Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010, présentée pour la SOCIETE AECP, dont le siège est 2 rue Siggy Vu Letzebuerg à Luxembourg (L-1933) ;
La SOCIETE AECP demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800067 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire la somme de 50 232 euros et a rejeté ses demandes tendant :
- à l'annulation de la décision du 24 août 2007 par laquelle le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire a résilié le contrat de régie publicitaire conclu le 22 janvier 2007 et de la décision implicite du 13 novembre 2007 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision,
- à ce que soit prononcée la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire,
- à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire à lui verser la somme de 100 464 euros en réparation de son préjudice,
- à titre subsidiaire à l'annulation du contrat conclu le 22 janvier 2007 et à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire à lui verser la somme de 84 000 euros ;
2°) d'annuler lesdites décisions en date des 24 août 2007 et 13 novembre 2007 ;
3°) de prononcer la résiliation du contrat conclu le 22 janvier 2007 aux torts exclusifs de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire ;
4°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire à lui verser la somme de 84 000 euros en réparation de son préjudice,
5°) à titre subsidiaire d'annuler le contrat conclu le 22 janvier 2007 et de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire à lui verser la somme de 84 000 euros ;
6°) de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le Tribunal administratif de Dijon n'a pas tiré les conséquences du constat tiré de l'irrégularité de la procédure de résiliation du marché à ses torts exclusifs ; que la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire a détourné des paiements qui lui revenaient directement en s'adressant directement aux annonceurs, ce qui justifie que lui soit allouée la somme de 84 000 euros ; que la chambre de commerce et d'industrie ne peut justifier d'un enrichissement sans cause, susceptible de justifier la condamnation prononcée à son encontre ; que le marché était nul ; que la CCI doit fournir une estimation du marché, faute de quoi l'application de la procédure adaptée ne peut être justifiée ; que le contrat méconnaissait les règles de la comptabilité publique fixées par le décret du 29 décembre 1962 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2010, présenté pour la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire, qui conclut :
- au rejet de la requête,
- à la condamnation de la SOCIETE AECP à lui verser une somme supplémentaire de 3 887 euros,
- à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE AECP la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la SOCIETE AECP avait été mise en demeure d'exécuter ses obligations contractuelles dès le 24 mai 2007 puis à plusieurs reprises ; qu'elle a respecté les exigences de l'article 37-1 du CCAG PI ; que les fautes de la SOCIETE AECP sont établies et pouvaient justifier la résiliation du marché à ses torts exclusifs ; que le préjudice a été subi par la CCI et non la SOCIETE AECP qui a conservé l'intégralité des recettes ; que l'exécution du contrat par la SOCIETE AECP était déficitaire ; qu'elle aurait dû percevoir une somme de 54 119 euros pour les factures émises entre le 30 mars 2007 et le 28 novembre 2008 ; que, s'agissant de la facture de novembre 2008, correspondant à des prestations réalisées après résiliation du marché, elle est bien fondée à en demander le remboursement sur le fondement de la répétition de l'indu ; que le marché conclu le 22 janvier 2007 pouvait bien être passé à l'issue d'une procédure adaptée ; que le marché litigieux ne confiait pas à la SOCIETE AECP la perception de recettes publiques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 91-739 du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres régionales de commerce et d'industrie, à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller,
- les observations de Me Legens, représentant la SOCIETE AECP, et de Me Rollet, représentant la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire (CCI),
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,
- La parole ayant été de nouveau donnée à Me Legens et à Me Rollet ;
Considérant que, le 22 janvier 2007, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Saône-et-Loire a attribué à la SOCIETE AECP un marché lui confiant la prospection publicitaire pour son magazine économique à parution bimestrielle ; que, par courrier en date du 24 août 2007, elle a résilié ce marché aux torts exclusifs de cette dernière ; que la SOCIETE AECP relève appel du jugement du 18 mars 2010 du Tribunal administratif de Dijon ayant rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation, à ce que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de la CCI de Saône-et-Loire ainsi qu'à l'indemnisation de ses préjudices, et l'ayant condamnée à verser à cette dernière. la somme de 50 232 euros au titre de ses obligations contractuelles ; que, par la voie de l'appel incident, la CCI de Saône-et-Loire demande la condamnation de la SOCIETE AECP à lui verser la somme supplémentaire de 3 887 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation et à ce que soit prononcée la résiliation aux torts exclusifs de la CCI de Saône-et-Loire :
