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27/09/2011 | FRANCE | N°09LY02885

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2011, 09LY02885


Vu le requête, enregistrée le 16 décembre 2009, présentée pour la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE (73640) représentée par son maire ;

La COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605630 du 29 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. Bernard A une somme de 16 456,40 euros, outre intérêts au taux légal, à compter du 17 novembre 2006, en réparation du préjudice résultant du retrait illégal d'un permis de construire, et une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. Bernar...

Vu le requête, enregistrée le 16 décembre 2009, présentée pour la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE (73640) représentée par son maire ;

La COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605630 du 29 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. Bernard A une somme de 16 456,40 euros, outre intérêts au taux légal, à compter du 17 novembre 2006, en réparation du préjudice résultant du retrait illégal d'un permis de construire, et une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. Bernard A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner M. Bernard A à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient à titre principal, que sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que, pour refuser le permis de construire le 8 novembre 2002, le maire s'est fondé sur la connaissance du risque d'avalanches qu'avait alors le service de la restauration des terrains en montagne, dont elle a recueilli l'avis ; que d'ailleurs, dès lors que le plan de prévention des risques approuvé le 9 décembre 2003 ne faisait plus obstacle au projet de M. A, une nouvelle demande de l'intéressé a pu recevoir une réponse favorable ; qu'il ressort au demeurant du jugement que le terrain d'assiette du projet était également soumis à un risque d'inondation et de glissement de terrain ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a refusé de l'indemniser, d'une part, des frais d'architecte qu'il a exposés, dès lors que le permis de construire lui a été délivré en 2004 au vu d'un projet architectural identique au précédent, et d'autre part, des honoraires d'avocat réglés dans le cadre du contentieux en annulation, alors que le jugement du 18 mai 2005 lui a accordé une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les premiers juges ont enfin légitimement refusé d'indemniser M. A de l'immobilisation de son capital, puisqu'il pouvait placer les fonds dont il disposait jusqu'au 6 septembre 2004, date à laquelle il a obtenu le permis de construire ; qu'en revanche, c'est à tort que le tribunal administratif lui a accordé une indemnité représentant la hausse du coût de la construction, dès lors que M. A n'a produit aucun devis faisant apparaître le coût initial des travaux, et permettant ainsi d'apprécier, au regard des factures qu'il a produites, la hausse du coût de la construction qu'il aurait supportée entre le 8 novembre 2002 et le 6 septembre 2004 ; que d'ailleurs, ayant engagé les travaux seulement en septembre 2006, M. A ne peut imputer le retard dans la réalisation de son projet au refus de permis de construire qui lui a été opposé en 2002 ; qu'aucun élément ne permet par ailleurs de rattacher les frais de restauration et de fioul acquittés aux travaux de construction qu'il déclare avoir réalisé lui-même ; que la perte de revenus locatifs dont le Tribunal l'a dédommagé présente un caractère purement éventuel, l'attestation d'un agent immobilier qu'il produit n'établissant pas qu'il aurait effectivement construit, puis loué ses garages s'il avait obtenu le permis de construire en 2002 ; que M. A, qui n'a pas apporté la preuve de troubles dans ses conditions d'existence, ne pouvait pas non plus se voir allouer une indemnité à ce titre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2010, présenté pour M. Bernard A ; il conclut au rejet de la requête et demande par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour réforme le jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de réparation du préjudice, qu'il estime à 33 919,03 euros, outre intérêts à compter du 16 novembre 2006, et capitalisation à compter de chaque échéance