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06/10/2011 | FRANCE | N°11LY00321

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2011, 11LY00321


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Vejsel A demeurant ..., par Me Chareyre, avocat ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808511 du 16 novembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Vejsel A demeurant ..., par Me Chareyre, avocat ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808511 du 16 novembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les propositions de rectification modèle 2120 du 18 décembre 2003 et du 8 octobre 2004 sont insuffisamment motivées ;

- les revenus réputés distribués proviennent du rejet de la comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Les Platanes, lequel n'est pas fondé dès lors que, contrairement à ce qu'a relevé le vérificateur dans le procès-verbal des irrégularités, la société a toujours délivré des notes détaillées à ses clients et elle a averti la vérificatrice qu'elle les avait retrouvées avant la rédaction et l'envoi des propositions de rectification, qu'il n'y a pas d'erreurs dans la totalisation de ses recettes, dans le fonctionnement de son compte caisse, dans la tenue de sa trésorerie, dans la balance et le grand-livre fournisseurs, dans les achats de liquide comptabilisés et la faiblesse du coefficient de marge brute, non démontrée au regard de la nature de sa clientèle, de même que la globalisation des recettes en fin de journée ne peuvent suffire à justifier le rejet ;

- ils sont en droit, sur ce point, de se prévaloir de l'instruction administrative 4 G 3342 du 15 mai 1993 ;

- la méthode de reconstitution retenue par le service pour asseoir les redressements de la société est viciée dès lors que le relevé de prix porte sur les tarifs pratiqués en 2003, année non soumise à vérification et lors de laquelle les prix avaient été augmentés, que le service a retenu deux fois certaines factures fournisseurs, sans rectifier cette erreur par la suite, que les doses retenues pour les digestifs et les apéritifs ne correspondent pas aux conditions réelles d'exploitation, que les bières en bouteille sont consommées au bar et non au restaurant et que la plupart des bières et des pastis sont consommés au bar par des clients qui passent ensuite au restaurant, les recettes correspondantes étant comptabilisées dans les recettes du restaurant ;

- l'administration et le tribunal ne donnent aucun motif justifiant leur refus de prendre en compte la reconstitution faite par l'expert-comptable de la société qui, après dépouillement complet des notes clients, conduit à un chiffre d'affaires bien inférieur en s'appuyant sur les conditions réelles d'activité de la SARL ;

- ils ne se sont pas désignés eux-mêmes comme étant les bénéficiaires des redressements considérés comme revenus distribués dès lors que la lettre par laquelle la société les désigne conteste vivement le redressement notifié, indique expressément que leur désignation ne résulte pas d'une acceptation de leur part et n'a été adressée que pour éviter la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence et du montant des bénéfices réputés distribués ;

- le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 8 décembre 2003 atteste que les requérants ne sont jamais intervenus ni dans la rédaction, ni dans la remise des notes aux clients ;

- la quote-part de 30 % de loyers privatifs sur l'immeuble situé ... n'est pas motivée ni démontrée et doit être ramenée, compte tenu de la surface occupée à titre privatif, à 20 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2011, par lequel les époux A confirment leurs précédentes écritures et, en outre, proposent une nouvelle reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Les Platanes à partir du dépouillement de l'intégralité des notes restaurant et, pour le reste, reprenant les données de la méthode de la vérificatrice ;

Vu l'ordonnance, en date du 26 mai 2011, fixant la clôture de l'instruction au 30 juin 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et tendant au rejet de la requête ; le ministre fait valoir que les propositions de rectification ont été suffisamment motivées, que le montant des revenus distribués lié à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Les Platanes est justifié pour les motifs repris du mémoire en date du 9 juin 2011 qu'il a déposé dans l'instance n° 11LY00176, que les gérants s'étant eux-mêmes désignés comme bénéficiaires des revenus distribués, il est dispensé d'établir que les sommes en cause ont été effectivement appréhendées par le contribuable, lequel n'apporte pas la preuve contraire, que l'avantage en nature consistant en la mise à disposition gratuite d'un logement a été évalué selon accord avec le gérant, le taux de 20 % proposé n'étant pas justifié ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 juin 2011, présenté pour les époux A confirmant leurs précédentes écritures ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2011 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;

- les observations de Me Chareyre, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Chareyre, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que, pour demander l'annulation du jugement en date du 16 novembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000, 2001 et 2002 en conséquence des redressements d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Les Platanes dont ils sont gérants respectivement de fait et de droit, M. et Mme A font valoir que les propositions de rectification qu'ils ont reçues sont insuffisamment motivées, que l'administration ne justifie pas de l'existence et du montant des distributions mises à leur charge ni ne peut se prévaloir de ce qu'ils se seraient désignés en tant que bénéficiaires, enfin que l'avantage en nature résultant de la mise à disposition gratuite d'un logement a été surévalué ;

Sur le moyen relatif à la motivation des propositions de rectification :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ;

