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16/02/2012 | FRANCE | N°11LY00255

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 16 février 2012, 11LY00255


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2011, présentée pour M. Jean-François A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802530 du 1er décembre 2010 du président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de son préjudice moral, outre intérêts au taux légal, et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice économique ;

2°) de condamner

l'Etat à lui verser une indemnité de 50 485,02 euros, au titre de son préjudice économique, et...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2011, présentée pour M. Jean-François A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802530 du 1er décembre 2010 du président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de son préjudice moral, outre intérêts au taux légal, et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice économique ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 485,02 euros, au titre de son préjudice économique, et une indemnité de 50 000 euros, au titre de son préjudice moral, outre intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral, alors que celui-ci a été caractérisé, lors de sa réintégration, par la reprise d'un poste qui ne comportait pas des fonctions correspondant au niveau de responsabilité et à ses états de service antérieurs, par des manoeuvres visant à l'isoler du reste du personnel, par la volonté de le discréditer aux yeux du reste du personnel, et par des refus de lui décerner des félicitations, de lui attribuer une prime exceptionnelle et de procéder à sa notation ;

- les agissements fautifs ont été directement à l'origine des préjudices dont il demande réparation ;

- il a subi un préjudice moral, résultant de l'état dépressif consécutif aux agissements de son supérieur hiérarchique, ainsi qu'un préjudice de carrière et économique, résultant de son placement en disponibilité d'office et d'une entrave au déroulement de sa carrière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 1er juin 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- c'est en se livrant à une exacte appréciation des circonstances, et sans commettre d'illégalité que le Tribunal a tenu compte de l'importance respective des fautes commises par l'administration et par M. A ;

- le requérant n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal aurait commis une erreur de fait ;

- le Tribunal a procédé à une juste appréciation du préjudice subi par le requérant ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2000-78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée notamment par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2012 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lazaud, pour M. A ;

Considérant que M. A, capitaine de police affecté à la circonscription de sécurité publique de Vichy depuis 1993, en qualité de chef de l'unité de voie publique, a fait l'objet, dans un premier temps, par un arrêté du 25 avril 2001 du ministre de l'intérieur, d'une mutation d'office, dans l'intérêt du service, à la circonscription de sécurité publique de Thiers ; que, par un arrêté ministériel du 25 avril 2003, pris en exécution d'un jugement, annulé depuis par un arrêt de la Cour de céans du 12 décembre 2006, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en date du 20 février 2003, qui avait prononcé l'annulation de l'arrêté de mutation du 25 avril 2001, M. A a été réintégré rétroactivement à la circonscription de sécurité publique de Vichy avant que lui soit infligée, par une décision du 5 juillet 2004 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la sanction du déplacement d'office, de la circonscription de sécurité publique de Vichy à celle de Saint-Etienne, à compter du 1er août 2004 ; que la demande tendant à l'annulation de cette décision a été rejetée par un jugement du 7 décembre 2006 du Tribunal administratif de Lyon, ayant fait l'objet d'un appel rejeté par la Cour de céans par un arrêt du 12 novembre 2009 ; qu'après le rejet implicite de la demande qu'il avait adressée, le 10 octobre 2006, au ministre de l'intérieur aux fins d'indemnisation du préjudice moral et du préjudice matériel résultant selon l'intéressé, des conditions dans lesquelles il avait été réintégré à la circonscription de sécurité publique de Vichy, constitutives d'un harcèlement moral, M. A a saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande aux mêmes fins ; qu'il fait appel du jugement du 1er décembre 2010 du président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice moral subi à raison des agissements fautifs de l'administration, non constitutifs de faits de harcèlement moral et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice économique ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ; que ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Considérant que si, par un rapport du 8 avril 2003, le commissaire principal de police, chef de la circonscription de sécurité publique de Vichy, a informé ses supérieurs hiérarchiques des difficultés nécessairement engendrées par la réintégration dans son service de M. A, compte tenu des motifs de la mutation dans l'intérêt du service dont avait fait l'objet l'intéressé, prise en vue de remédier au dysfonctionnement du service résultant du différend qui opposait cet agent à deux de ses subordonnés et de son attitude discourtoise à l'égard du directeur départemental de la sécurité publique de l'Allier, avant l'annulation de cette mesure par un jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 février 2003, et compte tenu de la nomination d'un autre officier dans les fonctions occupées jusqu'alors par M. A, ledit rapport, dans lequel son auteur mentionnait son absence d'animosité personnelle envers l'intéressé, avait été rédigé afin d'inciter l'administration à former un appel contre le jugement en cause, finalement annulé par un arrêt de la Cour de céans du 12 décembre 2006 ; qu'eu égard aux difficultés de procéder à la réintégration de M. A dans son ancien service, les affectations qui lui ont été désignées entre le mois de juillet 2003 et celui de janvier 2004, qui l'avait conduit à ne pouvoir exercer ses fonctions qu'en civil alors que les dispositions du décret n° 95-656 du 9 mai 1995 lui permettaient de continuer d'exercer ses fonctions en tenue, puis à être affecté comme 2ème adjoint du responsable de l'unité de voie publique, sous le commandement d'un 1er adjoint qui avait été auparavant son subordonné, bien que fautives, ne démontrent pas, à elles seules, contrairement à ce que soutient le requérant, une dégradation de ses conditions de travail se caractérisant, de la part de son supérieur hiérarchique, par une attitude de dénigrement systématique et une réduction importante de ses attributions antérieures, révélatrices d'une situation de harcèlement moral ; qu'il en est de même des circonstances qu'une prime exceptionnelle de résultat lui avait été refusée, alors qu'il avait fait l'objet de la sanction disciplinaire du déplacement d'office au cours de l'année 2004, et qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune notation durant plusieurs années à compter de l'année 2001, alors qu'il n'avait pas rejoint l'affectation vers laquelle il avait été muté dans l'intérêt du service, ou qu'il n'avait pas été présent dans son service d'affectation en raison de congés de maladie ou d'une décharge syndicale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice de carrière et économique dont demande réparation M. A, qui, ainsi qu'il a été dit, a fait l'objet d'une mesure de mutation dans l'intérêt du service, puis d'une sanction disciplinaire de déplacement d'office, dont la légalité a été reconnue par deux arrêts de la Cour de céans, soit imputable aux agissements fautifs de l'administration ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. A est, en revanche, fondé à se prévaloir du préjudice moral subi à raison des agissements fautifs de l'administration constatés par le premier juge dans le jugement attaqué, le Tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de ce préjudice moral en évaluant à 3 000 euros l'indemnisation due à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice moral subi à raison des agissements fautifs de l'administration, et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice économique ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-François A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2012.

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N° 11LY00255


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL COLLARD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/02/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY00255
Numéro NOR : CETATEXT000025401588 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-02-16;11ly00255 ?
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