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21/06/2011 | FRANCE | N°09LY02978

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2011, 09LY02978


Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2009, présentée pour la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est Le Pont Boeuf BP 97116 à Chantepie (35571) et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY, dont le siège est 1 rue de la Croix à Bais (35680) ;

La SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701160 du 22 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'État à leur verser une indemnité de 57 463,68 euros qu'elles estiment ins

uffisante, en réparation du préjudice qu'elles ont subi à la suite de l'éviction irrég...

Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2009, présentée pour la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est Le Pont Boeuf BP 97116 à Chantepie (35571) et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY, dont le siège est 1 rue de la Croix à Bais (35680) ;

La SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701160 du 22 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'État à leur verser une indemnité de 57 463,68 euros qu'elles estiment insuffisante, en réparation du préjudice qu'elles ont subi à la suite de l'éviction irrégulière de leur groupement du marché public de travaux pour la réalisation des chaussées de la déviation de Lamaids ;

2°) de condamner l'État à leur verser la somme de 578 332,38 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que la démarche des premiers juges consistant à extraire de l'offre un prix unitaire est inappropriée dans la mesure où le bordereau afférant au marché en cause comporte plusieurs dizaines de prix, la quantité prévisionnelle ne correspond pas nécessairement aux quantités réellement exécutées, le surcoût avancé étant dès lors hypothétique, elles ont expressément précisé maintenir leur proposition de prix et, qu'en tout état de cause, la marge bénéficiaire attendue résulte des sous détails des prix unitaires ; que, subsidiairement, la réfaction opérée ne pourrait s'élever au montant de 287 280 euros, l'exécution du chantier ayant nécessité la mise en oeuvre de 18 272,4 m3 de graves non traités et non de 28 500 m3 ; qu'elles ont droit à l'indemnisation du préjudice lié à l'immobilisation du matériel et la perte de productivité du personnel affecté de façon prévisionnelle à l'exécution du chantier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 10 juin 2010, le mémoire par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement en ce qu'il a reconnu que l'État avait commis une faute et, à titre subsidiaire, en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 57 463,68 euros, par les moyens que l'offre variante de l'attributaire était conforme à l'article 3-6 du CCTP indiquant que l'entreprise a la possibilité d'utiliser des sols traités au ciment ou de la grave ciment y compris pour les purges complètes ; que, par suite, la variante n° 1 de la société Colas proposant de traiter le sol en place avec du ciment, ce qui revient à utiliser un sol traité au ciment, ne méconnaît pas le règlement de la consultation ; que la solution de l'entreprise Colas pour la couche de surface est parfaitement acceptable, les matériaux utilisés et normalisés ayant des performances mécaniques supérieures aux valeurs minimales demandées ; que le juge a commis une erreur d'appréciation en indemnisant le groupement sur la base d'un montant erroné, le manque à gagner ne pouvant se calculer que sur la base du montant de l'offre du groupement et les sociétés n'apportant pas la preuve du partage entre les prestations sous-traitées et celles qui ne l'auraient pas été ; que les taux de marge annoncés dans les sous détails de prix unitaires sont irréalistes et doivent être ramenés à 2 % en raison du caractère très concurrentiel du secteur ; que le bénéfice supposé par le groupement est irréalisable compte tenu de l'erreur qu'il avait commise sur le prix n° 4132 ; que très subsidiairement, en tenant compte des seules prestations finalement réalisées il convient d'appliquer les prix proposés pour l'ensemble des prestations ; que la perte de productivité du personnel et l'immobilisation du matériel n'est pas justifiée ;

Vu, enregistré le 9 septembre 2010, le mémoire par lequel la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que les demandes présentées par l'Etat à titre principal sont irrecevables, l'appel incident ne pouvant porter sur le principe de la responsabilité et les conclusions n'étant pas assorties de critiques du jugement et se bornant à procéder par renvoi ; que le taux de marge de 5 % se rapporte non seulement aux prestations sous traitées mais encore aux fournitures lesquelles représentent une part non négligeable au regard de l'objet du marché ; que si l'on tient compte des quantités réellement exécutées le montant total du marché s'élèverait à 5 020 381,91 et non, contrairement à ce qu'avance l'Etat, 3 928 111,74 euros compte tenu du prix n° 4030 créé par la société Colas et des autres prix créés en cours de marché ;

Vu, enregistré le 25 mai 2011, le mémoire par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, qu'en plein contentieux le principe de responsabilité et ses conséquences indemnitaires relèvent du même litige ; que le bénéfice net escompté doit être évalué au moment de la remise de l'offre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- les observations de Me Donias, avocat de la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et de la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Donias ;

