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11/10/2011 | FRANCE | N°11LY01387

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 11 octobre 2011, 11LY01387


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juin 2011, présentée pour M. Pevril A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101931 en date du 31 mars 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 23 mars 2011, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destinat

ion de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juin 2011, présentée pour M. Pevril A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101931 en date du 31 mars 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 23 mars 2011, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions des articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 en ce qu'il ne mentionne pas de délai de départ volontaire ; que la circonstance que ce délai soit mentionné dans la mise en demeure de quitter le territoire français est insuffisante et que le délai de sept jours dont il est fait mention est inapproprié à la situation familiale ; que la mesure de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation familiale ; que le préfet du Rhône n'a pas pris en considération l'intérêt supérieur de ses deux enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ; que l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière entraînera celle de la décision fixant le pays de destination;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 2 août 2011 présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. A ne peut se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil dès lors qu'il a appliqué lesdites dispositions et fixé le délai de départ volontaire à sept jours sans que le requérant ne démontre la nécessité d'un délai supérieur à sept jours ; qu'il n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants du requérant en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2011 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les observations de Me Vernet, représentant M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Vernet ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) " ;

Considérant que M. A, de nationalité turque s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 23 mars 2011, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 24 décembre 2010 : " Départ volontaire 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive : " 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1 de la même directive : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;

Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut, en conséquence, faire valoir, par voie d' exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu'elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières ; qu'il peut également se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

Considérant qu'il résulte clairement de l'article 7 précité de la directive du 16 décembre 2008 qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article ; qu'il résulte aussi clairement de l'article 8 de la directive que les Etats membres prennent toutes les mesures pour mettre à exécution une décision de retour ne comportant, lorsque cela est autorisé, aucun délai ou lorsque le délai laissé au ressortissant de pays tiers est expiré, à moins que l'un des risques mentionnés à l'article 7, paragraphe 4, n'apparaisse au cours de ce délai, auquel cas la décision de retour peut être immédiatement exécutée ; que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ; qu'elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise, sans être assortie d'un tel délai, dans les cas prévus aux 5°, 7° et 8° du même II de l'article L. 511-1, à la condition que ce délai réduit, voire l'absence de délai, soient justifiés par la situation du ressortissant de pays tiers ; qu'il en va de même dans le cas prévu au 3° du II, à la condition que l'obligation initiale de quitter le territoire ait été prise conformément aux exigences de forme et de fond prévues par les dispositions des articles 7 et 12 de la directive ;

Considérant que M. A soutient que la décision ordonnant sa reconduite à la frontière méconnaît les articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE ; que, toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône a pris à son égard une décision portant mise en demeure de quitter le territoire français, qui a été notifiée en même temps que la décision de reconduite à la frontière et fixe à sept jours le délai de départ volontaire ; que, d'autre part, si le requérant fait valoir qu'il a deux enfants et que son épouse, qui a également fait l'objet d'un obligation de quitter le territoire français, dispose d'un délai d'un mois pour quitter le territoire, ces circonstances ne suffisent pas à justifier la nécessité pour lui d'obtenir un délai supérieur à sept jours ; que, par suite, le moyen susanalysé doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que M. A soutient que le centre de sa vie privée et familiale se trouve en France où il réside avec son épouse et leurs deux enfants ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'entré en France en septembre 2007 il se maintient irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas engagé de démarches pour régulariser sa situation ; qu'à la date des décisions en litige son épouse, de nationalité bulgare, faisait elle-même l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A n'établit pas qu'il ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale soit en Bulgarie, soit en Turquie, où résident notamment ses parents ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une telle mesure, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation du requérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ;

Considérant que M. A, qui n'établit pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale dans son pays d'origine ou dans celui de son épouse et d'y scolariser leurs enfants, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les stipulations précitées ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, l'arrêté portant reconduite à la frontière n'étant pas illégal, M. A n'est pas fondé à invoquer son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pevril A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2011.

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N° 11LY01387

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11LY01387
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-11;11ly01387 ?
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