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26/10/2011 | FRANCE | N°10LY01245

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2011, 10LY01245


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) ALLO VIANDES, dont le siège est 25 rue Skopje, Cap Nord, à Dijon (21000), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL ALLO VIANDES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801901, en date du 30 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée en application des dispositions de l'article 1737 du code général des impô

ts à raison d'opérations effectuées entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2006, d'aut...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) ALLO VIANDES, dont le siège est 25 rue Skopje, Cap Nord, à Dijon (21000), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL ALLO VIANDES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801901, en date du 30 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée en application des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts à raison d'opérations effectuées entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2006, d'autre part, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle conteste que les noms de clients aient été omis, travestis ou falsifiés, dans la mesure où il n'était pas nécessaire de connaître l'adresse des clients venant enlever les marchandises à son entrepôt et où certaines factures concernées correspondent à des achats de particuliers regroupés ;

- il lui était impossible de retrouver à postériori le nom et l'adresse des clients concernés, la mention " mode de paiement : chèque " ne signifiant pas forcément que le paiement a été fait par chèque et les remises de chèques en banque indiquant seulement le nombre de chèques et le montant global ;

- la matérialité des faits allégués par l'administration n'est pas avérée ; il n'est pas établi par l'administration que les clients et étaient les mêmes que ceux identifiés respectivement sous les dénominations et ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'une intention frauduleuse de sa part ; à cet égard, la présomption dont fait état l'administration ne suffit pas ;

- elle n'avait aucun intérêt à la commission des infractions alléguées ;

- elle s'est vue infliger une double sanction pour les mêmes faits, d'abord sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts, ensuite sur le fondement du II de ce même article ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de la SARL ALLO VIANDES ; le ministre soutient que la vente au détail à des particuliers regroupés n'est pas établie ; que l'absence de livraison ne saurait justifier l'absence de mention de l'adresse du client ; que l'intention de dissimulation de la société est établie par la nature, la fréquence et la régularité des infractions relevées ; que la circonstance que cette situation n'a pas perduré reste sans incidence ; que l'absence d'intérêt de la société à commettre ces infractions est également sans incidence ; que l'application de la sanction prévue au II de l'article 1737 du code général des impôts ne faisait pas obstacle à celle de la sanction prévue au II de ce même article ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2006, la SARL ALLO VIANDES, qui exerce une activité de commerce en gros de viandes à Dijon (Côte d'Or), s'est vue infliger l'amende fiscale prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts, au motif qu'elle avait établi des factures ne mentionnant pas l'adresse ou le nom de ses clients, ou comportant des noms imprécis ou ne correspondant à aucun professionnel identifiable ; que la SARL ALLO VIANDES fait appel du jugement en date du 30 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende fiscale qui lui a été ainsi infligée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1737 du code général des impôts, reprenant ceux des articles 1740 ter et 1740 ter A du même code, abrogés depuis l'intervention de l'article 13 de l'ordonnance susvisée du 7 décembre 2005 : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 pour cent du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 pour-cent du montant de la transaction (...). Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. II. - Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 15 Euros. Toutefois, le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ou document ne peut excéder le quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné " ;

Considérant qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions du I de l'article 1737 du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces dispositions ; qu'il lui appartient également d'établir que les omissions constatées sur les factures avaient pour objet, de la part du contribuable concerné, de travestir ou dissimuler l'identité véritable de ses clients et ne résultaient pas d'une simple négligence, ou que les mentions figurant sur ces factures résultaient d'une volonté de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ;