Considérant que, si M. et Mme A soutiennent que les propositions de rectification des 18 décembre 2003 et 8 octobre 2004 sont insuffisamment motivées, il résulte de la lecture de ces propositions que celles-ci visent expressément les articles 109-1-1° et 111 c du code général des impôts, font état des irrégularités comptables relevées dans la comptabilité de la SARL Les Platanes ayant permis à l'administration de reconstituer le chiffre d'affaires ayant abouti à des redressements et renvoient, s'agissant du détail de la reconstitution, aux propositions de rectification 3924 des 24 novembre 2003 et 6 mai 2004 concernant la SARL Les Platanes et reçues à la même adresse par les époux A en qualité de gérants de droit et de fait de cette société ; que, par ailleurs, la lettre 2120 du 18 décembre 2003 comporte en annexe un tableau récapitulant les recettes reconstituées au titre des exercices 2000 et 2001 et les minorations de recettes en résultant ; que, dans les circonstances de l'espèce, les époux A doivent être regardés comme ayant été ainsi mis en mesure de connaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles l'administration a estimé devoir rehausser les bases imposables de la société en raison de minorations de recettes, dont les montants sont repris dans les propositions de rectification litigieuses ; que, de même, s'agissant du rehaussement relatif aux loyers de l'appartement des requérants pris en charge par la comptabilité de la société, les lettres modèle 2120 précitées exposent les raisons pour lesquelles la mise à disposition gratuite de ce logement constitue un avantage en nature imposable et justifient le taux de 30 % de loyers retenus par référence à l'accord intervenu sur ce point avec les gérants lors du contrôle ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification doit être écarté ;

Sur le bien fondé des redressements issus de la reconstitution de recettes de la SARL Les Platanes :

En ce qui concerne le montant des revenus distribués :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ; qu'aux termes de l'article 111 dudit code : Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ;

Considérant que, pour contester l'existence et le montant des distributions imposées entre leurs mains, les époux A développent les mêmes moyens et la même argumentation que ceux développés dans l'instance n° 11LY00176 opposant la SARL Les Platanes et l'administration ; que, par un arrêt de ce jour, la Cour de céans, dans cette instance, a retenu, que l'administration établissait le caractère non probant de la comptabilité de la SARL Les Platanes et était en droit de l'écarter et de procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par elle au titre des exercices 2000 à 2002, que cette méthode n'était pas viciée dans son principe, mais que la SARL Les Platanes devait être regardée comme démontrant l'exagération des bases des impositions supplémentaires mises à sa charge en tant qu'elles dépassent 11 182 euros toutes taxes comprises pour 2000, 15 021 euros toutes taxes comprises pour 2001 et 21 419 euros toutes taxes comprises pour 2002 ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de limiter aux mêmes chiffres le montant des distributions imposables entre les mains des époux A ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus réputés distribués :

Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visée à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : Pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; que l'administration a réintégré dans les résultats de la SARL Les Platanes des sommes correspondant à des minorations de recettes ; qu'après avoir mis en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code précité, l'administration a regardé M. et Mme A, gérants de cette société, comme étant les bénéficiaires des revenus ainsi réputés distribués par cette société ;

Considérant que lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'invitation de l'administration en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, la SARL Les Platanes, sous la signature de sa gérante de droit, Mme A, a désigné, dans le délai de trente jours qui lui était imparti, les époux A, associés gérants, comme les bénéficiaires des minorations de recettes de la société ; que cette désignation est ainsi de nature à établir une présomption d'appréhension des revenus dont il s'agit par les intéressés sans que les époux A puissent utilement arguer de ce que cette désignation n'avait pour but que d'éviter à la société d'être soumise à l'amende pour distributions occultes et ne valait pas acceptation des redressements ; que s'ils font valoir qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 8 décembre 2003 qu'ils ne sont jamais personnellement intervenus dans la rédaction ou dans la remise des notes aux clients, celles-ci étant réalisées par leur employé, une telle circonstance n'est pas de nature, en toute hypothèse, à donner la moindre information quant aux bénéficiaires des revenus distribués ; que, par suite, ils ne peuvent être regardés comme apportant la preuve de ce qu'ils n'auraient pas appréhendé les sommes réputées distribuées ;

Sur les redressements relatifs à l'avantage en nature :

Considérant que l'administration, après avoir constaté que les époux A bénéficiaient de la mise à disposition gratuite, par la Sarl Les Platanes, d'un appartement situé au-dessus du restaurant, a regardé cette mise à disposition comme un avantage occulte, car non comptabilisée de manière explicite, la société versant au propriétaire de l'immeuble un loyer global pour la location des locaux commerciaux et à usage d'habitation ; que, pour contester l'évaluation faite de la part correspondant aux loyers de l'appartement leur bénéficiant, à hauteur de 30 % des loyers versés par la société au propriétaire de l'immeuble, les époux A soutiennent que ce pourcentage, ni motivé ni démontré, doit être ramené à 20 % compte tenu de la surface occupée à titre privatif ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, d'une part que la quote-part de 30 %, telle que l'énoncent les notifications de redressements, a été définie en accord avec les gérants au cours du débat oral et contradictoire présidant au contrôle sur place et n'a fait l'objet d'aucune contestation lors de la procédure contradictoire, d'autre part, que le taux de 20 % présenté par les époux A n'est justifié par aucun métré, ni aucun élément relatif à la configuration réelle du logement ; que, par suite, l'argumentation sur ce point de M. et Mme A ne peut être qu'écartée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux A sont seulement fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des impositions contestées procédant de la rectification des recettes de la SARL Les Platanes dépassant celles déclarées par cette société de 11 182 euros toutes taxes comprises pour 2000, de 15 021 euros toutes taxes comprises pour 2001 et 21 419 euros toutes taxes comprises pour 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du livre des procédures fiscales, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les époux A sont déchargés des impositions contestées procédant de la rectification des recettes de la SARL Les Platanes dépassant celles déclarées par cette société de 11 182 euros toutes taxes comprises pour 2000, de 15 021 euros toutes taxes comprises pour 2001 et 21 419 euros toutes taxes comprises pour 2002.

Article 2 : Le jugement n° 0808511 du 16 novembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera aux époux A une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Vejsel A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2011.

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N° 11LY00321

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00321
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Redressement - Notification de redressement - Motivation.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : CHAREYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-06;11ly00321 ?
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