Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2011, présentée pour M. Patrick A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0804640, en date du 26 novembre 2010, du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ses préjudices matériels et financiers ;
2°) de condamner l'Etat à titre principal à lui verser la somme de 528 288,42 euros au titre de son préjudice matériel et financier ; cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du jour du dépôt de la requête devant le Tribunal administratif de Grenoble, le 10 octobre 2008 ;
3°) à titre subsidiaire de condamner l'Etat à lui verser la somme de 234 125,99 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que c'est à tort que les premiers juges lui ont refusé tout droit à indemnisation au titre de son préjudice matériel et financier au motif qu'il avait retiré un profit de l'exploitation de l'officine objet du transfert irrégulièrement accordé ;
- qu'il résulte en la matière de la jurisprudence que, en cas d'annulation de la décision de transfert, le bénéficiaire de cette autorisation irrégulière est fondé à obtenir une indemnité correspondant aux frais qu'il a engagés en pure perte du fait du transfert ;
- que les frais dont il a demandé à être indemnisé sont des frais qu'il a exposés en pure perte et sont en lien direct avec les autorisations de transfert irrégulièrement délivrées ;
- que les premiers juges auraient dû analyser chacun des postes de préjudices ;
- qu'il convient donc de prendre en compte tous les frais inutilement engagés pour la création de la pharmacie au 27 allée Albert Sylvestre (pharmacie Polygones) puis pour l'installation de la nouvelle pharmacie au 556 avenue de Turin (pharmacie Joppet) ;
Ces frais correspondent :
- à l'indemnisation de la perte d'actif immobilisé de la pharmacie allée Albert Sylvestre, cet actif ne faisant l'objet d'aucun amortissement ;
- à l'indemnisation des travaux réalisés pour l'installation de la nouvelle pharmacie (Joppet) ;
- à l'indemnisation des frais engendrés par les produits périmés ;
- au coût du licenciement des salariés ;
- à l'indemnisation du préjudice correspondant aux frais financiers et aux agios depuis la fermeture de la pharmacie et jusqu'à l'ouverture de la nouvelle pharmacie ;
- à l'indemnisation des frais à caractère juridique liés à l'ouverture de la pharmacie Joppet ;
- à l'indemnisation des frais liés aux procédures juridictionnelles ;
- à l'indemnisation des coûts fixes liés aux frais d'exploitation d'un local sans activité ;
- au remboursement des sommes empruntées pour pallier à la fermeture de la pharmacie ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il maintient les arguments qu'il a invoqués dans ses précédents écrits ;
Il fait valoir :
- en premier lieu que les nouveaux chefs de préjudices invoqués pour la première fois par M. A, à savoir des coûts fixes liés aux frais d'exploitation du local de transfert resté sans activité, de l'indemnisation de la perte d'actif immobilisé ainsi qu'une perte de bénéfice entre 2001 et 2008, sont irrecevables faute d'avoir été invoqués dans les précédents écrits de l'intéressé ;
- que le préjudice lié à l'indemnisation du mobilier démonté dans la pharmacie Polygones n'a pas à être indemnisé dès lors que ce mobilier pouvait être récupéré et réutilisé dans la nouvelle pharmacie ;
- que M. A ne saurait demander à être indemnisé au titre des travaux réalisés pour l'installation de la nouvelle pharmacie car ils ne sont pas la conséquence directe de la faute commise par l'administration ;
- que s'agissant des médicaments invendables, il n'y a lieu à aucune indemnité car il appartenait à M. A de remettre son stock de médicaments au grossiste-répartiteur ou au dépositaire des laboratoires auprès desquels il s'était approvisionné ;
- qu'en ce qui concerne les indemnités de licenciement des personnels ne peuvent être retenues que les indemnités de licenciement et de préavis et non les salaires et les congés payés des salariés qui n'ont aucun lien direct avec la décision illégale d'autorisation de transfert ;
- que les frais se rapportant aux agios et frais financiers, déséquilibres de trésorerie, emprunts à des amis et frais à caractère juridique liés à l'ouverture de la nouvelle pharmacie ne sont pas la conséquence de l'autorisation illégale mais résultent de l'arrêt de l'exploitation de l'officine ;
- que les frais liés aux procédures juridictionnelles sont la conséquence des demandes répétées de M. A pour obtenir le transfert de sa pharmacie ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2011, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les observations de Me Harel, avocat de M. A ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Harel ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir invoquée par le ministre :