En ce qui concerne les factures ne comportant pas les nom et adresse des clients ou comportant à cet égard des mentions imprécises :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ALLO VIANDES a émis des factures ne mentionnant pas le nom ou l'adresse de ses clients, ou comportant des noms imprécis, sous la forme d'un simple prénom ou même d'un sobriquet, ne correspondant à aucun professionnel identifiable ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour justifier l'absence de mention des adresses de ses clients, qu'elle n'avait pas besoin de les connaître dès lors que les marchandises n'étaient pas livrées mais enlevées à l'entrepôt par les clients ; que, si la SARL ALLO VIANDES soutient que certaines de ces factures, portant la mention " client passage " ou " divers ", correspondraient à des commandes groupées effectuées par des particuliers, les factures émises postérieurement aux années en litige qu'elle produit ne sont pas susceptibles de justifier de ces allégations ; que compte tenu de la nature et des quantités des produits vendus, dépassant le plus souvent 100 kilogrammes, ces factures ne peuvent être regardées comme se rapportant à des ventes au détail faites à des particuliers exclues du champ d'application des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts ; qu'outre les ventes facturées sous le libellé " client passage " ou " divers ", la société avait aussi émis des factures portant des noms imprécis ou ne correspondant à aucun professionnel identifiable ; que la SARL ALLO VIANDES ne justifiant ni des véritables destinataires de ces factures, ni des modalités de paiement, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la société requérante a dissimulé, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, l'identité de ces clients ;

En ce qui concerne les factures émises aux noms de " " et " " :

Considérant que l'administration a démontré qu'à vingt-et-une reprises des factures établies au nom de " " portent un numéro suivant immédiatement celui d'une facture établie le même jour au nom de " Mohamed " ; que, de la même façon, à soixante-deux reprises, les factures établies au nom de " " portent un numéro suivant immédiatement celui d'une facture établie le même jour au nom de " ", alors que seuls MM. Mohamed et sont des professionnels connus et que la société reconnaît que les clients " " et " " ont " disparu " lorsque la mention de leurs références a été exigée des clients ; qu'ainsi, par la nature, la fréquence et la régularité de cette pratique, l'administration peut être regardée comme établissant le caractère fictif des clients dénommés " " et " ", qui ne correspondent à aucun professionnel identifiable ; qu'eu égard par ailleurs à la circonstance que toutes les factures correspondent à des marchandises dont les clients venaient prendre eux-mêmes livraison à l'entrepôt de la société requérante, les dirigeants de celle-ci ne pouvaient ignorer cette pratique et l'administration doit être également regardée comme établissant que la société requérante a sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom par les clients concernés ;

Considérant que, dans ces conditions, et sans que la SARL ALLO VIANDES puisse utilement soutenir qu'elle n'en a pas retiré d'avantage, les faits relevés en l'espèce par l'administration fiscale sont de nature à justifier l'application de l'amende prévue par les dispositions précitées du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

En ce qui concerne le moyen relatif à l'existence d'une " double sanction " pour les mêmes faits :

Considérant que la SARL ALLO VIANDES soutient sans être contredite qu'elle a également fait l'objet, pour les mêmes factures, d'une amende de 330 euros sur le fondement du II de l'article 1737 du code général des impôts ; qu'elle est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait, pour les mêmes factures, se voir appliquer à la fois l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts, qui suppose de la part du contribuable une intention délibérée de dissimuler la réalité s'agissant notamment de l'identité ou l'adresse des clients concernés, et l'amende prévue au II de ce même article, en l'absence de ce caractère intentionnel des anomalies ou omissions constatées ; qu'ainsi, la SARL ALLO VIANDES est fondée à demander la décharge de l'amende en litige à hauteur de cette somme de 330 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL ALLO VIANDES est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée en application des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts à raison d'opérations effectuées entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2006 à hauteur de la somme de 330 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la SARL ALLO VIANDES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL ALLO VIANDES est déchargée de l'amende fiscale qui lui a été infligée en application des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts à raison d'opérations effectuées entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2006 à hauteur de la somme de 330 euros.

Article 2 : Le jugement n° 0801901, en date du 30 mars 2010, du Tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ALLO VIANDES est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ALLO VIANDES Xet au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2011.

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N° 10LY01245

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01245
Date de la décision : 26/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : CHATEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-26;10ly01245 ?
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