Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 décembre 2008, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) EUROMETAL DEVELOPPEMENT, dont le siège est 9 boulevard Monge à Meyzieu (69330), représentée par son président en exercice ;
La SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602970, en date du 23 septembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 avril 2002 et 2003, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties, à la restitution de la somme de 151 035 euros déjà versée à ce titre au Trésor public, assortie des intérêts moratoires et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) d'ordonner la restitution des sommes de 151 035 euros qu'elle a déjà versées au Trésor public, assorties des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure est entachée d'irrégularité, dans la mesure où elle n'a pas été destinataire, en tant que société mère tête de groupe fiscalement intégré, d'une notification de redressement reprenant les extraits explicitant les motifs des redressements adressés à chacune des sociétés du groupe ; l'assimilation qui a été faite à cet égard avec les sociétés de personnes est contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe constitutionnel d'égalité des contribuables ;
- l'administration ne pouvait, pour remettre en cause la matérialité de l'essentiel des achats de métaux non-ferreux effectués par la SAS Eurométal auprès de la société suisse Laser Intertrading, se fonder sur les seul dires de M. A, transporteur ; on ne peut pas lui opposer les méthodes de gestion non réglementaires de cette entreprise de transport ;
- elle est en mesure de justifier de la réalité d'une partie de ces achats par la production de deux documents CNR (lettres de voiture) qui ont été retrouvés, s'ajoutant à ceux déjà admis par l'administration fiscale, l'un en date du 1er juin 1999, pour un montant de 134 555 francs (20 513 euros), l'autre en date du 24 octobre 2000, pour un montant de 240 024 francs (36 591 euros) ;
- il est en outre possible de justifier de l'existence de la totalité de ces achats par la reconstitution de la comptabilité matière de la SAS Eurométal à partir des bons d'entrée de marchandise, ce qui a déjà été entrepris pour ce qui concerne l'aluminium et l'exercice 2000-2001 ;
- le caractère fictif de ces achats n'est en tous cas pas démontré par l'administration ;
- contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal administratif de Lyon, la société Laser Intertrading faisait bien commerce de métaux non-ferreux ; l'administration n'a d'ailleurs vérifié que l'établissement de cette société en France et non son établissement principal en Suisse ;
- l'administration a mené une instruction incomplète qui l'a privée de la possibilité de justifier de la réalité et du montant des achats en litige ;
- d'autres éléments de preuve pouvaient être utilisés, tels les bons de livraison et les bons d'entrée des marchandises ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête de la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT ; il soutient que la procédure a été régulière, l'information de la société mère pouvant être réduite, comme cela a été le cas en l'espèce, à une référence aux procédures de redressement menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble ; que les éléments recueillis par l'administration, tant au cours de la vérification que dans l'exercice de son droit de communication et d'enquête auprès des transporteurs supposés ont permis de conclure que les factures émises par la société suisse Laser Intertrading ne correspondaient dans la très grande majorité des cas à aucune livraison effective de marchandise ; que M. B, dirigeant de la société Laser Intertrading, a reconnu l'existence d'une fausse facturation ; que des bons d'entrée mentionnaient des véhicules de transport détruits depuis plusieurs années ou un véhicule de tourisme ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 septembre 2009, présenté pour la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que la société Laser Intertrading prenait en charge le coût du transport ; que les lettres de voiture n'étaient pas obligatoires à l'époque pour une distance inférieure à 150 kilomètres ; que des erreurs ont pu être commises sur certains bons d'entrée, en ce qui concerne l'identification du véhicule de transport ; qu'il est normal que la société Laser Intertrading, qui a une activité de trading , n'ait pas de moyens de transport et de stockage ; qu'elle n'est pas responsable des activités de M. B, dirigeant de cette société, en tant qu'il payait en espèces des gens du voyage et les transporteurs ; qu'il n'est pas établi qu'elle était elle-même partie prenante dans ce mécanisme et cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de livraisons ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2011 :
- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;
- les observations de Me Chronowski, avocat de la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Chronowski, avocat de la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT ;
Considérant que, suite à la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 1999 au 31 janvier 2003 dont a fait l'objet la SAS Eurométal, qui exerce à Meyzieu (Rhône) une activité de commerce de métaux ferreux et non-ferreux, la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT, tête du groupe à fiscalité intégrée à laquelle appartient la SAS Eurométal s'est vue elle-même notifier des redressements en matière d'impôt sur les sociétés, concernant les exercices clos les 30 avril 2002 et 2003 ; que la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT fait appel du jugement en date du 23 septembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscalement intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; que les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble ; que l'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés ;