annuelle et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal administratif a retenu à bon droit que son jugement du 18 mai 2005 était devenu définitif, et que le principe de l'autorité de la chose jugée qui s'y attache faisait obstacle à ce que la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE puisse encore contester l'existence d'une faute engageant sa responsabilité et son droit à indemnité ; que sa parcelle n'a jamais été menacée par un risque d'avalanche ; que le motif tiré de l'existence de crues et de glissements de terrain et de risques de crues ne peut être retenu ; que son terrain n'est pas soumis à ce risque ; que le tribunal administratif l'a à bon droit indemnisé à hauteur de 11 956,40 euros du préjudice résultant de l'augmentation du coût de la construction, celle-ci, rapportée uniquement au montant des factures réglées, pouvant être évaluée au minimum à 7 920 euros ; qu'en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ou limité ses autres demandes d'indemnisation ; qu'ainsi, s'ils ont par ailleurs estimé à 3 000 euros ses pertes de loyer, ce préjudice, qui ne présente pas un caractère éventuel compte tenu de la pénurie de places de stationnement dans la station, s'élève en réalité à 8 640 euros, ou, au minimum, à 7 897 euros, si l'on tient compte des retenues fiscales qu'il aurait dû supporter ; que la perspective d'obtenir rapidement le permis de construire, que le maire a attendu deux ans pour lui accorder, explique qu'il n'a pas fait fructifier les fonds nécessaires au financement des travaux ; que les premiers juges auraient donc dû le dédommager du coût de l'immobilisation de son capital, soit de 7 945,46 euros ; qu'il a exposé en pure perte des frais d'architecte de 1 093,97 euros en 2002, dès lors que, pour obtenir le permis de construire, en 2004, il a dû faire établir à ses frais un nouveau dossier de demande par un architecte ; que la somme de 750 euros, qui lui a été allouée par le jugement du 18 mai 2005 ne couvre pas l'intégralité des honoraires d'avocat qu'il a dû verser, et qui s'élèvent à 2 033,20 euros ; qu'en lui allouant une somme de 1 500 euros, les premiers juges n'ont pas réparé la totalité des troubles dans ses conditions d'existence résultant du refus fautif de permis de construire, et qui peuvent être évalués à 3 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2011, présenté pour la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE, représentée par son maire en exercice ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle demande en outre que la somme sollicitée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 soit portée à 2 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juillet 2011, présenté pour M. Bernard A ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; qu'il n'a pas pu construire ses garages en septembre 2004 car il lui a fallu procéder à une étude de sol compte tenu de l'emboîtement des garages dans la pente et faire intervenir un bureau d'étude pour l'établissement des plans de coffrage et de ferraillage ; qu'au surplus, la construction pendant la période hivernale n'est pas réalisable en station ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- les observations de Me Royer, représentant la SCP Fessler Jorquera Cavailles, avocat de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que, par un jugement du 18 mai 2005, devenu définitif, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus opposé le 8 novembre 2002 par le maire de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE à la demande de permis de construire, présentée par M. Bernard A en vue de la construction d'un groupe de 6 garages ; que par un jugement du 29 octobre 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a sur demande de M. A, condamné la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE à lui verser une somme de 16 456,40 euros, en réparation du préjudice subi ; que la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE relève appel de ce jugement ; que M. A conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation de ce même jugement, en tant qu'il n'a pas intégralement réparé son préjudice, qu'il estime à une somme de 33 919,03 euros, outre intérêts à compter du 16 novembre 2006, date de sa demande indemnitaire préalable, et capitalisation à chaque échéance annuelle ;

