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18/10/2011 | FRANCE | N°09LY01538

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2011, 09LY01538


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS, dont le siège est 34, chemin de Balme - Le Pas de L'Echelle à Etrembières (74100) ;

La SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0804416-0804418-0804797 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mai 2009, en tant qu'il a annulé l'arrêté n° 2007-3420 du préfet de la Haute-Savoie en date du 20 novembre 2007 modifié par l'arrêté n° 2007-3488 du 28 novembre 2007 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les co

mmunes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman devant le Tribunal administ...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS, dont le siège est 34, chemin de Balme - Le Pas de L'Echelle à Etrembières (74100) ;

La SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0804416-0804418-0804797 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mai 2009, en tant qu'il a annulé l'arrêté n° 2007-3420 du préfet de la Haute-Savoie en date du 20 novembre 2007 modifié par l'arrêté n° 2007-3488 du 28 novembre 2007 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux susmentionnés des 20 et 28 novembre 2007 ;

3°) d'ordonner la désignation d'un expert agricole aux fins d'établir si les parcelles destinées à l'implantation de la carrière ont une valeur agricole ;

4°) de mettre à la charge des communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le magistrat qui avait précédemment ordonné, en sa qualité de juge des référés, le 28 octobre 2008, la suspension de l'exécution des arrêtés préfectoraux des 20 et 28 novembre 2007, s'est également prononcé sur le principal, en méconnaissance du principe d'impartialité des juges ;

- en annulant l'autorisation préfectorale au motif tiré de ce que l'implantation de la carrière au sein de la zone A aurait pour effet de rompre l'unité de la zone agricole, le Tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- les arrêtés préfectoraux ne pouvaient être annulés au motif que le projet d'implantation de la carrière aurait été de nature à porter atteinte au potentiel agronomique, biologiques ou économique des terres du secteur du Champ d'Aubry ;

- le règlement de la zone A est illégal dès lors que le site ne présente pas de potentiel agronomique, biologique ou économique digne de bénéficier d'une protection particulière du fait de la mise en place d'une déviation qui a enclavé le secteur ;

- aucune disposition du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de Thonon-les- Bains n'exclut expressément la possibilité d'exploiter une carrière au Champ d'Aubry ; à l'inverse, une telle exploitation est rendue possible par l'article A2-3 qui autorise les installations d'intérêt public ; enfin, dès lors que le site de la carrière est inscrit dans un délaissé agricole du fait de la réalisation de la déviation de Thonon-les-Bains, le projet n'a pas pour effet de rompre l'unité de la zone agricole d'implantation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2010, présenté pour les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman qui concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les communes soutiennent que :

- dès lors que le juge des référés n'a pas pris position de manière précise sur la validité des moyens soulevés devant le juge du fond et que les termes de l'ordonnance du 28 octobre 2008 n'ont pas été repris dans le jugement au fond, le principe d'impartialité des juges n'a pas été méconnu ;

- l'activité de carrière n'est pas compatible avec la vocation agricole de la zone et a pour conséquence de porter atteinte à l'unité de la zone A ;

- quelle que soit la valeur agricole des terrains, cet élément ne permet pas, à lui seul, de contester la légalité d'un classement en zone A ;

- la requérante n'établit pas que le choix du zonage serait entaché d'une erreur manifeste ou fondé sur des faits matériellement inexacts ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, l'exploitation d'une carrière ne relève en aucun cas directement ou indirectement d'un service public ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2010, présenté pour la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2010, présenté pour les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Elles soutiennent en outre que, dès lors que la date définitive de cessation d'activité sur le site n'est pas connue à ce jour, il est prématuré d'envisager l'usage futur du site ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2011, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement qui conclut à ce que la Cour fasse droit à la requête présentée par la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS ;

Après avoir demandé à la Cour de se reporter aux observations présentées par le préfet en première instance, elle soutient que :

- même si la zone A est une zone agricole, le règlement du plan local d'urbanisme ne fait pas obstacle à l'autorisation d'exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires ;

- le Tribunal a considéré à tort que le projet de carrière aura pour effet de rompre l'unité de la zone A ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2011, présenté pour la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juillet 2011, présenté pour les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 23 septembre 2011, présenté pour les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman qui persistent dans leurs conclusions et moyens ;

