Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 juillet 2009, présentée pour la société MARSADIS, dont le siège est Zone Acti-Sud à Marsannay La Côte (21160) ;
La société MARSADIS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500529 du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'après avoir prononcé le dégrèvement de la taxe mise à sa charge, l'administration fiscale ne pouvait légalement revenir sur cette décision, sans méconnaître les stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, et de l'estoppel, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
- que la taxe sur les achats de viande telle qu'elle existait au titre de la période en cause constituait une aide d'Etat au sens de l'article 92 du traité instituant la Communauté européenne ; que cette aide indirecte aux producteurs français, visant à financer le service public de l'équarrissage, était en conséquence incompatible avec les stipulations de l'article 87 du traité ; que n'ayant pas été notifiée à la Commission européenne, en méconnaissance de l'article 93 de ce même traité, elle est dès lors illégale ; que faute de notification préalable, et de non exécution avant décision de la Commission, tant lors de sa création que lors de sa modification en 2001, cette taxe est contraire à l'article 88, paragraphe 3, du même traité ; que la seule modification de l'affectation budgétaire de cette ressource, à compter du 1er janvier 2001, ne saurait avoir pour effet de neutraliser la qualification d'aide d'Etat issue d'une norme de rang supérieure ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré au greffe de la Cour le 12 octobre 2009, présenté pour la société MARSADIS qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré au greffe de la Cour le 25 mars 2010, présenté pour la société MARSADIS ;
Elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, et soutient en outre que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause le dégrèvement accordé, pour rétablir l'imposition contestée, sans mettre en oeuvre une nouvelle procédure de rectification contradictoire ou, à tout le moins, émettre un nouveau titre de perception ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2010 présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que le service était en droit de rapporter la décision de dégrèvement regardée rétroactivement comme illégale en tant qu'elle accordait indûment une restitution de taxe ; que la lettre modèle adressée à l'entreprise, l'informant du dégrèvement accordé n'était pas motivée, et ne pouvait dès lors être regardée comme une prise de position formelle ; que le service pouvait ainsi rapporter cette décision, dès lors qu'il avait constaté que lesdits dégrèvements, qui ne sont pas créateurs de droits, avaient été accordés à tort ; qu'ainsi, après avoir accordé un dégrèvement, l'administration fiscale peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition en ayant préalablement informé le contribuable de son intention de l'imposer ; que le dégrèvement intervenu n'a aucune incidence sur la régularité des actes antérieurement et régulièrement accomplis ; qu'en l'espèce, la taxe sur les achats de viande avait été régulièrement déclarée et versée par la société requérante ; que, faute d'exécution comptable, ledit dégrèvement n'avait pas eu pour effet de faire disparaître l'imposition initiale ; que c'est donc à bon droit que le service a pu informer l'intéressée que le dégrèvement intervenu, procédant d'une erreur de liquidation, ne pouvait être maintenu ; que le service était en situation de compétence liée, ne pouvant renoncer à une imposition légalement due ; que n'ayant pas procédé au remboursement effectif des cotisations, il n'était pas tenu de suivre une nouvelle procédure de reprise, dans le délai de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, et d'émettre un nouvel avis d'imposition ; que l'entreprise ayant été, in fine, destinataire d'une décision de rejet motivée, elle n'a été privée d'aucune garantie de procédure ;
- que l'imposition en litige est bien fondée, et ne méconnaît aucune norme ni principe communautaire ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe de la Cour le 22 juillet 2010, présenté pour la société MARSADIS qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 13 septembre 2010, présenté pour la société MARSADIS qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 30 mars 2011, présenté pour la société MARSADIS, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 21 mars 2011 fixant la clôture d'instruction au 8 avril 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2011 :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que la société MARSADIS, après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002, en a demandé la restitution par une réclamation du 16 avril 2004 ; que l'administration lui a accordé le dégrèvement total des impositions en litige par décision du 18 août 2004 ; qu'elle a ensuite adressé à la société une lettre du 30 novembre 2004 l'informant de sa décision de rapporter ledit dégrèvement, dès lors que la taxe sur les achats de viande avait été légalement perçue, avant de rejeter ses réclamations par décision du 17 janvier 2005 ; que la société requérante, qui soutient que l'administration ne pouvait ainsi rétablir les impositions litigieuses, relève appel du jugement du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution des sommes acquittées ;
Considérant qu'en vertu du VI de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, alors en vigueur, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ; que selon l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions ont ainsi été rendues applicables à cette taxe : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ; que, lorsqu'une taxe a été déclarée et payée spontanément par le redevable, puis a fait l'objet d'un dégrèvement, cette décision implique, alors même que le paiement a été effectué à la date d'exigibilité, que l'administration émette un avis de mise en recouvrement si elle entend rétablir l'imposition ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que faute d'avoir, après prononcé du dégrèvement des taxes payées par la société MARSADIS au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002, émis un avis de mise en recouvrement correspondant au montant dégrevé, l'administration ne pouvait lui refuser la restitution de ces taxes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MARSADIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution desdites taxes ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société MARSADIS de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0500529 du 14 mai 2009 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société MARSADIS la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002.
Article 3 : L'Etat versera à la société MARSADIS une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MARSADIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2011 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 31 mai 2011.
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N° 09LY01583