Considérant que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions dirigées contre la décision de résiliation du 24 août 2007 au motif que la SOCIETE AECP n'était pas recevable à demander l'annulation d'un acte qui n'était pas détachable du contrat ; que la SOCIETE AECP ne critiquant pas le jugement attaqué sur ce point, elle n'est pas fondée à demander son annulation, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ladite décision et à ce que soit prononcée la résiliation du marché aux torts de la CCI de Saône-et-Loire ;
Sur les conclusions indemnitaires présentées à titre principal :
Considérant qu'en application du contrat litigieux, la SOCIETE AECP, qui percevait des recettes auprès des annonceurs lors de la vente des encarts publicitaires dans le magazine économique de la CCI de Saône-et-Loire, devait reverser au minimum à l'établissement 14 000 euros HT à chaque numéro ; qu'il résulte de l'instruction que les recettes perçues par la SOCIETE AECP n'ont jamais dépassé cette somme ; que, dès lors, la SOCIETE AECP n'établit pas que la résiliation à ses torts du marché lui aurait causé un manque à gagner dont elle pourrait demander l'indemnisation ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Dijon à rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la résiliation irrégulière du marché ;
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :
Considérant, d'une part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité, relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;
Considérant, d'autre part, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité, relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
Considérant que la SOCIETE AECP soutient que, compte tenu de son montant, la CCI de Saône-et-Loire aurait dû passer le marché litigieux selon une procédure d'appel d'offres et non selon une procédure adaptée ; que, toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce vice n'est pas au nombre de ceux que peut invoquer la SOCIETE AECP devant le juge administratif pour que ce dernier écarte le contrat ou constate sa nullité ;
Considérant, par ailleurs, que le contrat conclu par la SOCIETE AECP ne lui confiait pas le recouvrement de sommes dues par des tiers en contrepartie de biens ou services fournis par la CCI de Saône-et-Loire, mais la chargeait de la prospection des annonceurs, de la préparation des encarts publicitaires et de leur facturation ; que les recettes ainsi perçues lors de la vente des encarts publicitaires, constitutives de recettes commerciales de la société requérante dans le cadre de ce marché de services, ne peuvent être qualifiées de recettes publiques au sens des dispositions du décret du 29 décembre 1962 susvisé, seules revêtant une telle nature les sommes ensuite versées à l'établissement en vertu du contrat ; que, par suite, la SOCIETE AECP n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que son contrat lui confiait la perception de recettes publiques en méconnaissance des dispositions de ce décret et des règles de la comptabilité publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées à titre subsidiaire par la SOCIETE AECP doivent être rejetées ;
Sur les sommes mises à la charge de la SOCIETE AECP :
Considérant que la SOCIETE AECP devait verser à la CCI de Saône-et-Loire une somme minimum de 14 000 euros HT par numéro, en application du contrat ; qu'il est constant qu'elle n'a pas réglé les sommes qu'elle devait pour les numéros de mars, mai et juillet 2007 ; que la circonstance que la société requérante ne se serait pas enrichie est à cet égard sans incidence ; que, par ailleurs, la SOCIETE AECP ne peut invoquer la nullité du contrat, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que, par suite, la SOCIETE AECP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser à la CCI de Saône-et-Loire une somme de 50 232 euros TTC ;
Sur l'appel incident de la CCI de Saône-et-Loire :
Considérant que la CCI de Saône-et-Loire soutient que la SOCIETE AECP a perçu une somme de 3 887 euros que lui a versée à tort une société ayant bénéficié d'insertions publicitaires pour des numéros postérieurs à la résiliation du marché ; que les conclusions présentées à ce titre sur le fondement quasi-contractuel, au titre de la répétition de l'indu, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE AECP à verser à la CCI de Saône-et-Loire la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que d'autre part, lesdites dispositions font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE AECP doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE AECP est rejetée.
Article 2 : La société AECP versera à la CCI de Saône-et-Loire la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'appel incident de la CCI de Saône-et-Loire est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AECP, à la chambre de commerce et d'industrie de Saône et Loire et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2011, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
- M. Besse, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 3 novembre 2011.
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N° 10LY01120
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