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26/10/2011 | FRANCE | N°10LY00245

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2011, 10LY00245


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2010 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Hélène A, domiciliée 16 place de la Maternelle à Louhans (71500) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800096, en date du 1er décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a spontanément acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ;

2°) d'ordonner cette restitution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3

000 euros, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2010 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Hélène A, domiciliée 16 place de la Maternelle à Louhans (71500) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800096, en date du 1er décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a spontanément acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ;

2°) d'ordonner cette restitution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle doit bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 13 - A - 1 - c de la 6ème directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, s'agissant de prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales ; cette exonération s'applique pour des prestations délivrées par des professionnels non médecins et non masseurs-kinésithérapeutes en fonction de critères liés à la qualité de la formation en ostéopathie ; la qualité de sa formation en ostéopathie, pendant une durée de six années, à Ostéo Bio, établissement de formation agréé, a été validée par l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe qui lui a été délivrée en 2008 par le préfet de la région Bourgogne ; cette formation présentait un niveau de qualité équivalent à celui de celle reçue par des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ;

- un régime de preuve objective doit lui être appliqué, même si elle avait déclaré la taxe sur la valeur ajoutée en litige, dès lors que ces déclarations ont été faites sur injonction expresse de l'administration ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 20 mai 2010, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par le moyen supplémentaire qu'elle a fourni le descriptif détaillé de son activité dans le dossier produit devant la DRASS pour l'obtention de l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de Mme A ; le ministre soutient que la charge de la preuve incombe au contribuable en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ; que la requérante n'apporte pas la preuve qu'elle remplissait les conditions, pendant la période en litige, pour que ses activités d'ostéopathe soient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 mai 2011, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 25 août 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par le moyen supplémentaire que la délivrance à l'intéressée de l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe est, en fait comme en droit, impropre à administrer la preuve que les actes d'ostéopathie pratiqués par elle durant la période en litige sont de qualité équivalente à ceux dispensés par les personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation française, de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 21 septembre 2011, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que Mme Hélène A, titulaire du diplôme d'ostéopathe, qui lui a été délivré par l'Association française d'ostéopathie le 30 septembre 2002, exerce cette dernière activité à Louhans (Saône-et-Loire) ; qu'elle a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée à raison des recettes afférentes à son activité pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; qu'elle a sollicité la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a ainsi spontanément acquittés ; qu'elle relève appel du jugement en date du 1er décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande ;

Sur la demande de restitution des droits acquittés :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ; qu'en tout état de cause il incombe à la requérante, qui ne peut à cet égard utilement invoquer une rupture d'égalité vis-à-vis des contribuables n'ayant pas spontanément acquitté la taxe, d'apporter les éléments, qu'elle est la seule à détenir, à même d'établir qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'une exonération ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que, toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

Considérant que l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît l'usage professionnel du titre d'ostéopathe aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique en la matière ; qu'il prévoit que les praticiens en exercice à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe dans les conditions qu'il définit et qui seront précisées par décret ; que deux décrets en date du 25 mars 2007 ont été pris pour l'application de ces dispositions législatives, l'un relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, l'autre relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ; que le premier décret, relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, énonce les conditions dans lesquelles peut être délivrée l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe ; qu'il dispose, en son 4, que : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe est réservé : (...) 3° Aux titulaires d'une autorisation d'exercice de l'ostéopathie ou d'user du titre d'ostéopathe délivrée par l'autorité administrative en application des articles 9 ou 16 du présent décret " ; que l'article 16 du même décret dispose : " A titre transitoire et par dérogation aux dispositions de l'article 4, l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe est délivrée après avis de la commission mentionnée au II : 1° Par le préfet de région du lieu d'exercice de leur activité, aux praticiens en exercice à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation équivalentes à celles prévues à l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 visé ci-dessus ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'ostéopathie d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années. Si aucune de ces deux conditions n'est remplie, la commission peut proposer des dispenses de formation en fonction de la formation initialement suivie " ; que le second décret prévoit que : " Le diplôme d'ostéopathe est délivré aux personnes ayant suivi une formation d'au moins 2 660 heures ou trois années comportant 1 435 heures d'enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie (...). Le contenu et la durée des unités de formation ainsi que les modalités de leur validation sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Le diplôme est délivré par les établissements agréés mentionnés aux articles 5 à 7 du présent décret ou par l'un des établissements universitaires mentionnés à l'article 9 " ; que ces dispositions doivent être regardées, au regard du présent litige, comme définissant les conditions devant être remplies par les personnes pratiquant des actes d'ostéopathie pour que ces actes soient regardés comme accomplis avec des garanties équivalentes à celles constatées pour des actes de même nature accomplis par des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a obtenu le 30 septembre 2002 un diplôme d'ostéopathie délivré par l'Association française d'ostéopathie, après avoir suivi une formation en ostéopathie pendant six années dans l'établissement de formation agréé " Ostéo Bio " ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que cette formation, sanctionnée par la délivrance de ce diplôme, était équivalente à celle exigée par le décret susmentionné du 25 mars 2007, l'intéressé ayant d'ailleurs reçu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe par décision du préfet de la région Bourgogne en date du 26 février 2008 ; qu'il suit de là que les actes accomplis par Mme A pendant la période en litige, alors que son activité n'était pas encore réglementée, étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été dès alors exonérés, sans que le ministre puisse utilement faire valoir dans ces conditions que la requérante n'apporterait pas la preuve qu'au cours de ladite période elle s'est abstenue d'accomplir des actes d'ostéopathie aujourd'hui interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Mme A au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 1er décembre 2009 est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par Mme A au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 lui seront restitués.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Hélène A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2011.

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N° 10LY00245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00245
Date de la décision : 26/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-26;10ly00245 ?
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