La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2011 | FRANCE | N°11LY00031

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 18 mai 2011, 11LY00031


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 janvier 2011 à la Cour et régularisée le 13 janvier 2011, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007129 du 6 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Anouar A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement

en rétention administrative de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 janvier 2011 à la Cour et régularisée le 13 janvier 2011, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007129 du 6 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Anouar A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que M. A, en l'absence de visa de long séjour, ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 9 de l'accord franco-algérien et le titre III du protocole annexé au même accord pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention étudiant ; que son arrêté du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Anouar A n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2011 à la Cour, présenté pour M. Anouar A, domicilié 4 rue de Verdun à Thonon-les-Bains (74200) ;

M. A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite en Algérie est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il peut se prévaloir des stipulations du titre III du protocole de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif au droit au séjour en qualité d'étudiant, nonobstant l'absence de visa de long séjour, dès lors qu'il est, d'une part, inscrit en classe de certificat d'aptitude professionnelle d'agent polyvalent de restaurant dans un lycée professionnel, d'autre part, pris en charge par son frère ; que les décisions en litige ont porté, eu égard aux buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 23 mars 2011 à la Cour et régularisé le 24 mars 2011, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et conclut, en outre, au rejet des conclusions de M. A tendant à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en outre, que son arrêté du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Anouar A n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que M. A a fait l'objet, le 3 mars 2011, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien, né le 10 septembre 1992, est entré régulièrement en France le 31 juillet 2009 sous couvert d'un visa de court séjour, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté en litige, le 1er décembre 2010, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet pouvait décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé que M. A était inscrit, depuis le mois de septembre 2010, en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle de cuisine dans un lycée professionnel et qu'il était pris en charge, matériellement et financièrement, par son frère, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans et disposant de ressources suffisantes, a estimé que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, en décidant de l'éloigner du territoire français en cours d'année scolaire sans lui laisser le temps de terminer sa formation professionnelle, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé, nonobstant la circonstance que ce dernier avait été averti en avril 2010 de la nécessité pour lui de demander un titre de séjour une fois devenu majeur ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la mesure d'éloignement en litige, M. A était inscrit en première année de certificat d'aptitude professionnelle de cuisine depuis trois mois et qu'il manifestait un comportement perturbateur et peu sérieux au lycée, lequel lui avait valu des sanctions disciplinaires ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A au motif qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient alors à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé :

Considérant que l'arrêté en litige a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, qui, en vertu d'un arrêté préfectoral du 31 août 2009 publié le même jour au Recueil des actes administratifs de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département , à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de reconduite à la frontière en litige doit être écarté ;

Considérant que l'arrêté du 1er décembre 2010 énonce les dispositions dont il fait application et les éléments de fait qui justifient la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de M. A ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : ( ...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre (...) du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) , qu'aux termes du 1er paragraphe du titre III du protocole annexé au même accord : Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention ''étudiant'' ou ''stagiaire ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. A est entré régulièrement en France, le 31 juillet 2009, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de la mesure d'éloignement en litige, il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées du 1er paragraphe du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est arrivé en France à l'âge de dix-sept ans et y séjournait depuis seize mois à la date de la décision en litige ; que ses parents résident en Algérie ; que, comme il a été dit ci-dessus, il a rencontré des difficultés d'intégration scolaire qui ne sauraient être regardées comme liées à sa situation administrative ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination de l'intéressé :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de destination et de la violation, par la même décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;

Considérant que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en fait par les indications que M. A est de nationalité algérienne, qu'il pourra être reconduit à la frontière du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible, et que l'intéressé n'établit pas son admissibilité dans un autre pays que l'Algérie ni qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, les moyens dirigés contre la motivation de la décision fixant le pays de destination ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de placement de M. A en centre de rétention administrative doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. (...) ;

Considérant que la décision en litige vise le 3° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'arrêté de reconduite à la frontière, mentionne notamment l'absence de moyen de transport susceptible de permettre son départ immédiat du territoire français et le fait que M. A ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes ; que, comportant ainsi l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, elle est, dès lors, régulièrement motivée ;

Considérant que la décision de placement de M. A en centre de rétention administrative du 1er décembre 2010 ne porte, par elle-même, aucune atteinte à son droit de mener une vie familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à demander à la Cour l'annulation du jugement du 6 décembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon et le rejet des demandes présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007129, du 6 décembre 2010, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à M. Anouar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lu en audience publique, le 18 mai 2011.

du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier

''

''

''

''

1

2

N° 11LY00031

FD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11LY00031
Date de la décision : 18/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-18;11ly00031 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award