Considérant que M. A, qui exploitait une pharmacie, sise 41 avenue de Turin à Chambéry, a obtenu, par arrêtés préfectoraux des 26 juillet 2001, 1er décembre 2003 et 3 juillet 2006, trois autorisations successives de transfert de son officine au 286 avenue du Grand Verger, devenu ensuite 27 allée Albert Sylvestre à Chambéry ; qu'il a dû fermer cette officine le 2 août 2007, après que ces arrêtés ont été successivement annulés par des jugements du Tribunal administratif de Grenoble des 24 septembre 2003, 21 avril 2006 et 22 juin 2007, confirmés par la Cour administrative d'appel de Lyon par un arrêt du 24 avril 2007 et deux arrêts du 9 décembre 2008 et que le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation concernant la première autorisation ; que M. A a obtenu le 19 novembre 2007 une nouvelle autorisation de transfert pour se réinstaller 556 avenue de Turin, dans le quartier qu'il avait quitté en 2001 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à M. A la somme de 25 000 euros destinée à indemniser le préjudice relatif aux troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé en conséquence des autorisations illégales qui lui ont été accordées ; que M. A demande la réformation de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande d'indemnité correspondant à son préjudice matériel ;
Considérant que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était pas intervenue ; que, dans ce cadre, la victime d'une décision illégale de transfert d'une officine de pharmacie est fondée à obtenir, au titre de son préjudice matériel, une indemnisation des frais qu'elle a engagés en pure perte à la suite de cette autorisation ;
Considérant, en premier lieu, que les frais correspondant au coût des formalités et aux travaux d'aménagement exposés par M. A pour son installation dans sa nouvelle officine de pharmacie au 556 avenue de Turin ne sauraient être regardés comme engagés en pure perte ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à demander à être indemnisé de ces frais ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A n'est pas fondé à demander à être indemnisé des frais relatifs aux procédures juridictionnelles engagées dans le cadre des litiges nés des autorisations qui lui ont été illégalement accordées dès lors que ces frais ne présentent pas de lien direct avec la délivrance desdites autorisations ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A n'est pas fondé à demander à être indemnisé des préjudices financiers résultant de l'arrêt de l'exploitation de l'officine de pharmacie consécutif à l'annulation des autorisations qui lui ont été illégalement accordées ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. A est fondé à demander à être indemnisé des préjudices correspondant, d'une part, à la perte d'actif immobilisé de la pharmacie allée Albert Sylvestre, d'autre part, au coût des médicaments qui n'ont pas pu être vendus dans le délai de péremption, et ce pour un montant de, respectivement, 16 768,20 et 10 401,39 euros ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. A est fondé à demander à être indemnisé à hauteur des indemnités de licenciement des salariés dont il a dû se séparer après l'annulation de l'autorisation de transfert, il ne saurait en revanche obtenir une indemnité correspondant au coût des salaires des autres salariés qu'il n'a pas licenciés mais qui se retrouvent sans activité après l'annulation de ladite autorisation ; que, dans ces conditions, M. A est seulement fondé à obtenir, au titre de ce chef de préjudice, la somme de 8 247,10 euros correspondant aux indemnités de licenciement versées à Mmes B et C ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les frais susceptibles d'être pris en compte au titre du préjudice matériel subi par M. A s'élèvent à la somme totale de 35 416,69 euros ; que cette somme est inférieure aux bénéfices retirés par l'intéressé de l'exploitation illégale de son officine entre 2001 et 2007, lesquels ont atteint un montant de 460 654 euros ; qu'ainsi M. A n'établit pas le préjudice matériel qu'il invoque ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à ce titre à lui verser la somme de 528 288,42 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 234 125,99 euros doivent donc être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2011 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2012.
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N° 11LY00211