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14/06/2011 | FRANCE | N°10LY02692

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 juin 2011, 10LY02692


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 3 décembre 2010, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié 8, avenue Maurice Thorez à Vaulx en Velin (69120) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005021, en date du 2 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 22 juillet 2010, refusant de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, de lui renouveler sa carte de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mo

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Vu la requête, enregistrée à la Cour le 3 décembre 2010, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié 8, avenue Maurice Thorez à Vaulx en Velin (69120) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005021, en date du 2 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 22 juillet 2010, refusant de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, de lui renouveler sa carte de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par lesdites décisions ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, à titre principal, une carte de résident de dix ans sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1600 euros, au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il est en droit de bénéficier d'une carte de résident en application des stipulations de l'article 11 de la convention franco-centrafricaine et des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus de renouveler sa carte de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions refusant de lui délivrer une carte de résident et de renouveler sa carte de séjour ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 27 avril 2011, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A, dont les revenus étaient inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de la période précédant la décision contestée, ne justifie pas disposer de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins au sens de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A, dont le pacte civil de solidarité qu'il avait conclu avec une ressortissante française a été rompu, est célibataire, sans enfant et a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans en République centrafricaine ; que l'arrêté contesté n'a donc pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'enfin, en l'absence de demande préalable tendant à la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'arrêté contesté, ses conclusions aux fins de réparation ne peuvent pas être accueillies ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 3 mai 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, et demande en outre de porter à 27 440 euros le montant de son préjudice indemnisable dont il demande réparation ;

Il soutient, en outre, qu'il exerçait toujours une activité professionnelle lui procurant un revenu supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance à la date de la décision contestée et qu'il a perçu la somme de 11 680 euros en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 13 janvier 2010 ; qu'il disposait, ainsi, de revenus suffisants pour se voir délivrer un titre de séjour valable dix ans ; que, par ailleurs, eu égard à l'ancienneté de son séjour en France et à la qualité de son insertion dans ce pays, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, l'arrêté contesté l'a privé de son emploi et de la possibilité de bénéficier d'un revenu de remplacement et l'a contraint à vivre dans la précarité et lui a ainsi causé un préjudice économique de 22 440 euros ainsi qu'un préjudice moral évalué à 5 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation, à l'emploi et au séjour des personnes du 26 septembre 1994 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Matsounga, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Matsounga ;

Sur les conclusions de M. A aux fins d'indemnisation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'a pas saisi l'autorité administrative d'une demande préalable tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des décisions du préfet du Rhône ; que, dès lors, en l'absence de décision de rejet d'une telle demande, le Tribunal administratif a pu, à bon droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il était saisi par l'intéressé comme irrecevables ;

Considérant, en second lieu, que les conclusions de M. A tendant à une condamnation d'un montant supérieur à celle qu'il a demandée devant les premiers juges sont irrecevables en appel ;

Sur les conclusions relatives au refus de délivrance d'une carte de résident :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994 : Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de l'autre partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention résident de longue durée-CE s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...) ; qu'il s'ensuit que les ressortissants centrafricains qui justifient de trois années de séjour régulier et ininterrompu en France sous couvert d'un des titres visés à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et remplissent les autres conditions requises audit article, peuvent obtenir une carte de résident de dix ans ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité centrafricaine, entré en France, le 7 janvier 2004 sous couvert d'un visa pour études, a obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiant, renouvelé jusqu'au 30 septembre 2005, puis a demandé le changement de son statut d'étudiant en celui de travailleur salarié, ce qui lui a été refusé par décision du préfet du Rhône du 28 mars 2006 ; que M. A a alors sollicité le bénéfice de l'asile, ce qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision du 9 octobre 2006 a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 3 juillet 2008 ; qu'après avoir conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, le 21 février 2006, M. A a sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale qui lui a été délivrée pour la période du 12 avril 2008 au 11 avril 2009, puis renouvelée jusqu'au 11 avril 2010 ; que les cartes de séjour détenues en qualité d'étudiant n'étant pas au nombre de celles qui sont visées à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date à laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour, le 22 juillet 2010, M. A ne justifiait pas de trois années de séjour régulier en France sous couvert d'un des titres visés à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer une carte de résident, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 11 de la convention franco-centrafricaine et les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions relatives au refus de renouvellement de la carte de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis 2004, où il s'est intégré et a fixé le centre de ses intérêts privés ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France à l'âge de 37 ans ; qu'il a donc passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où réside sa famille et où il a exercé des activités professionnelles ; qu'il n'établit pas disposer d'attaches particulières en France dès lors que le pacte civil de solidarité conclu avec une ressortissante française a été dissous le 1er octobre 2009 ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant les efforts d'insertion professionnelle du requérant et la production d'une promesse d'embauche, la décision de refus de séjour attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Sur les conclusions relatives à la décision fixant le pays de destination :

Considérant, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination comme illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2011.

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N° 10LY02692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02692
Date de la décision : 14/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MATSOUNGA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-14;10ly02692 ?
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