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23/06/2011 | FRANCE | N°10LY02067

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 juin 2011, 10LY02067


Vu la requête, enregistrée le 25 août 2010, présentée pour Mme Pierrette B, épouse A, domicilée 18 rue des Olivettes, à Vias (34450) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0902242, en date du 6 juillet 2010, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à un montant de 321 908 euros, outre une rente trimestrielle de 3 800 euros, la somme que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à lui verser, et a rejeté le surplus des

conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme tot...

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2010, présentée pour Mme Pierrette B, épouse A, domicilée 18 rue des Olivettes, à Vias (34450) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0902242, en date du 6 juillet 2010, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à un montant de 321 908 euros, outre une rente trimestrielle de 3 800 euros, la somme que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à lui verser, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme totale de 2 595 912 euros ;

3°) subsidiairement, de décider une expertise pour évaluer ses besoins d'assistance d'une tierce personne ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances et un préjudice esthétique temporaire ;

- elle demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent ainsi que d'un préjudice esthétique permanent et d'un préjudice d'agrément ;

- elle a dû supporter des frais divers ainsi que des frais d'assistance d'une tierce personne ;

- elle devra engager des frais d'adaptation de son logement et supporter des frais d'assistance d'une tierce personne ; les frais d'assistance d'une tierce personne devront lui être alloués en capital et non sous la forme d'une rente ;

- elle subit un préjudice du fait de l'incidence professionnelle de son handicap ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier, enregistré le 22 novembre 2010, adressé par la mutualité sociale agricole (MSA) d'Auvergne ; elle indique que le dossier de Mme A relève de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Aurillac (Cantal) ;

Vu le mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 3 février 2011, présenté pour l'ONIAM ;

Il conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la réformation du même jugement, en tant que la rente qu'il a prévue est trimestrielle et non annuelle ou au moins semestrielle ;

Il soutient que :

- Mme A entre dans les prévisions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de la CPAM du Cantal, s'agissant d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- les frais d'assistance d'une tierce personne échus ont été suffisamment évalués par le Tribunal ; la rente allouée pour les frais futurs d'assistance d'une tierce personne devra être annuelle ou au moins semestrielle ;

- l'incidence professionnelle du handicap n'est pas établie ;

- les préjudices résultant du déficit fonctionnel temporaire puis permanent ainsi que le préjudice d'agrément n'ont pas fait l'objet d'une évaluation insuffisante ;

- les souffrances et le préjudice esthétique ont fait l'objet d'une exacte appréciation par le Tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2011, présenté pour Mme A ;

Elle conclut :

- à ce que la somme que l'ONIAM sera condamné à lui verser soit portée au montant total de 2 611 272 euros ;

- à ce que la somme qui sera mise à la charge de l'ONIAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée au montant de 5 000 euros ;

- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2011, présenté pour Mme A ;

Elle conclut :

- à ce que la somme que l'ONIAM sera condamné à lui verser soit portée au montant total de 2 896 320 euros ;

- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les deux mémoires, enregistrés le 24 mai 2011, présentés pour l'ONIAM ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il ajoute que :

- les sommes perçues au titre de l'allocation adulte handicapé devront être déduites des montants alloués au titre du préjudice tenant à la nécessité de l'assistance d'une tierce personne ;

- les sommes qu'il serait condamné à verser ne doivent pas être assorties d'intérêts, dès lors que la requérante ne l'a jamais mis en mesure d'exécuter la condamnation prononcée par le Tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2011, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que l'allocation adulte handicapé ne doit pas être déduite des sommes qui lui seront allouées ;

Vu les pièces dont il résulte que la CPAM du Cantal, qui n'a pas produit d'observations, a été régulièrement mise en cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2001 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Teissedre, avocat de Mme B épouse A ;

- les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

- et les nouvelles observations de Me Teissedre, avocat de Mme B épouse A ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme B, épouse A, hospitalisée en urgence au centre hospitalier d'Aurillac le 30 septembre 2005, a été victime durant son hospitalisation d'une endophtalmie d'origine infectieuse, qui l'a conduite à une cécité bilatérale ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, estimant que cette infection était nosocomiale, a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 321 908 euros, ainsi qu'une rente trimestrielle de 3 800 euros ; que Mme B demande la majoration de la somme qui lui a été ainsi allouée ; que l'ONIAM, qui ne conteste pas en appel le droit à indemnisation de Mme B au titre des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, se borne à conclure à ce que la rente d'assistance tierce personne soit portée à une échéance annuelle ou au moins semestrielle, et conclut pour le surplus au maintien des sommes allouées par le Tribunal ;