Sur la responsabilité de la commune :

Considérant que par un jugement en date du 18 mai 2005, devenu définitif, le Tribunal administratif de Grenoble, a annulé le refus de permis de construire qui avait été opposé à M. A par le maire de Sainte-Foy-Tarentaise par un arrêté du 9 novembre 2002, au motif de l'existence d'un risque avéré d'avalanches pour le terrain d'assiette ; que l'illégalité ainsi constatée de ce refus constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE ; que si la commune soutient, en appel, qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à son encontre dès lors que le maire aurait été tenu de rejeter cette demande pour des motifs légalement justifiés à la date de la décision attaquée et par d'autres motifs que ceux contenus dans la décision, cette circonstance, qui peut seulement avoir des conséquences sur le droit à réparation de l'intéressé, est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de la commune ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que si la commune soutient devant la Cour, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, que le maire de la commune était tenu de rejeter la demande de permis de construire déposée par M. A en raison du risque d'inondation et de glissement de terrain, elle ne l'établit pas, en se bornant à se référer aux énonciations du jugement précité de 2005, indiquant seulement la situation du terrain dans une zone urbaine UDz soumise à des risques naturels matérialisés par des possibilités de crue du ruisseau des Laveurs et de glissements de terrain concernant l'ensemble de la commune ; que le maire de la commune a d'ailleurs délivré un permis de construire à M. A le 6 septembre 2004 pour un projet similaire sur le même terrain d'assiette ; qu'ainsi il n'est pas établi que le pétitionnaire ne justifie d'aucun droit à réparation à raison de l'illégalité fautive susmentionnée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la commune conteste l'évaluation du préjudice résultant des frais liés à l'augmentation du coût de la construction ; que les premiers juges se sont fondés sur des devis établis en 2006 par des entreprises, sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre 2002, date du refus de permis de construire illégal et 2004, date de la délivrance d'un permis de construire ; que le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur des devis établis postérieurement à la période indemnisable en litige et à la seule référence à l'évolution de l'indice du coût de la construction ; que M. A qui a construit lui-même ses garages, ne justifie pas d'un préjudice certain relatif à l'augmentation du coût de la construction en se bornant à produire ses factures de matériaux et en se référant à l'évolution de l'indice du coût de la construction ; que dès lors, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a mis à sa charge la somme de 11 956 euros au titre de ce préjudice ;

Considérant, en troisième lieu, que le préjudice relatif à la perte des loyers pour la location des 6 garages a été estimé par les premiers juges à une somme de 3 000 euros ; que M. A a produit en première instance l'attestation d'un expert comptable concluant à un manque à gagner de 8 640 euros ou 7 897 euros une fois déduit divers frais, et une attestation sur la forte demande locative de garages qui ne sont pas sérieusement contestées par la commune ; qu'il établit ainsi avoir été privé de la possibilité de louer ses garages durant la période considérée du fait du refus illégal de la commune ; que M. A est donc fondé à demander l'indemnisation du préjudice présentant un caractère direct et certain consécutif à la perte des loyers qu'il pouvait espérer pour la location de ses 6 garages ; qu'il y a lieu de porter l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 7 897 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A n'établit pas plus qu'en première instance le coût de l'immobilisation de son capital, s'agissant notamment des fonds propres dont il pouvait librement disposer et que les frais d'architecte acquittés pour sa première demande, l'auraient été en pure perte dès lors qu'il a présenté une seconde demande de permis de construire pour un projet similaire ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'en fixant à 1 500 euros l'indemnité destinée à réparer les troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé en raison des démarches qu'il a dû entreprendre pour mener à bien son projet de construction, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du montant du préjudice résultant de la faute de l'administration ;

Considérant, en dernier lieu, que les sommes exposées au titre des frais d'avocat liés aux instances devant les juridictions administratives ont déjà donné lieu à des remboursements de 750 euros et 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE doit être condamnée à verser à M. A une somme globale de 9 397 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 8 novembre 2002, et non celle de 16 456,40 euros retenue par le Tribunal administratif de Grenoble, ni celle de 33 919,03 euros réclamée à titre incident par M. A ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a droit aux intérêts au taux légal sur la somme ci-dessus mentionnée à compter du 17 novembre 2006, date de réception de sa demande par l'administration ; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, le requérant a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée le 2 décembre 2006 ; que cette demande prend effet le 17 novembre 2007, date à laquelle les intérêts étaient dûs pour une année entière, et doit donc être satisfaite à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE, qui n'est pas, à titre principal, la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE tendant à la condamnation de M. A à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE est condamnée à verser à M. A est ramenée à 9 397 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006. Les intérêts échus à la date du 17 novembre 2007, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 29 octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel principal de la COMMUNE DE SAINTE-FOY- TARENTAISE et d'appel incident de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SAINTE-FOY-TARENTAISE et à M. Bernard A.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2011.

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N° 09LY02885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02885
Date de la décision : 27/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-09-27;09ly02885 ?
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