Vu la requête, enregistrée à la Cour le 7 décembre 2010, présentée pour Mlle Rita A, domiciliée chez Forum réfugiés, n° 20014, à Lyon (69347 cedex 07) ;
Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004480, en date du 14 octobre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 juillet 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en qualité d'étrangère malade dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ; que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ; que l'exécution de la décision fixant le pays de renvoi aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie personnelle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 17 janvier 2011, par laquelle Mlle A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 février 2011, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mlle A n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la même décision n'étant pas illégale, Mlle A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mlle A et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant son pays de destination ; que cette dernière décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Farabet-Diop, avocat de Mlle A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Farabet-Diop ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d 'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, que cette décision ne peut pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, de nationalité nigériane, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant état du syndrome de stress post-traumatique dont elle est atteinte et pour lequel il lui est prescrit un traitement médicamenteux et un soutien psychologique ; que la décision du 2 juillet 2010 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour a été prise au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé, rendu le 2 juin 2010, indiquant que l'état de santé de Mlle A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque avec son traitement ;
Considérant que, pour contester la légalité de cette décision, Mlle A fait valoir, en premier lieu, reprenant les termes d'un certificat médical établi le 22 mars 2010 par un psychiatre, que le syndrome de stress post-traumatique dont elle souffre trouve son origine dans les événements traumatisants qu'elle a vécus dans son pays d'origine en raison de son engagement politique et que, pour cette raison, elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria ; que, toutefois, son récit n'est pas étayé d'éléments suffisamment probants pour en établir la réalité ni, a fortiori, l'existence d'un lien entre les souffrances psychologiques et les brutalités alléguées ; que, dès lors, elle ne saurait se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées, de ce qu'en raison de l'origine des troubles dont elle souffre, leur traitement serait impossible dans son pays d'origine ;
Considérant que Mlle A fait valoir, en second lieu, que les médicaments qui lui sont nécessaires, à supposer qu'ils existent sous une forme générique au Nigéria, ne sont disponibles qu'à un coût élevé et ne sont pas accessibles à la généralité de la population, qui doit supporter personnellement ces frais, et que, s'il est possible de recevoir des soins en hôpital psychiatrique dans son pays d'origine, la ville disposant de telles structures la plus proche de Port Harcourt, ville dont elle est originaire, est située à 625 kilomètres de celle-ci ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des informations recueillies par le préfet du Rhône sur le site de l'ambassade de France à Abuja, qu'il existe une clinique psychiatrique ainsi que des pharmacies connues pour la fiabilité de leur approvisionnement à Abuja ; que Mlle A, qui ne donne aucune information relative au coût des médicaments qui lui sont nécessaires ou aux ressources dont elle disposerait au Nigéria pour financer le coût de son traitement, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier, pour des raisons économiques, des médicaments qui lui sont nécessaires pour soigner ses troubles psychologiques ; que la seule circonstance que Mlle A soit originaire d'une région éloignée des structures médicales appropriées est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; que, par suite, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour par sa décision du 2 juillet 2010 ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mlle A n'étant pas illégale, cette dernière n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision, du 2 juillet 2010, fixant le pays de renvoi, de l'illégalité des décisions du même jour refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire ;
Considérant que Mlle A soutient que l'exécution de la décision fixant le pays de renvoi aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité en raison des menaces pesant sur sa vie au Nigéria du fait de ses activités politiques au sein du mouvement Niger Delta People's Volunteer Force (NDPVF), et produit un certificat médical, établi le 3 février 2010 par un médecin du centre de santé à destination des personnes en état de souffrance psychique liée à l'exil et victimes de violences et de tortures, décrivant notamment son état anxio-dépressif, ainsi que deux courriers, tous deux traduits de l'anglais, l'un rédigé par la représentation du NDPVF à Port Harcourt, adressé à sa mère, contenant des menaces de mort, l'autre rédigé par sa mère, non daté, faisant état de son engagement au sein du NDPVF et des menaces pesant sur sa vie au Nigéria ; que toutefois, le certificat médical produit ne permet pas d'établir l'existence du lien dont Mlle A fait état entre son affection et des événements traumatisants liés à son engagement politique qu'elle aurait vécus, selon elle, dans son pays d'origine et les deux courriers, compte tenu de leur imprécision, ne permettent pas d'établir la réalité de son engagement politique au sein du NDPVF, ni celle des menaces pesant sur sa vie au Nigéria ; que, dans ces conditions, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision du 2 juillet 2010 désignant le Nigéria comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Rita A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Bézard, président,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2011.
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N° 10LY02701