Considérant que la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT a été destinataire d'un courrier de l'administration fiscale, en date du 17 mai 2005, faisant référence à la procédure de redressement menée à l'encontre de la société Eurométal, membre du groupe, et auquel étaient joints, d'une part, un tableau récapitulatif des rectifications maintenues à l'encontre de cette dernière, et des sanctions correspondantes, ainsi que la liste des rectifications maintenues qui avaient une incidence sur le résultat d'ensemble, d'autre part l'indication du montant des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle était elle-même redevable suite à ce contrôle et qui seraient mises en recouvrement ; qu'ainsi, la société requérante, qui avait choisi de former avec ses filiales un groupe fiscalement intégré et ne peut en tout état de cause invoquer dans ces conditions une méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du principe constitutionnel d'égalité entre les contribuables, n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité au motif qu'elle n'a pas été destinataire d'une véritable notification de redressement explicitant les motifs des redressements adressés aux autres sociétés membres du groupe et en particulier à la société Eurométal ;
Sur le bien-fondé des redressements :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
Considérant que la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT, en produisant les factures régulièrement émises par la société suisse Laser Intertrading et honorées par elle, a établi la correction de l'inscription de ces charges en comptabilité ainsi que leur valeur ; que, toutefois, l'administration fiscale conteste que ces factures correspondaient à la livraison effective de biens, en faisant valoir que la société Laser Intertrading ne disposait d'aucun matériel et n'employait aucun personnel, que plusieurs des bons d'entrée de marchandises produits par la société requérante mentionnent des numéros minéralogiques du véhicule de transport correspondant à des véhicules détruits depuis plusieurs années ou à un véhicule de tourisme ; qu'elle s'appuie également sur les éléments recueillis par elle tant au cours de la vérification de comptabilité que dans l'exercice de son droit de communication et d'enquête, notamment auprès du principal transporteur qui aurait assuré l'essentiel des supposées livraisons et qui a déclaré, dans des procès-verbaux en date des 3 et 28 mai 2004, n'avoir jamais procédé à des livraisons chez Eurométal et que les lettres de voiture qui lui sont alors présentées ont été rédigés à la demande d'Eurométal pour rendre service mais qu'il n'a jamais effectué les livraisons mentionnées sur ces bons ; que ces déclarations sont corroborées par celle du dirigeant de la société Laser Intertrading qui, dans des procès-verbaux d'audition établis par les services des douanes, reconnaît établir des fausses factures au nom de la société Laser Intertrading à partir du papier à entête de diverses sociétés, pour une marchandise qui n'existe pas , afin d'acheter d'autres métaux au black ; que, de son côté, la société Eurométal, qui reconnaît que des erreurs ont pu être commises dans l'établissement des bons d'entrée en ce qui concerne l'identification du véhicule de transport, ne produit aucun élément précis de nature à justifier de la réalité des livraisons correspondant aux factures comptabilisées ; que, si elle soutient notamment qu'il serait possible de justifier de la réalité des achats en litige par la reconstitution de sa comptabilité matière à partir des bons d'entrée de marchandise, et à supposer qu'une telle reconstitution à postériori à partir de ces seuls bons d'entrée puisse avoir une valeur probante, elle se borne à présenter les résultats, peu utilisables en l'état, du travail qu'elle a effectué à cet égard en ce qui concerne seulement l'aluminium et le seul exercice 2000-2001 ; que si, après avoir soutenu que la société suisse Laser Intertrading avait une réelle activité de commerce de métaux non-ferreux, elle soutient à l'instance qu'il est normal que cette société n'ait pas de moyens de transport et de stockage dans la mesure où elle n'avait qu'une activité de trading , cet argument est en tout état de cause inopérant en l'espèce dans la mesure où les factures en litige correspondent non à des prestations d'intermédiaire mais à des livraisons de marchandises ; que la société requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle n'était pas partie prenante dans le mécanisme de fausses factures dont il est fait état, dès lors que le litige porte sur la réalité des livraisons correspondantes ; que, si elle fait valoir à titre subsidiaire qu'une partie des achats en litige peut être justifiée par la production de deux documents de transport ou lettres de voitures, dits documents CNR , pour des montants de 134 555 francs le 1er juin 1999 et de 240 024 francs le 24 octobre 2000, ces documents, correspondant d'ailleurs à une période antérieure aux exercices en litige, ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme ayant une valeur probante, dès lors qu'ils ne comportent ni la signature du remettant, ni celle du destinataire, ni l'indication d'un montant, et ne sont pas associés à des factures identifiables de manière à permettre de justifier de la livraison correspondante ; qu'ainsi, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant suffisamment établi, sans être utilement contredite par la société requérante, que les charges en litige n'avaient aucune contrepartie sous forme de livraison effective de marchandise ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces charges pour la détermination des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la SAS Eurométal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS EUROMETAL DEVELOPPEMENT et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2011, à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
M. Raisson, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mai 2011.
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N° 08LY02680