Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 septembre 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004755 en date du 6 août 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 août 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Aharon A ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la mesure de reconduite et décidant de son placement en rétention administrative et a mis à sa charge la somme de 400 euros à verser au conseil de M. A ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Aharon A devant le Tribunal administratif ;
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ; que M. A, qui n'est pas un ressortissant communautaire et qui venait d'être interpellé en flagrant délit de vol, fait reconnu par lui et pour lequel il a fait l'objet d'un rappel à la loi, pouvait compromettre l'ordre public de l'une des parties contractantes au sens du e) de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen et ne justifiait donc pas du respect des dispositions combinées des articles 5 et 21 de ladite convention ; qu'il pouvait donc légalement faire l'objet d'une décision de reconduite à la frontière sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'était pas susceptible de faire l'objet d'une procédure de réadmission en République tchèque sans l'autorisation de cet Etat, alors, au demeurant, qu'il n'existe pas de convention bilatérale de réadmission entre la France et la République tchèque ; que la procédure de remise constitue une procédure dérogatoire qu'il n'était pas tenu de mettre en oeuvre et que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement précisait que l'intéressé pouvait être éloigné à destination de la République tchèque, si cette dernière faisait connaître son accord de réadmission ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 6 décembre 2010, présenté pour M. Aharon A, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que le jugement attaqué est régulièrement motivé ; que, disposant d'un passeport arménien et d'un titre de séjour tchèque en cours de validité, il remplissait les conditions posées aux articles 5 et 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen et que la seule circonstance qu'il avait commis un vol pour lequel il a fait l'objet d'un simple rappel à la loi ne permettait pas de le regarder comme susceptible de compromettre l'ordre public en France au sens du e) de l'article 5 de la convention de Schengen ; que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ne se fonde pas sur les dispositions du e) de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;
Vu la loi n° 2003-1210 du 19 décembre 2003 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, ensemble le décret n° 2004-450 du 26 mai 2004 qui en porte publication ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision du 7 janvier 2011, par laquelle M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 511-3 du même code : Les dispositions du 2° et du 8° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de l'article 19, paragraphe 1 ou 2, de l'article 20, paragraphe 1, et de l'article 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention. ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, (...) à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen auquel la France et la République tchèque sont parties, signée le 19 juin 1990 : 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : / a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le comité exécutif ; / (...) ; / c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / (...) e) Ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes. ; qu'aux termes de l'article 21 de cette même convention : 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée. (...) et qu'aux termes de l'article 23 de ladite convention : 1. L'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l'une des Parties Contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des Parties Contractantes. / 2. L'étranger qui dispose d'un titre de séjour ou d'une autorisation de séjour provisoire en cours de validité délivrés par une autre Partie Contractante, doit se rendre sans délai sur le territoire de cette Partie Contractante. / 3. Lorsque le départ volontaire d'un tel étranger n'est pas effectué ou lorsqu'il peut être présumé que ce départ n'aura pas lieu ou si le départ immédiat de l'étranger s'impose pour des motifs relevant de la sécurité nationale ou de l'ordre public, l'étranger doit être éloigné du territoire de la Partie Contractante sur lequel il a été appréhendé, dans les conditions prévues par le droit national de cette Partie Contractante. Si l'application de ce droit ne permet pas l'éloignement, la Partie Contractante concernée peut admettre l'intéressé au séjour sur son territoire./ 4. L'éloignement peut être réalisé du territoire de cet État vers le pays d'origine de cette personne ou tout autre État dans lequel son admission est possible, notamment en application des dispositions pertinentes des accords de réadmission conclus par les Parties Contractantes. