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21/04/2011 | FRANCE | N°10LY02733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 21 avril 2011, 10LY02733


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2010, présentée pour M. Abderrahmane A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004153, en date du 28 septembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 16 juin 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui

d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ...

Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2010, présentée pour M. Abderrahmane A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004153, en date du 28 septembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 16 juin 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention salarié au titre de l'admission exceptionnelle au séjour dans le délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 h à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 et du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien ;

- la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2011, présenté par le préfet de l'Ardèche qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'intéressé étant dépourvu du visa de long séjour exigé par l'accord franco-tunisien, il a régulièrement pu refuser le titre de séjour salarié sollicité ;

- il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant la délivrance de la carte de séjour sollicitée alors que l'intéressé dispose d'une promesse d'embauche ;

- le d) de l'article 7 ter de l'accord susmentionné étant entré en vigueur au 1er juillet 2009, M. A ne pouvait se prévaloir, à cette date, d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de 10 ans alors qu'il y est entré en décembre 1999 ;

- en tout état de cause, il n'apporte aucune preuve de sa présence en France entre 2003 et 2006 ;

- par conséquent, il ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle ;

- la demande d'admission exceptionnelle au séjour étant fondée sur la qualité de salarié, il n'était pas tenu d'examiner cette demande au regard de sa vie privée et familiale ;

- en tout état de cause, les circonstances qu'il invoque ne constituent pas des motifs humanitaires ou exceptionnels ;

- le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, il ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité des liens dont il se prévaut en France et ne dispose ni de ressources stables ni de logement fixe ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :

- le rapport de M. Vivens, président ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, est entré sur le territoire français le 19 décembre 1999 sous couvert d'un visa de 30 jours ; qu'il a sollicité, en septembre 2009, une admission exceptionnelle au séjour ; que cette demande a été rejetée le 16 juin 2010 par décision du préfet de l'Ardèche assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant la Tunisie pour pays de destination ; que M. A relève appel du jugement du 28 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête contre ces décisions ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié . (...) ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A est arrivé en France sans être muni d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, circonstance qui justifie, à elle seule, le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ; qu'en outre, si l'intéressé soutient que son embauche au sein d'une entreprise lui permettrait de participer au développement du domaine de l'agriculture biologique, que son employeur est particulièrement impliqué dans la procédure de régularisation et que le Pôle emploi a lui-même donné un avis favorable à sa candidature, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) et qu'aux termes de l'article L. 313-11 dudit code : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ;

Considérant, d'une part, que la situation des ressortissants tunisiens souhaitant bénéficier d'un titre de séjour mention salarié est régie par les stipulations de l'accord bilatéral franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, et que, dans cette mesure, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens de celles des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que les ressortissants tunisiens ne peuvent pas prétendre à la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit cette délivrance au ressortissant étranger susceptible d'exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

Considérant, d'autre part, que si l'intéressé soulève le moyen tiré de ce qu'il aurait droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions combinées du 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 dudit code, il n'apporte pas les précisions suffisantes pour en apprécier son bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 7 ter de l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Tunisie en matière de séjour et de travail modifié : d) reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : - Les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) ;

Considérant que M. A est entré en France en décembre 1999 sous couvert d'un visa court séjour ; que si le document de la Mutualité sociale agricole (MSA) produit, reconstituant sa carrière professionnelle entre le mois de janvier 2000 et le mois de décembre 2009 atteste qu'il a travaillé ponctuellement entre 2000 et 2003 ainsi qu'entre 2006 et 2008, il en ressort toutefois qu'il n'a pas eu d'activité professionnelle en France entre le mois de mars 2003 et janvier 2006 ; que les factures et les attestations produites, qui ne présentent au demeurant pas de garanties d'authenticité suffisantes ne sont pas de nature à démontrer la réalité d'une résidence continue en France de M. A depuis dix ans ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé ne pouvant se prévaloir des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, le préfet de l'Ardèche n'a pas méconnu lesdites stipulations en lui refusant le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il a bâti sa vie privée en France depuis bientôt 10 ans, les documents produits ne permettent pas de l'établir ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'intéressé est entré en France à l'âge de 31 ans et qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à son arrivée en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas illégale, il n'est pas fondé à invoquer l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre des mesures l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abderrahmane A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2011.

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N° 10LY02733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02733
Date de la décision : 21/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Guy VIVENS
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : COUDRAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-21;10ly02733 ?
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