Vu la requête, enregistrée le 24 août 2010, présentée pour la société VALENTIN TRAITEUR, dont le siège social est rue Ampère, ZI la Demie-Lieu à Mably (42300) ;
La société VALENTIN TRAITEUR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802931 du 29 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Roanne du 22 février 2008 l'autorisant à licencier Mme A ;
2°) de rejeter la demande de Mme A devant le Tribunal ;
3°) de condamner Mme A à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'il n'y a pas eu de précipitation dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ; que la salariée a bien été convoquée à une réunion exceptionnelle des délégués du personnel, le 19 novembre 2007, qui se sont prononcés à 5 voix sur 6 pour une impossibilité de reclassement ; que le comité d'entreprise a émis un avis favorable au licenciement le 18 décembre 2007 ; que les différentes étapes de la procédure de licenciement ont été respectées ; que les délégués du personnel n'ont pas à être consultés à nouveau en cas de nouvel avis rendu par l'inspecteur du travail sur l'aptitude du salarié ; que l'absence de visa de la réunion des délégués du personnel est sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail ; que tous les types de reclassement ont été envisagés ; que le médecin du travail a constaté l'absence de poste disponible au service qualité ; qu'aucun poste n'était vacant au service administratif ; que l'embauche d'une secrétaire s'est faite sur un contrat de travail à durée déterminée et nécessitait une formation et des connaissances que Mme A ne possédait pas ; qu'il n'existe pas de lien entre le licenciement et le mandat ; que les avertissements adressés à l'intéressée se justifient par le fait qu'elle avait enfreint les règles d'hygiène et qu'elle avait quitté son poste de travail ; que le directeur régional du travail a d'ailleurs noté que l'employeur a toujours donné une suite positive aux observations de l'inspecteur du travail sur les prérogatives des représentants du personnel ;
Vu un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2010, présenté pour Mme A, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de la société VALENTIN TRAITEUR à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la société VALENTIN TRAITEUR cherche par tout moyen à se séparer d'elle depuis qu'elle remplit un mandat syndical ; que les différents courriers versés montrent que l'hostilité de la direction à son égard est liée à sa qualité de représentante syndicale ; que les représentants du personnel n'ont pas été réellement associés à la recherche de possibilité de reclassement de la salariée ; que la fiche de poste contrôleur-qualité, assistante-qualité fait apparaître l'alternance des contrôles en milieu froid et milieu tempéré ; que seul le travail de longue durée en milieu froid et/ou humide est incompatible avec son état de santé ; que la fonction d'assistante-qualité, est caractérisée par des missions de saisie, d'analyse et d'établissement de documents qui s'apparentent à un travail administratif ; que la fiche de poste ne fait référence à aucune formation initiale ni diplôme ; qu'à la fin de l'année 2007, la société employait au service qualité une salariée intérimaire qui est demeurée dans l'entreprise après le retour de la salariée qu'elle remplaçait ; qu'il existait donc une possibilité de reclassement dont l'employeur avait connaissance au moment du licenciement ; qu'un apprenti qualité a même été recruté en septembre 2007 ; qu'en ce qui concerne le service administratif, l'employeur se borne à affirmer qu'aucun poste n'était disponible et qu'elle n'avait pas de diplômes ; que dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit examiner les possibilités de transformation de poste, de mutations ou d'aménagement du temps de travail ; que la société ne prouve pas qu'elle ait procédé à des recherches en ce sens ;
Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er février et 20 octobre 2011, présentés pour la société VALENTIN TRAITEUR, tendant aux mêmes fins que la requête, selon les mêmes moyens, en les précisant sur certains points ;
Vu un mémoire complémentaire, enregistré le 6 septembre 2011, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes, selon les mêmes moyens, en les précisant sur certains points ;
Vu un mémoire, enregistré le 31 octobre 2011, présenté pour le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, tendant aux mêmes fins que la requête susvisée ;
Il soutient que le lien avec les mandats n'est pas démontré ; que les difficultés relationnelles entre la salariée et le dirigeant de l'entreprise étaient antérieures à ses mandats ; que l'employeur était dans l'impossibilité de la reclasser ;
Vu l'ordonnance du 6 octobre fixant la clôture d'instruction au 4 novembre 2011 ;
Vu un nouveau mémoire, transmis par télécopie le 8 décembre 2011, présenté pour Mme A ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- les observations de Me Iarussi, avocat de la société VALENTIN TRAITEUR et de Me Jullien, avocat de Mme A ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Iarussi et à Me Jullien ;
Considérant qu'en vertu des articles L. 412-18 et L 436-1 du code du travail, les délégués du personnel et les représentants syndicaux, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des règles applicables au contrat de travail du salarié, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'aux termes de l'article L. 122-32-5 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable: Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagements du temps de travail...S'il ne peut proposer un autre emploi, l'employeur est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement...L'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions... ;
Considérant qu'après que le médecin du travail ait, par deux avis des 22 octobre et 5 novembre 2007, déclaré Mme A, déléguée du personnel suppléante et déléguée syndicale, employée en dernier lieu à la fabrication des croques, inapte au poste qu'elle occupait, la société VALENTIN TRAITEUR a demandé l'autorisation de la licencier ; que saisi par Mme A en application de l'article L. 241-10-1 du code du travail, l'inspecteur du travail, après avis du médecin-inspecteur régional du travail et de la main d'oeuvre a estimé, par décision du 11 février 2008, qu'elle était apte à toute activité professionnelle n'incluant pas de port de charges supérieures à 10 kg, n'imposant pas un travail de longue durée en milieu froid et/ou humide et ne nécessitant pas de gestes répétitifs des membres supérieurs, notamment poignets et coudes ; que par une décision du 22 février 2008, il a autorisé le licenciement sollicité au motif que l'employeur avait satisfait à ses obligations de recherche de reclassement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il existait à la fin de l'année 2007 au moins une possibilité de reclasser Mme A sur un poste d'assistante-qualité, caractérisé par des missions de saisie, d'analyse et d'établissement de documents, ne nécessitant pas d'exposition de longue durée au froid, ni de qualification particulière ; que la circonstance que ce poste était précaire n'empêchait pas l'employeur de le proposer à l'intéressée ; que, par ailleurs, la société VALENTIN TRAITEUR, qui s'est bornée à soutenir qu'aucun poste n'était vacant au service administratif, sans rechercher au préalable, s'il existait dans ce service un emploi compatible avec l'aptitude physique de Mme A, après avoir procédé, au besoin, à un réaménagement de certains postes de travail, ainsi que le prévoit l'article L. 122-32-5 du code du travail, ne s'est pas livrée à une recherche sérieuse des possibilités de reclasser l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société VALENTIN TRAITEUR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Roanne du 22 février 2008 autorisant le licenciement de Mme A ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle présente sur le fondement de cet article ; qu'il y a lieu, en revanche, de la condamner à payer à Mme A la somme de 1 500 euros à ce même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société VALENTIN TRAITEUR est rejetée.
Article 2 : La société VALENTIN TRAITEUR versera la somme de 1 500 euros à Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VALENTIN TRAITEUR, à Mme Christiane A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2011 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président,
M. Picard et M. Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2012.
''
''
''
''
1
4
N° 10LY02085