Vu les ordonnances en dates des 17 février, 9 avril, 7 mai, 19 avril et 30 novembre 2010, 28 juin et 12 août 2011 par lesquelles la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2010, puis reportée aux 30 avril et 28 mai 2010 et 29 juillet 2011 et enfin, rouverte ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les observations de Me Gossement, représentant le cabinet Hugo Lepage et Associés Conseil, avocat des défendeurs ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que par jugement du 12 mai 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande des communes de Thonon-les-Bains, d'Anthy-sur-Leman et d'Allinges, l'arrêté du 20 novembre 2007 modifié par celui du 28 novembre 2007, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la SARL DESCOMBES PERE ET FILS à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires, d'une superficie de 4,42 hectares, située au lieu-dit Champ d'Aubry sur le territoire de la commune de Thonon-les-Bains, pour une durée de douze ans, les deux dernières années devant être consacrées à la remise en état du site ; que la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension d'une décision administrative, le juge des référés procède dans les plus brefs délais à une instruction succincte - distincte de celle au vu de laquelle le juge saisi du principal statuera - pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence, et si les moyens invoqués apparaissent, en cet état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision ; qu'il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dont il peut lui-même modifier la portée au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée ; qu'eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés - et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige - la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal ;

Considérant qu'en l'espèce, le juge des référés, en estimant, en l'état de l'instruction, les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact sur le sujet des effets de l'exploitation sur la nappe phréatique et sur le captage d'Anthy-sur-Léman et du caractère insuffisamment protecteur des prescriptions de l'autorisation (article 7.3), relatives à la profondeur de l'exploitation, compte tenu de l'insuffisance des connaissances actuelles en ce qui concerne le niveau des plus hautes eaux, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées, n'a pas préjugé l'issue du litige au fond ; que, dès lors, la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS n'est pas fondée à soutenir que le principe d'impartialité a été méconnu au motif que le même magistrat a jugé les recours en référé suspension formés par les communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman et présidé la formation collégiale statuant sur leur recours en annulation ;

Sur le bien-fondé :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1 qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. ; qu'aux termes de l'article L. 123-5 du même code: (...) Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, construction, plantation, affouillement ou exhaussement des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées par le plan ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article R. 123-31 du même code que les opérations, travaux et occupations auxquels le plan d'occupation des sols est opposable ne peuvent être autorisés que s'ils sont compatibles avec les dispositions de ce plan ; qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code : Les zones agricoles sont dites zones A . Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A .(...) ; qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que s'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant, en premier lieu, que le terrain d'assiette du projet est actuellement affecté à un usage agricole ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment d'un diagnostic agricole de la commune de Thonon-les-Bains , réalisé en mars 2010, par la Chambre d'agriculture de la Haute-Savoie que l'un des enjeux du plan local d'urbanisme de la commune est de confirmer la présence durable des exploitations et des surfaces agricoles et que la zone agricole du Champ d'Aubry est décrite comme se trouvant en continuité avec celle d'Allinges, constituée de cultures et de prairies, et surtout comme devant être protégée, à l'instar des autres zones agricoles de cette partie de la commune, pour préserver l'activité agricole encore dynamique sur ces secteurs ; qu'en se bornant à faire valoir que le site litigieux enclavé entre la route départementale, la voie ferrée et la déviation de Thonon-les-Bains ne présente qu'une valeur agronomique limitée, la société requérante n'établit pas que le classement du site litigieux en zone agricole par les auteurs du plan, procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du classement des parcelles litigieuses en zone A du plan local d'urbanisme de Thonon-les-Bains ;

Considérant, en second lieu que, comme le soutiennent les communes, l'exploitation d'une carrière est, par nature, incompatible avec la vocation des zones A définies par les dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, une carrière ne constitue pas une installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif au sens des dispositions du même article ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté n° 2007-3420 du préfet de la Haute-Savoie en date du 20 novembre 2007 modifié par l'arrêté n° 2007-3488 du 28 novembre 2007 ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions des communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS à payer aux communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman la somme globale de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS versera aux communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges et d'Anthy-sur-Leman une somme globale de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DESCOMBES PERE ET FILS, aux communes de Thonon-les-Bains, d'Allinges, d'Anthy-sur-Leman et à la ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de la formation de jugement,

M. Reynoird, premier conseiller,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2011.

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N° 09LY01538

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01538
Date de la décision : 18/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations.


Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-18;09ly01538 ?
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