Sur les frais liés au handicap :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que la cécité bilatérale dont Mme B est atteinte doit être regardée comme ayant entrainé, après consolidation survenue le 10 août 2006, une incapacité permanente partielle évaluée à 85 % ; que l'expert note que cette incapacité justifie l'assistance d'une tierce personne au moins 6 heures par jour ; que Mme B n'établit pas que ses besoins d'assistance liés à sa cécité excéderaient cette durée quotidienne, alors notamment que son état n'appelle pas de soins particuliers mais uniquement, le cas échéant, une aide pour certains actes que le caractère récent et brusque de sa cécité rend pour elle difficiles à réaliser sans assistance ; que, si elle indique qu'elle est également atteinte d'un handicap au genou, qui accroitrait son besoin d'aide, ce dernier handicap est sans lien avec l'endophtalmie ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de ses besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant, compte tenu notamment du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, d'une part à un montant de 85 000 euros pour la période allant jusqu'à la date du présent arrêt, d'autre part, s'agissant du préjudice futur, à un montant annuel de 22 000 euros, revalorisé par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, la rente correspondante étant versée par trimestre échu ;

Considérant, en second lieu, que si Mme B évoque un préjudice tenant à la nécessité d'adapter son logement aux contraintes liées à son handicap, elle ne fournit aucune précision sur ce point et se borne à évoquer le coût d'achat d'une nouvelle maison sans justifier de la nature et du montant d'éventuels travaux d'adaptation, pas davantage que de l'éventuel surcoût d'acquisition d'un nouveau logement ;

Sur les dépenses de santé :

Considérant que Mme B admet qu'aucune dépense de santé n'est restée à sa charge ;

Sur les frais divers :

Considérant que Mme B se borne à évoquer des frais divers qui seraient restés à sa charge, sans préciser leur montant ni justifier les avoir supportés ;

Sur le préjudice professionnel :

Considérant, en premier lieu, que l'ONIAM ne conteste pas la somme de 4 908 euros allouée par le Tribunal à Mme B au titre des pertes de revenus antérieures à la date de consolidation restées à la charge de cette dernière ; que Mme A indique par ailleurs que ses pertes de revenus ultérieures ont été intégralement compensées ;

Considérant, en second lieu, que si Mme B, qui exploitait avec des membres de sa famille une entreprise agricole, indique avoir également subi un préjudice tenant à l'incidence professionnelle de son handicap, elle ne fournit aucune indication sur d'éventuelles perspectives d'évolution de son activité et ne justifie ainsi d'aucun préjudice qui n'aurait pas déjà été couvert par la prise en charge intégrale de ses pertes de revenus ;

Sur le préjudice personnel :

Considérant qu'il résulte de l'expertise susmentionnée que Mme B, née en 1950, est atteinte d'une cécité bilatérale, correspondant à une incapacité permanente partielle de 85 % ; que l'infection nosocomiale à l'origine de sa cécité s'est déclenchée au cours du mois d'octobre 2005 et qu'elle est demeurée atteinte d'incapacité temporaire totale jusqu'au 10 août 2006, date de consolidation ; qu'elle a subi des douleurs évaluées à 5/7 et un préjudice esthétique évalué à 5,5/7 ; qu'elle a besoin, comme il a été dit, de l'assistance d'une tierce personne et a subi un préjudice d'agrément ; que le Tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante de l'ensemble des préjudices personnels de Mme B en lui allouant à ce titre une somme totale de 308 000 euros ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir les frais d'expertise à la charge de l'ONIAM ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile de recourir à une nouvelle expertise, que Mme B et l'ONIAM sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas condamné l'ONIAM à verser à Mme B, d'une part une somme totale de 397 908 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel, d'autre part, au titre des frais futurs d'assistance d'une tierce personne, une rente annuelle de 22 000 euros, revalorisée par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, payable par trimestre échu ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM, tenue aux dépens, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM versera à Mme B, épouse A, une somme totale de 397 908 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme B, épouse A, par trimestre échu, une rente annuelle de 22 000 euros, revalorisée par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 6 juillet 2010 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La somme de 1 000 euros, à verser à Mme B, épouse A, est mise à la charge de l'ONIAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B, épouse A, est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Pierrette B, épouse A, à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal. Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, à la Mutuelle Santé Vie-MC 15, et au centre hospitalier Henri Mondor

Délibéré après l'audience du 30 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2011.

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N° 10LY02067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02067
Date de la décision : 23/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : TEISSEDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-23;10ly02067 ?
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