ; qu'à défaut, il pourra être fait application de la notion de " frais généraux " lorsque la dépense grevée de TVA n'est pas directement et immédiatement liée à une opération ouvrant droit à déduction, mais qu'elle est en lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti ; que, toutefois, cette notion subsidiaire de frais généraux ne saurait s'appliquer lorsque la dépense dont s'agit est directement liée à une opération exonérée de TVA ou hors champ ; qu'en l'espèce, compte-tenu du lien direct et immédiat entre les frais en litige et la cession des immeubles n'ouvrant pas droit à déduction ces frais ne bénéficient d'aucun droit à déduction ; que leur coût ne peut qu'être réputé avoir été incorporé dans le prix de la cession ; qu'il appartenait à la SCI d'apporter la preuve que le coût des honoraires en cause n'avait pas été répercuté dans le prix de cession des immeubles ; qu'aucun lien direct et immédiat entre les dépenses concernées et l'ensemble de l'activité de la SCI n'est établi ; que, concernant les intérêts de retard, le litige doit être limité à la somme de 329 euros ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 octobre 2011, présenté pour la SCI DE LA GRANDE PLAINE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les services d'intermédiation d'une agence immobilière constituent des frais généraux dès lors qu'ils présentent un lien direct avec l'activité de location taxable sans qu'il y ait lieu de rechercher si ces frais ont été incorporés dans le prix de cession de l'immeuble ; que, par ailleurs, l'acte de cession précise que les frais de vente sont supportés exclusivement par le vendeur ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la circonstance que les honoraires sont exclus du prix de vente n'est pas suffisante pour ouvrir droit à déduction de la TVA afférente, dès lors qu'en vertu du paragraphe 2 de l'article 17 de la 6ème directive la déduction de la TVA d'amont n'est autorisée que dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées ; que ce droit doit être apprécié strictement au regard des opérations effectuées et non pas en considération de l'activité économique principale ; que la notion de besoin doit être interprétée à la lumière des dispositions combinées du paragraphe 2 de l'article 2 de la 1ère directive et du paragraphe 5 de l'article 17 de la 6ème directive ; qu'en l'espèce, les frais de négociation sont exclusivement liés à la cession non imposable à la TVA et il n'existe aucun lien entre ces frais et l'activité habituelle de location de la SCI ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2012 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que la SCI DE LA GRANDE PLAINE était propriétaire de locaux nus à usage commercial situés sur le territoire de la commune de Saint-Priest qu'elle donnait en location ; que ces locations étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de différentes options qu'elle avait exercées ; qu'elle a cédé, le 31 mars 2008, des locaux commerciaux à la SARL SCBL et, le 12 décembre 2008, des parcelles de terrains nus à la communauté urbaine de Lyon ; que la SCI DE LA GRANDE PLAINE a fait appel, pour ces cessions, à une agence immobilière qui lui a facturé des prestations pour ces transactions ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier au 30 septembre 2008, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux commissions facturées par l'agence immobilière au motif que les cessions concernées étaient placées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 8 mars 2011 qui a rejeté ses demandes de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces commissions, dont elle disposait au titre respectivement du troisième trimestre 2008 à hauteur de 41 160 euros et du premier trimestre 2009 à hauteur de 11 504 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 260 du code général des impôts : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;

Considérant que lorsqu'une personne, qui se livre à une activité de location de locaux nus assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée du fait de l'option prévue à l'article 260 du code général des impôts, envisage de céder tout ou partie des immeubles loués, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession ; que cette personne est néanmoins en droit de déduire cette taxe si elle établit que les dépenses inhérentes à la transaction n'ont pas été incorporées dans le prix de la cession et peuvent ainsi être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie, à moins que l'administration ne démontre que le produit de la cession n'a été utilisé par celle-ci qu'à des fins purement patrimoniales ;

En ce qui concerne la cession, le 31 mars 2008, des locaux commerciaux à la SARL SCBL :

Considérant que la SCI DE LA GRANDE PLAINE a produit le mandat de vente et l'acte de cession des locaux en cause mettant les honoraires de négociation à sa charge exclusive ; que le ministre qui reconnaît que les honoraires en litige ont été effectivement exclus du prix de vente n'allègue ni même n'établit que la cession de ses locaux par la SCI requérante n'aurait été effectuée qu'à des fins purement patrimoniales ; que, par suite, les honoraires de négociation ont revêtu, en dépit de leur affectation à l'opération de cession des immeubles elle-même exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, le caractère de frais généraux de cette société et correspondent, en tant que tels, à des éléments constitutifs des revenus de son activité de location, entretenant ainsi un lien direct et immédiat avec cette activité taxable de la société ; que la taxe sur la valeur ajoutée grevant le montant de ces honoraires était, dès lors, déductible ; que la SCI DE LA GRANDE PLAINE est, par suite, fondée à en demander le remboursement, ainsi que la décharge des intérêts de retard qui lui ont été appliqués après la remise en cause de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la cession, le 12 décembre 2008, des parcelles de terrains nus à la communauté urbaine de Lyon :

Considérant que la SCI DE LA GRANDE PLAINE n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les honoraires de négociation exposés au titre de cette cession n'auraient pas été incorporés dans le prix de celle-ci ; que, par suite, ils doivent être regardés comme présentant un lien direct et immédiat avec l'opération de cession exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la taxe sur la valeur ajoutée dont ils ont été grevés n'était, en conséquence, pas déductible et la SCI DE LA GRANDE PLAINE n'est, par suite, pas fondée à en demander le remboursement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI DE LA GRANDE PLAINE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux honoraires de négociation qu'elle a supportés au titre de la cession le 31 mars 2008 de locaux commerciaux à la SARL SCBL, ainsi qu'à la décharge des intérêts de retard qui lui ont été appliqués après la remise en cause de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI DE LA GRANDE PLAINE dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat remboursera à la SCI DE LA GRANDE PLAINE le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a disposé au titre du troisième trimestre de l'année 2008, à hauteur de la somme de 41 160 euros. La SCI DE LA GRANDE PLAINE est déchargée des intérêts de retard résultant des rectifications qui lui ont été notifiées après la remise en cause de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 8 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SCI DE LA GRANDE PLAINE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI DE LA GRANDE PLAINE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 16 février 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2012.

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N° 11LY01195

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01195
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : MOULINIER, DULATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-03-15;11ly01195 ?
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