Vu, enregistrée le 18 janvier 2011, la décision n° 330759 en date du 23 décembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, après avoir annulé l'arrêt n°s 07LY00503-07LY01728 du 28 mai 2009 de la Cour, lui renvoie les requêtes présentées pour la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE, dont le siège est 3, rue du Chemin de Fer B.P. 106 - 58001 Nevers Cedex, représentée par son président directeur général en exercice ;
La SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler :
- d'une part, le jugement n° 0503006 du 12 janvier 2007 du Tribunal administratif de Dijon ordonnant une expertise en vue de déterminer si M. Eric A pouvait être tenu pour responsable d'une agression sur son chef de service le 21 mars 2005 ;
- d'autre part, le jugement n° 0509006 du 28 juin 2007 du Tribunal administratif de Dijon annulant la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail de la Nièvre autorisant le licenciement de M. A ainsi que la décision du 28 octobre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant l'autorisation de licenciement de M. A ;
2°) de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre a confirmé la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail de la Nièvre autorisant son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les jugements attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2011, présenté pour la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens, tout en chiffrant à 10 450 euros la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2011 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
Considérant que, par une décision du 13 mai 2005 l'inspecteur du travail de la Nièvre a autorisé la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE à licencier, pour motifs disciplinaires, M. A, délégué syndical Force ouvrière, en raison de manquements à ses obligations professionnelles à l'occasion d'un reportage à la Foire exposition de Nevers, le lundi 21 mars 2005, et des actes de violence commis sur la personne de son rédacteur en chef le même jour ; que l'Union départementale Force Ouvrière de la Nièvre a formé un recours hiérarchique contre cette décision, le 28 juin 2005 ; que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a confirmé la décision de l'inspecteur du travail par une décision expresse en date du 28 octobre 2005 ; que, par la décision susmentionnée du 23 décembre 2010 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n°s 07LY00503-07LY01728 du 28 mai 2009 par lequel la Cour de céans avait rejeté les requêtes de la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE tendant à l'annulation, d'une part, du jugement n° 0503006 du 12 janvier 2007 du Tribunal administratif de Dijon ordonnant une expertise en vue de déterminer si M. A pouvait être tenu pour responsable d'une agression sur son chef de service, le 21 mars 2005 et, d'autre part, du jugement n° 0509006 du 28 juin 2007 du même tribunal administratif annulant la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail de la Nièvre autorisant le licenciement de M. A ainsi que la décision du 28 octobre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant l'autorisation de licenciement de M. A ; que ledit arrêt a été annulé au motif que la Cour avait omis d'examiner le moyen tiré de ce que les premiers juges avaient écarté à tort la fin de non-recevoir que la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE avait opposée à la demande de M. A devant le Tribunal, tirée de ce que la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de ce salarié protégé était devenue définitive à son égard ; que, par la même décision, le Conseil d'Etat a renvoyé à la Cour le jugement des conclusions des requêtes de la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE ;
Sur la régularité des jugements :
Considérant, en premier lieu, que les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire ; qu'ainsi, la demande de M. A, tendant, initialement, à l'annulation d'une décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique formé par l'Union départementale Force Ouvrière de la Nièvre contre la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail de la Nièvre autorisant son licenciement, mais que les premiers juges, à qui il appartenait de donner un effet utile à la demande dont ils étaient saisis, ont regardé à bon droit comme dirigée contre la décision expresse du 28 octobre 2005 par laquelle le ministre a rejeté ledit recours hiérarchique, devait être regardée comme tendant également à l'annulation de la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail ; que, dès lors, le Tribunal administratif de Dijon, en prononçant l'annulation de cette dernière décision et de la décision ministérielle du 28 octobre 2005 n'a pas statué ultra-petita ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le Tribunal administratif de Dijon a considéré, à tort, dans le jugement du 12 janvier 2007, qu'une décision implicite confirmative du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement s'était substituée à la décision initiale de l'inspecteur du travail, il a, par ce motif, écarté la fin de non de recevoir soulevée en première instance par la requérante qui soutenait que