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21/06/2011 | FRANCE | N°10LY01239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juin 2011, 10LY01239


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010, et le mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 2010 présentés pour M. Claude A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900719 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2009 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a prononcé la sanction disciplinaire de l'abaissement d'échelon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté

susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010, et le mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 2010 présentés pour M. Claude A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900719 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2009 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a prononcé la sanction disciplinaire de l'abaissement d'échelon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le principe du vote au scrutin secret des membres du conseil de discipline, prévu par les dispositions de l'article 44 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995, n'a pas été respecté, dès lors qu'il résulte des termes du procès-verbal de la séance du conseil de discipline que l'avis a été émis à l'unanimité des membres présents ayant une voix délibérative ;

- la convocation devant le conseil de discipline était irrégulière à défaut d'indiquer les motifs et griefs qui lui était reprochés, de sorte qu'il n'a pu exercer son droit à se défendre ;

- il n'a jamais reçu de notification du rapport d'instruction ou d'enquête ;

- la convocation qui lui a été adressée ne comportait pas les précisions suffisantes quant à l'identification des membres du conseil de discipline ;

- il n'a pas reçu la communication des procès-verbaux d'écoutes téléphoniques qui ont constitué l'élément à charge dans le dossier et n'a pu vérifier si la procédure pénale avait été légalement suivie ;

- il n'est pas démontré que l'auteur du rapport de saisine du conseil de discipline avait qualité pour ce faire ;

- la décision en litige ne vise pas l'article du code de déontologie de la police nationale qui aurait été méconnu, alors qu'il lui est reproché un manquement aux règles déontologiques pour être intervenu dans une enquête judiciaire en cours ; il n'est pas démontré en quoi il aurait manqué à son devoir de réserve ;

- il n'a commis aucun manquement à son devoir d'impartialité, ledit grief n'ayant au demeurant pas été soumis au débat lors de la séance de la commission disciplinaire ;

- il n'est pas démontré qu'il aurait reçu un ordre qui l'aurait contraint à rendre compte à l'autorité supérieure ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en raison d'un défaut de motivation, dès lors que le requérant se borne à reprendre pour l'essentiel les mêmes arguments que sa demande initiale, sans apporter de nouveaux éléments de nature à démontrer l'illégalité de la décision, et ne démontre pas en quoi les premiers juges ont commis une erreur en rejetant sa demande ;

- l'auteur de l'arrêté en litige bénéficiait d'une délégation de signature en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, en sa qualité de sous-directeur des ressources humaines du ministère ;

- la mention, figurant au procès-verbal du conseil de discipline, selon laquelle l'avis a été émis à l'unanimité des membres, ne fait pas échec au respect du secret du vote ;

- la circonstance que la lettre de convocation ne comportait pas les faits à raison desquels une sanction était envisagée ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors que l'agent a pu prendre connaissance de son dossier, qui comprenait le rapport de saisine du conseil, les faits reprochés à M. A étant identiques dans le rapport d'enquête et dans l'arrêté en litige ;

- il n'est pas démontré que le requérant n'aurait pas reçu le rapport d'instruction, et l'absence de notification est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'agent a été mis en mesure de citer des témoins ;

- la seule circonstance que M. A, qui a eu connaissance de l'identité des membres de droit du conseil, ainsi que des noms et prénoms de chacun des élus, n'aurait pas connu l'adresse et les fonctions des membres appelés à assister au conseil, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure ;

- la circonstance que M. A n'a pu contester la régularité des écoutes téléphoniques, dont il a eu connaissance, est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire, que l'intéressé n'avait pas contestée jusqu'à sa comparution devant le conseil de discipline ;

- en s'immisçant dans une enquête qu'il ne dirigeait pas, en qualité d'ami de la principale suspecte, M. A a manqué à son obligation de réserve, prévue par les dispositions du code de déontologie ;

- il n'a jamais été admis que le manquement à l'obligation d'impartialité commis par M. A n'aurait pas été évoqué au cours de la séance du conseil de discipline ;

