Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour, le 21 janvier 2011 et régularisée le 24 du même mois, présentée pour M. Alphonse A, domicilié chez Mme B, 25 rue Salvador Allendé à Oullins (69600) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1100029 en date du 10 janvier 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des décisions du préfet du Rhône du 4 novembre 2010 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et, d'autre part, de la décision du 5 janvier 2011 ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé, et dont il entend exciper de l'illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, méconnaît tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision de refus viole également les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et que le premier juge ne s'est pas prononcé sur ce moyen ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que la décision désignant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement qui la fonde et qu'il craint d'être persécuté en cas de retour en République démocratique du Congo ; qu'enfin, l'annulation des décisions susmentionnées entraînera nécessairement l'annulation de la décision prononçant son placement en rétention administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 25 février 2011 présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que M. A ne peut se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour pour contester l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre alors que ces deux décisions ne méconnaissent ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ; que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale en conséquence de l'illégalité des décisions sur lesquelles elle se fonde ; que M. A n'apporte pas la preuve des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il ne peut se prévaloir de l'illégalité de ces décisions pour contester la décision prononçant son placement en rétention administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la décision du 25 janvier 2011, par laquelle M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :
- le rapport de M. Bézard, président,
- les observations de Me Robin,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Robin ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen invoqué par voie d'exception d'illégalité concernant le refus de séjour qui avait été opposé à M. A et tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, lequel n'était pas inopérant ; que cette omission à statuer entraîne l'irrégularité du jugement attaqué qui doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en date du 4 novembre 2010 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A soutient qu'il réside en France depuis l'année 2002, que ses attaches affectives se trouvent sur le territoire français, où il vit avec sa concubine, ressortissante angolaise réfugiée, et leur enfant, né le 19 décembre 2009, et qu'il est bien inséré dans la société française ;
Considérant qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. A se maintient en situation irrégulière sur le territoire français depuis 2005, en dépit des rejets de ses demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, les 26 juin 2003, 21 juin 2004 et 15 juillet 2005, confirmés respectivement les 29 avril 2004, 12 avril 2005 et 8 décembre 2005 par la Commission de recours des réfugiés, et d'une invitation à quitter le territoire national, datée du 17 mai 2005, et ne saurait, dans ces conditions, se prévaloir, à l'encontre de ladite décision, d'une parfaite intégration à la société française ; que les pièces produites par M. A, notamment des attestations de tiers dénuées de caractère probant et des photos de la célébration d'un mariage religieux, au demeurant, sans incidence sur la légalité de la décision critiquée, ne permettent pas d'établir l'ancienneté de la relation et de la communauté de vie entre M. A et Mlle , ressortissante angolaise réfugiée qui, en tout état de cause, ne dataient que de quelques mois seulement, à la date de la décision attaquée ; que M. A, entré en France, à l'âge de trente-deux ans, a passé l'essentiel de son existence en République démocratique du Congo où il est père de deux enfants, nés respectivement en 1990 et 1999 ; que, s'il affirme que la mère de ses enfants et sa fille aînée sont décédées en 2004 et 2005, il n'en rapporte pas la preuve, en se bornant à produire des copies, dépourvues de toute garantie d'authenticité, de certificats de décès, au demeurant contradictoires ; qu'en tout état de cause, M. A a conservé des attaches dans son pays d'origine où résident, selon les propres déclarations de l'intéressé, son fils élevé par une de ses soeurs, ses six soeurs, un frère, et sa mère ; que, dès lors, rien ne fait obstacle à ce que M. A reconstitue la cellule familiale avec sa compagne actuelle, si elle le souhaite, présente en France depuis avril 2005, et dont il n'est pas établi qu'elle ne serait pas admissible en République démocratique du Congo, ainsi que leur enfant ; que si le requérant fait valoir que Mlle est mère d'un enfant, réfugié angolais, né d'une première union, il ressort des pièces du dossier que cet enfant, âgé de 19 ans à la date de la décision litigieuse, réside en France chez son père, et que M. A n'établit pas le caractère régulier et intense des relations que lui et sa compagne entretiendraient avec cet enfant ; qu'au surplus, la circonstance que Mlle soit enceinte est postérieure à la date de la décision critiquée et par conséquent, sans incidence sur sa légalité ; que, par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la décision de refus de titre de séjour litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive compte tenu des buts dans lesquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'a ni pour objet ni pour effet de séparer ce dernier de son enfant, né le 19 décembre 2009, et n'a donc pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne les autres moyens présentés à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant, d'une part, que pour les motifs précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour par la voie de l'exception d'illégalité, les moyens tirés de la violation, par l'obligation qui est faite à M. A de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la compagne de M. A, avec laquelle le requérant a eu un enfant, est réfugiée angolaise, arrivée en France en 2005, à l'âge de trente-cinq ans, mère d'un enfant angolais, né le 10 août 1991, d'une précédente relation ; que cet enfant majeur réside chez son père et qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'il ait des relations régulières et intenses avec sa mère ; que, par suite, M. A peut reconstituer la cellule familiale dans son pays d'origine avec sa compagne et leur enfant ; que, dans ces conditions, l'obligation faite à M. A de quitter le territoire n'a pas, par elle-même, pour conséquence de séparer son enfant né de sa relation avec Mlle de son père ou de sa mère, eu égard à la possibilité pour les deux concubins de poursuivre leur vie maritale en République démocratique du Congo avec leur enfant commun ; qu'au surplus, M. A est père d'un enfant congolais, né en 1999, vivant en République démocratique du Congo, avec lequel il n'établit pas avoir perdu tout contact, alors même que, selon ses propres écritures, cet enfant aurait été confié, dès sa naissance, à sa propre soeur ; qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'ensemble de la situation de l'intéressé, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A par le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ; qu'elle n'a, dès lors, pas violé les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant qu'en se bornant à alléguer l'existence de risques pesant sur lui, M. A n'établit pas la réalité des menaces et risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en République démocratique du Congo ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination ne peut pas être regardée comme ayant méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision ordonnant le placement de M. A en rétention administrative :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative, de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative:
Considérant que la demande présentée par le conseil de M. A tendant à l'application à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée dès lors que le requérant est la partie succombante à l'instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 janvier 2011 est annulé.
Article 2 :La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alphonse A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Lu en audience publique, le 18 mai 2011.
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N° 11LY00158
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