Considérant que la direction départementale de l'équipement de l'Allier a lancé en janvier 2006 un appel d'offres ouvert pour la réalisation des chaussées de la déviation de Lamaids, sur la section Montluçon Creuse de la RN 145 ; que sept entreprises, dont le groupement constitué de la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS (SRTP) et de la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY, ont remis une offre ; qu'ayant été informées, par lettre du 25 avril 2006, du rejet de leur offre et de l'attribution du marché à l'entreprise Colas pour sa variante n° 1, ces sociétés ont demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand la condamnation de l'État à les indemniser du manque à gagner subi du fait du rejet, qu'elles estimaient illégal, de leur offre ; qu'elles font appel du jugement en tant que ce tribunal a limité à la somme de 57 463,68 euros la condamnation de l'Etat en réparation du manque à gagner qu'elles avaient subi alors qu'elles avaient une chance sérieuse d'obtenir le marché ; que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement conclut quant à lui à l'annulation du jugement en tant qu'il a déclaré irrégulière la passation du marché et, subsidiairement, en tant qu'il a fait une évaluation excessive du préjudice ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 2.5 du règlement de consultation de l'appel d'offres organisé pour l'attribution du marché de réalisation des chaussées de la déviation de Lamaids de la RN 145 : Les candidats doivent répondre à la solution de base. / Les candidats peuvent présenter une offre comportant des variantes par rapport aux spécifications des cahiers des charges qui ne sont pas désignées ci-après comme des exigences minimales à respecter et/ou des spécifications qualifiées d'intangibles : (...) La couche de surface de la solution de base et des matériaux bitumineux sont maintenus (...) L'épaisseur de la couche de forme, la nature des matériaux et leur classe de gélivité, la classe de la plate forme et son module de calcul de la solution de base sont maintenues (...) ; qu'aux termes de l'article 4.2 du même document : La personne responsable du marché (...) choisira l'offre économiquement la plus avantageuse conformément aux critères d'attribution pondérés suivants : le prix des prestations - coefficient 0,6 ; la valeur technique des prestations (...) - coefficient 0,4. La personne responsable du marché examinera l'offre de base des candidats puis les variantes proposées, pour établir un classement (...) ;

Considérant que l'article 2.5 précité du règlement de consultation obligeait les candidats à maintenir dans leurs variantes non seulement les matériaux bitumineux mais également la couche de surface de la solution de base et faisait obstacle à ce que fût examinée une solution qui aurait différé, sur ces deux points, des spécifications du cahier des clauses techniques particulières ; que s'agissant des bretelles d'échangeur et du giratoire, l'article 1.3.2.2 du cahier des clauses techniques particulières prescrivait de réaliser la couche de surface, qui comprend la couche de liaison et la couche de roulement, par l'emploi de béton bitumineux semi-grenu, sur une épaisseur de 6 cm, recouvert de béton bitumineux très mince sur une épaisseur de 2,5 cm ; qu'il résulte de l'instruction que, dans sa variante n° 1, la société Colas proposait, pour la chaussée des bretelles, la mise en oeuvre, sur une épaisseur de 6 cm, d'une seule couche de béton bitumineux très mince ; que cette offre ne répondait ainsi pas aux exigences posées par l'article 2.5 du règlement de consultation et l'article 1.3.2.2 du cahier des clauses techniques particulières ; que la circonstance que l'attributaire aurait utilisé un liant novateur et plus performant que les procédés traditionnels ne lui permettait pas, pour autant, de s'affranchir de la structure de chaussée imposée aux candidats ; que, par suite, la personne responsable du marché ne pouvait légalement attribuer le marché à la société Colas ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comparaison des offres, selon les deux critères pondérés du règlement de consultation, a conduit la commission d'appel d'offres à classer la solution de base du groupement formé par la SOCIÉTÉ SRTP et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY comme économiquement la plus avantageuse, juste après la variante n° 1 de la société Colas ; que cette dernière, non conforme, ne pouvant être prise en compte dans l'analyse des offres, les entreprises ont perdu une chance sérieuse d'emporter le marché de la déviation de Lamaids ;

Considérant que, dans ces conditions, les requérantes ont droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour elles, excluant le remboursement de frais d'immobilisation de personnel et de matériel dont elles ne justifient pas qu'elles auraient eu, en l'absence de qualité d'attributaire du marché, des raisons légitimes de les exposer ; que leur préjudice doit être déterminé en fonction du bénéfice net que leur aurait procuré le marché si elles l'avaient obtenu ; que si les sociétés soutiennent que la marge nette qu'elles pratiquent habituellement est de 5 % pour les prestations sous traitées et de 10 % pour celles réalisées directement, elles n'établissent par aucun des éléments qu'elles fournissent le niveau de ces taux de marge ni la répartition entre ces deux types de prestation ; que l'État admet, dans le secteur du terrassement et de la réalisation de chaussée, un taux de marge nette de 2 %, qui peut être retenu en l'espèce ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, de déduire du bénéfice net, comme le demande l'Etat, un manque à gagner de 287 280 euros qui correspondrait à l'erreur commise par les sociétés sur le prix 4132 (graves non traitées 0/31,5) pour lequel elles avaient admis avoir chiffré le m3 à 8,5 euros au lieu de 18,58 euros, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence d'éléments sur ce point, que cette erreur aurait nécessairement entraîné une perte pour les sociétés ; que dans ces conditions, compte tenu du montant de l'offre du groupement, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner total subi par les sociétés en l'évaluant à 100 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions, que l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé une condamnation à son encontre ; que la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 57 463,68 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et à la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY, ensemble, de la somme de 2 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 57 463,68 euros que l'État a été condamné à verser à la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ÉTABLISSEMENTS BROUGALAY par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 octobre 2009 est portée à 100 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 octobre 2009 est réformé en qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIÉTÉ ETABLISSEMENTS BROUGALAY, ensemble, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le surplus des conclusions de la requête de la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et de la SOCIÉTÉ ETABLISSEMENTS BROUGALAY sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIÉTÉ RENNAISE DE TRAVAUX PUBLICS, à la SOCIÉTÉ ETABLISSEMENTS BROUGALAY et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2011, à laquelle siégeaient :

- M. du Besset, Président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2011

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N° 09LY02978

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02978
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP JEAN-PAUL MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-21;09ly02978 ?
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