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant arménien, était, à la date déclarée et non contestée de son entrée en France, le 26 juillet 2010, ainsi qu'à la date de son interpellation pour vol, le 4 août 2010, titulaire d'un passeport en cours de validité ainsi que d'un titre de séjour permanent délivré par les autorités tchèques, valable jusqu'au 26 mars 2018, lequel document ne faisait toutefois pas de M. A, contrairement à ses allégations, un ressortissant communautaire ; que M. A a été interpellé, le 4 août 2010, en flagrant délit de vol de parfums dans un commerce spécialisé, pour un montant global de 420,60 euros, faits qu'il a reconnus lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale ; qu'il résulte de ce qui précède que le comportement de M. A représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique, laquelle constitue un intérêt fondamental de la société ; que, par suite, et alors même qu'il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale à la suite de ce vol, mais d'un simple rappel à la loi, le PREFET DU RHONE a pu légalement estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que son comportement constituait une menace pour l'ordre public au sens du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et prendre, à son encontre, un arrêté de reconduite à la frontière sur ce fondement, alors, d'une part, qu'il résulte de ces même circonstances, que M. A pouvait être regardé comme pouvant compromettre l'ordre public au sens du e) de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen, et ne remplissait, dès lors, pas les conditions fixées au I de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen qui lui auraient permis de circuler librement durant une période de trois mois sur le territoire français et, d'autre part, qu'en l'absence d'accord de réadmission conclu entre la République tchèque et la France, la procédure de remise prévue aux articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était, en tout état de cause, pas susceptible d'être mise en oeuvre ; qu'en conséquence, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de base légale, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. B, le 4 août 2010 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière contesté du 4 août 2010 a été signé par M. Stéphane Beroud, chef du service de l'immigration et de l'intégration, lequel disposait d'une délégation de signature du PREFET DU RHONE, par arrêté du 20 mai 2010, publié le 24 du même mois au Recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, l'autorisant à signer, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, la totalité des actes établis par la direction dont il dépend, à l'exception des actes à caractère réglementaire, des circulaires, des instructions générales et des correspondances destinées aux élus ; que, par suite, et alors qu'il n'est pas établi par le requérant que le directeur de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été absent ou empêché le 4 août 2010, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière contesté cite notamment les dispositions du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique en particulier que M. A est de nationalité arménienne, qu'il est entré en France le 26 juillet 2010 selon ses déclarations, en possession d'une carte de séjour permanent délivrée par les autorités de la République tchèque et valable jusqu'au 26 mars 2018, qu'il a été interpellé, le 4 août 2010, dans le cadre d'une procédure de vol où il était personnellement mis en cause, fait délictuel qu'il a reconnu lors de son audition du même jour, et que son comportement constitue donc une menace pour l'ordre public le faisant entrer dans le champ d'application du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet arrêté énonce ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, régulièrement motivé ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs précédemment retenus pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière, le même moyen, dirigé contre la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement, doit également être écarté ;
Considérant, en second lieu, que la décision fixant le pays de renvoi, qui vise notamment l'arrêté de reconduite à la frontière sur lequel elle se fonde, qui indique que M. A est de nationalité arménienne et qui énonce qu'en application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui doit être reconduit à la frontière peut être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, comporte les énonciations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, régulièrement motivée ;
Sur la décision décidant du placement en rétention administrative :
Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs précédemment retenus pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière, le même moyen, dirigé contre la décision décidant du placement de M. A en rétention administrative, doit également être écarté ;
Considérant, en second lieu, que cette décision, qui vise notamment les dispositions du 3° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'arrêté de reconduite à la frontière sur lequel elle se fonde et qui indique en particulier que M. A ne justifie ni de circonstances exceptionnelle ni de garanties de représentation effectives et que l'absence de moyen de transport immédiat fait obstacle au départ de l'intéressé, énonce ainsi les éléments de droit et de fait que la fondent et est, en conséquence, régulièrement motivée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 août 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Aharon A ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et décidant de son placement en rétention administrative administrative et a mis à sa charge la somme de 400 euros à verser au conseil de M. A ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier devant la Cour et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1004755, du 6 août 2010, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées devant la Cour par son conseil tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Aharon A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Lu en audience publique, le 18 mai 2011.
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N° 10LY02168
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