Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011, présentée pour Mme Céline A épouse B, domiciliée ..., par Me Ducrey, avocat ;
Mme A épouse B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902256 du 9 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juillet 2009 par laquelle le commandant en second de la gendarmerie d'outre-mer lui a infligé la sanction de 30 jours d'arrêt ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les droits de la défense n'ont pas été respectés, comme les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, ainsi qu'un principe général du droit prévoyant le respect des droits de la défense ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente et aucune délégation ou subdélégation n'a été produite ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2011, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car elle se borne à reprendre littéralement la demande ;
- l'article 6 alinéa 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas applicable et, en tout état de cause, Mme A épouse B a pu exercer de manière suffisante ses droits à la défense ;
- l'auteur de l'acte est compétent ;
- la décision du 7 juillet 2009 est suffisamment motivée en fait et en droit ;
- Mme A épouse B a reconnu les faits qui lui sont reprochés, elle ne peut par conséquent se prévaloir de leur inexactitude ;
- la sanction disciplinaire infligée à l'intéressée n'est pas manifestement disproportionnée ;
- elle n'apporte aucun élément permettant d'établir le détournement de pouvoir ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2011, par lequel le ministre de l'intérieur indique qu'il a transmis le dossier à la gendarmerie ;
Vu l'ordonnance du 14 décembre 2011 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a rejeté la question prioritaire de Constitutionnalité présentée pour la requérante ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2012, présenté pour la requérante, tendant aux mêmes fins et moyens que ceux précédemment invoqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code de la défense ;
Vu la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :
- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
Considérant que Mme A relève appel du jugement du 9 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juillet 2009 par laquelle le commandant en second de la gendarmerie d'outre-mer lui a infligé la sanction de 30 jours d'arrêt ;
Sur la décision du 7 juillet 2009 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de la défense :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges que la Cour fait siens, d'écarter les moyens invoqués par la requérante et auxquels elle se réfère en appel, tirés de l'incompétence du signataire de la sanction attaquée et du défaut de motivation de cette décision ; que Mme A épouse B ne peut se prévaloir utilement des stipulations de l'article 6-I de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le présent litige, qui concerne une sanction disciplinaire, ne porte pas sur des droits et obligations de caractère civil ou sur une accusation en matière pénale ;
Considérant que l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 susvisée dispose que : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté. " ; que le droit à communication du dossier a été repris par le cinquième alinéa de l'article L. 4137-1 du code de la défense qui prévoit : " Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 4137-15 du code de la défense : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d'un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l'autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s'expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L'explication écrite de l'intéressé ou la renonciation écrite à l'exercice du droit de s'expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l'autorité militaire supérieure. Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, officier de police judiciaire en congé maternité depuis le 7 mars 2009, a été invitée le 6 mai 2009 à justifier par écrit de manquements constatés de sa part dans l'instruction de procédures pénales ; qu'elle a établi le 9 mai 2009 un compte-rendu détaillé sur ces procédures, et a été informée le 15 mai 2009 de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, de son droit à recevoir communication de l'ensemble des documents au vu desquels la sanction était envisagée, et de son droit d'accès à son dossier individuel assistée par un militaire de son choix ; que, le 20 mai 2009, elle a renoncé à son droit à consulter son dossier individuel, et a pris connaissance des éléments justifiant la demande de sanction ; que le 26 mai 2009, Mme A a été reçue par l'autorité militaire de premier niveau, et à l'issue de l'entretien, a renoncé à formuler des explications écrites pour l'autorité supérieure ;
Considérant qu'aucun texte et aucun principe ne font obstacle à ce qu'un agent public en congé maternité fasse l'objet d'une sanction disciplinaire s'il manque à ses obligations professionnelles ; que l'intéressée, qui se plaint du délai trop bref qui lui a été laissé pour préparer sa défense, a toutefois bénéficié le 9 mai 2009 d'un délai supérieur au délai minimum prévu par l'article R. 4137-15 précité du code de la défense ; que la requérante, qui n'a pas souhaité prendre connaissance de la totalité de son dossier administratif, a reçu le 20 mai 2009 communication des rapports qui précisaient les griefs qui lui étaient reprochés ; qu'elle a bénéficié d'un délai suffisant pour préparer sa défense, avant l'entretien du 26 mai 2009, et avant le prononcé de la sanction, le 7 juillet 2009 ; qu'aucune disposition n'imposait à l'administration de lui envoyer une copie de son dossier administratif ; que, par suite, la procédure contradictoire n'a pas été méconnue ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) " ; que cet article dispose : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; /e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (...) " ;
Considérant que Mme A ne produit pas d'élément de nature à établir qu'elle même et les autres agents de sa brigade aient été surchargés de travail ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 14 mai 2009 par le commandement de la gendarmerie de Fort de France, et qu'il n'est pas sérieusement contesté, qu'au cours de l'année 2008 et du premier trimestre 2009 Mme A, officier de police judiciaire depuis le 16 juillet 2008, a accumulé un important retard dans le traitement d'une dizaine de procédures, en particulier de celles impliquant des mineurs ; que l'intéressée, lors de son départ en congé maternité, a dissimulé cette situation à sa hiérarchie ; que si Mme A argue de son état de grossesse, elle a bénéficié à partir d'octobre 2008 d'aménagement de ses conditions de travail, étant déchargée de certaines procédures, dispensée de service externe, et bénéficiant depuis août 2008 de l'assistance d'un autre agent ; que dès lors, et comme l'a jugé à bon droit le Tribunal, en infligeant à la requérante une sanction du premier groupe de 30 jours d'arrêt, le commandant en second de la gendarmerie d'outre-mer n'a commis ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin que Mme A n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle ait fait l'objet d'un quelconque harcèlement ou que la sanction litigieuse soit entachée de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A, dont les conclusions tendant à enjoindre à l'administration de produire des pièces supplémentaires ne peuvent être accueillies, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A épouse B est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Céline A épouse B, au ministre de la défense et des anciens combattants et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 7 février 2012, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Seillet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mars 2012.
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N° 11LY01260