- M. A a manqué à son obligation de rendre compte de l'audition administrative à laquelle il avait procédé le 1er juillet 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 1er février 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Considérant que, par un arrêté du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 14 janvier 2009, la sanction de l'abaissement d'échelon a été infligée à M. A, commandant de la police nationale, affecté depuis le 1er septembre 2006 à la circonscription de sécurité publique de Moulins, au motif que l'intéressé, en s'immisçant abusivement dans une enquête de police en cours, avait adopté un comportement contraire à ses obligations déontologiques, notamment d'impartialité ; que M. A fait appel du jugement du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ministériel du 14 janvier 2009 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 susvisé, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline (...) ; que M. A a été destinataire d'une lettre de convocation, en date du 18 novembre 2008, l'informant de la séance du conseil de discipline du 15 décembre 2008, mentionnant la composition dudit conseil, l'invitant à indiquer s'il comparaîtrait en personne ou serait assisté d'un ou plusieurs défenseurs, et l'informant de la possibilité de présenter des observations écrites, de citer des témoins et de prendre connaissance de son dossier ; qu'ayant ainsi été mis à même de prendre communication de son dossier et s'étant vu notifier la possibilité de se faire accompagner d'un défenseur de son choix, de citer des témoins et de consulter son dossier, le requérant n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a pu utilement faire valoir sa défense ; qu'aucune disposition n'imposait que le rapport de saisine du conseil de discipline, dont il n'est au demeurant pas contesté qu'il figurait parmi les pièces du dossier de M. A lors de la consultation par ce dernier de ce dossier, soit joint à la lettre de convocation, qui n'était pas irrégulière du seul fait qu'elle ne mentionnait ni l'identité des membres de droit, ni les grades et affectations des membres élus, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil aurait été irrégulièrement composé, ni les motifs des poursuites disciplinaires, et nonobstant l'absence de communication du rapport d'instruction ; que les moyens selon lesquels la décision en litige serait intervenue sur une procédure irrégulière ne peuvent donc qu'être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 : L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. (...) ; que, contrairement à ce que soutient M. A, M. Alloncle, sous-directeur des ressources humaines à la direction de l'administration de la police nationale de la direction générale de la police nationale, était compétent, en sa qualité d'autorité ayant pouvoir disciplinaire, en vertu du décret du 27 juillet 2005 susvisé, relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, pour signer le rapport de saisine du conseil de discipline ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le procès-verbal des délibérations du conseil de discipline mentionne que la proposition de sanction retenue contre M. A a été adoptée à l'unanimité n'est pas contraire aux dispositions de l'article 44 du décret du 9 mai 1995 relatif aux fonctionnaires actifs de la police nationale qui prescrivent que le vote doit avoir lieu au scrutin secret, dès lors que le requérant n'établit pas que, contrairement à ce qu'affirme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le conseil n'aurait pas procédé à un vote à bulletins secrets ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soutient qu'il n'a pas reçu la communication de procès-verbaux d'écoutes téléphoniques auxquelles il a été procédé dans le cadre de l'instruction judiciaire, et qu'il n'a pu, par suite, contester la régularité desdites écoutes, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la sanction, motivée par des faits établis à l'occasion notamment de l'enquête administrative conduite par l'inspection générale de la police nationale, au cours de laquelle le requérant a été entendu, qui ont été portés à la connaissance de M. A et sur lesquels il a pu faire valoir ses observations ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'arrêté ministériel du 14 janvier 2009 en litige, du rapport de saisine du conseil de discipline, et du rapport d'enquête de la délégation régionale de discipline de l'inspection générale de la police nationale à Lyon, que M. A, contacté, alors qu'il était affecté à la circonscription de sécurité publique de Moulins, par une assistante maternelle dont il avait fait la connaissance et avec laquelle il avait noué des relations amicales lorsqu'il était affecté à la circonscription de Beaune, et qui faisait l'objet d'une enquête à la suite du décès d'un enfant confié à sa garde, a reçu, dans les locaux du commissariat de Moulins, ladite personne, ainsi que son fils, et évoqué avec ceux-ci l'enquête en cours, sans en aviser ni sa hiérarchie ni le service en charge de ladite enquête, alors même qu'il avait des soupçons sur l'implication du fils de son amie dans le décès de l'enfant confiée à la garde de celle-ci ; que, par le comportement qu'il a ainsi adopté, au risque de troubler les investigations policières et judiciaires en cours, M. A a manqué à ses obligations professionnelles et déontologiques, et notamment à l'obligation de discrétion professionnelle, prévue tant par les dispositions de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, portant droits et obligation des fonctionnaires, qu'à l'article 11 du décret du 19 mars 1986, portant code de déontologie de la police nationale, dans des conditions de nature à justifier une sanction disciplinaire, alors même que l'administration, qui n'était pas tenue, pour infliger à M. A la sanction litigieuse, de se référer à une disposition particulière du code de déontologie de la police nationale, aurait à tort qualifié son comportement de manquement à son obligation d'impartialité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du 14 janvier 2009 ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme quelconque au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de formation de jugement,

M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 21 juin 2011.

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N° 10LY01239

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01239
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : MESONES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-21;10ly01239 ?
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