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24/05/2011 | FRANCE | N°10LY02107

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2011, 10LY02107


Vu la requête, enregistrée le 31 août 2010, présentée pour M. Georges A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701929 du 21 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 mars 2007 rejetant la demande qu'il avait adressée le 25 septembre 2006 au président de la communauté d'agglomération d'Annecy et tendant à ce qu'il soit autorisé à travailler jusqu'à son soixante-huitième anniversaire ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite

décision ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Annecy une som...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2010, présentée pour M. Georges A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701929 du 21 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 mars 2007 rejetant la demande qu'il avait adressée le 25 septembre 2006 au président de la communauté d'agglomération d'Annecy et tendant à ce qu'il soit autorisé à travailler jusqu'à son soixante-huitième anniversaire ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Annecy une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement, insuffisamment motivé, est irrégulier ; que la Cour doit écarter l'application de la législation française fixant l'âge de la retraite à soixante-cinq ans dès lors que cette législation constitue une discrimination à raison de l'âge et méconnaît ainsi les objectifs de la directive 2000/78/CE ; que la décision lui refusant l'autorisation de poursuivre son activité au-delà de l'âge de soixante-cinq ans, prise en application de cette législation, est illégale ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2010, présenté pour la communauté d'agglomération d'Annecy, représentée par son président, qui conclut au rejet de la requête et demande la condamnation du requérant à lui verser la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le jugement est régulier ; que la demande de première instance n'était pas recevable dès lors que l'acte attaqué constitue un renseignement et non un acte faisant grief ; que la directive 2000/78 a été transcrite en droit français ; que la fixation de l'âge de soixante-cinq ans pour le départ à la retraite constitue un objectif légitime notamment au regard de la situation particulière des agents publics et de la politique de l'emploi ; que le requérant ne peut pas prétendre au droit de rester en activité jusqu'à l'âge de soixante-huit ans au titre des droits individuellement acquis visés par l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984 ; que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de la méconnaissance de sa compétence par le président de la communauté d'agglomération sont inopérants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

Vu la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 ;

Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

Vu le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2011 :

- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;

- les observations de Me Cheneau, représentant M. A et de Me Garaudet, représentant la communauté d'agglomération d'Annecy ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été, de nouveau, donnée aux parties présentes ;

Considérant que par la présente requête, M. A, professeur de musique au conservatoire national de région de la communauté d'agglomération d'Annecy, demande à la Cour d'annuler le jugement du 21 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 mars 2007 rejetant la demande qu'il avait adressée le 25 septembre 2006 au président de la communauté d'agglomération d'Annecy et tendant à ce qu'il soit autorisé à travailler jusqu'à son soixante-huitième anniversaire et ladite décision ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive susvisée n° 2000/78 au motif que la limite d'âge fixée pour l'activité de l'ensemble des agents de la fonction publique à soixante-cinq ans était justifiée par un motif légitime eu égard à leur situation particulière et ne devait pas faire nécessairement l'objet d'une détermination propre à chaque catégorie d'agents ; que d'une part, la circonstance que cette motivation serait erronée en droit est sans influence sur son existence ou sa suffisance ; que d'autre part, cette motivation répondait à l'argumentation présentée par le requérant ; que dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et par suite irrégulier ;

Sur le bien-fondé du jugement et la légalité de l'acte attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de première instance :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de la loi du 16 novembre 2001, prise pour la transposition de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur âge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE : Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. ;

Considérant qu'il résulte de l'interprétation de cette directive donnée par la Cour de justice de l'Union européenne, en premier lieu, qu'une réglementation nationale relative à la fixation de l'âge de la retraite relève du champ d'application de la directive susmentionnée dès lors qu'elle interdit aux personnes concernées d'exercer leur activité au-delà de cet âge et, en second lieu, qu'il incombe au juge national de vérifier si une telle limite d'âge répond véritablement au souci d'atteindre les objectifs invoqués de manière cohérente ;

Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : Le fonctionnaire ne peut être maintenu en fonctions au-delà de la limite d'âge de son emploi, sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur et qu'en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, les fonctionnaires sont mis à la retraite sur leur demande ou d'office ;

Considérant qu'aux termes de l'article premier de la loi du 13 septembre 1984 en vigueur à la date de la décision attaquée, relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-cinq ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la présente loi, fixée à un âge supérieur. ; qu'en l'absence de dispositions particulières applicables à l'ensemble des fonctionnaires territoriaux ou au cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, en vertu tant des dispositions de l'article 6 susmentionné de la loi du 13 juillet 1983 que du principe de parité entre les différentes fonctions publiques, la limite d'âge des fonctionnaires territoriaux était de soixante-cinq ans, à la date de la décision attaquée ;

Considérant que cette limite d'âge permet de favoriser l'emploi d'agents plus jeunes et tient compte de l'état de santé des travailleurs âgés ; que cette limite est de cinq ans supérieure à l'âge légal auquel les agents peuvent acquérir un droit à pension et demander à être admis à la retraite ; que les intéressés peuvent prétendre à l'issue de leur carrière au versement d'une pension de retraite ; qu'ainsi, cette limite d'âge est justifiée par un objectif légitime et constitue un moyen nécessaire et approprié pour atteindre cet objectif ; que dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que les règles nationales fixant la limite d'âge à laquelle un fonctionnaire est d'office mis à la retraite ne seraient pas compatibles avec les objectifs de la directive 2000/78/CE susmentionnée et ne pouvaient en conséquence fonder légalement la décision en date du 5 mars 2007 par laquelle lui a été refusée l'autorisation de poursuivre son service après l'âge de soixante-cinq ans ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susvisée du 5 mars 2007 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Annecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération d'Annecy et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à la communauté d'agglomération d'Annecy, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges A et à la communauté d'agglomération d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2011, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2011.

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N° 10LY02107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02107
Date de la décision : 24/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Egalité de traitement entre agents d'un même corps - Absence de discrimination illégale.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite pour ancienneté - limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP CHENEAU et PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-24;10ly02107 ?
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