la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. A était devenue définitive en l'absence de recours de M. A contre cette décision ; que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis d'écarter cette fin de non recevoir doit, en conséquence, être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, nonobstant la brièveté du délai imparti aux parties après le dépôt, par l'expert désigné par le Tribunal, de son rapport, pour présenter leurs observations sur ledit rapport d'expertise, la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE a produit un mémoire comportant les observations qu'elle entendait faire valoir à la lecture dudit rapport ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit au procès équitable reconnu par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur les fins de non recevoir opposées par la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE aux demandes présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Dijon :
Considérant, en premier lieu, que M. A avait intérêt à demander l'annulation de la décision du 28 octobre 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a confirmé la décision de l'inspecteur du travail autorisant son propre licenciement, nonobstant la circonstance que le recours hiérarchique formé contre cette dernière décision l'avait été par l'Union départementale Force Ouvrière de la Nièvre, agissant en son nom propre, sans justifier d'un mandat du salarié qu'elle avait désigné comme délégué syndical ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas allégué, que la décision du 13 mai 2005 par laquelle l'inspecteur du travail de la Nièvre, sur la demande de la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE, a autorisé le licenciement par celle-ci de M. A, aurait été notifiée à l'intéressé ; que dès lors, elle n'a pu faire courir à son égard le délai du recours contentieux ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE, la demande de M. A, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Dijon le 26 décembre 2005, tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2005 par laquelle le ministre a rejeté le recours hiérarchique formé par l'Union départementale Force Ouvrière de la Nièvre, et qui, ainsi qu'il a été dit, devait être regardée comme tendant également à l'annulation de la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail, n'était pas tardive ;
Sur la légalité des décisions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-45 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 1132-1 dudit code : (...) aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié (...) en raison de son état de santé ou de son handicap. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison, notamment, de son état de santé ou de son handicap, à moins qu'il n'ait été déclaré inapte par le médecin du travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport rédigé par l'expert désigné par le Tribunal administratif de Dijon, que M. A a souffert de troubles du comportement en raison d'une pathologie névrotique grave, qui l'ont conduit à suivre régulièrement une thérapie et à bénéficier d'un traitement médicamenteux comprenant des benzodiazépines ; qu'une addiction à ces produits est survenue en cours de traitement ; que son comportement lors de la journée du 21 mars 2005 peut s'expliquer par un effet paradoxal des benzodiazépines, pouvant survenir brutalement, de manière inattendue et aléatoire, et se manifestant par une modification de l'état de conscience, avec désinhibition des pulsions et du comportement, pouvant conduire à des actes de colère et de violence, la prise d'alcool pouvant être secondaire à cette désinhibition du comportement ; qu'il en ressort également que M. A se trouvait, au moment de ces faits, dans un état neuropsychique ayant très gravement altéré, sinon aboli, son discernement ; qu'ainsi, dès lors que les faits qui étaient reprochés à M. A étaient en rapport avec sa maladie, ce dont il résultait que son employeur ne pouvait le licencier sans avoir fait préalablement constater son inaptitude par le médecin du travail, l'inspecteur du travail ne pouvait autoriser, pour motif disciplinaire, le licenciement de l'intéressé à raison de faits ne pouvant être qualifiés de fautifs, nonobstant le caractère violent du comportement dudit salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Dijon a, d'une part, ordonné une expertise en vue de déterminer si M. A pouvait être tenu pour responsable d'une agression sur son chef de service, le 21 mars 2005 et, d'autre part, annulé la décision du 13 mai 2005 de l'inspecteur du travail de la Nièvre autorisant le licenciement de M. A ensemble la décision du 28 octobre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant l'autorisation de licenciement de M. A ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de ses requêtes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE sont rejetées.
Article 2 : La SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LE JOURNAL DU CENTRE, à M. Eric A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2011, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
M. Seillet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2011.
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