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07/03/2011 | FRANCE | N°10LY01849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 mars 2011, 10LY01849


Vu la requête, enregistrée sous le n° 10LY01849 au greffe de la Cour le 2 août 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002848 du 29 juin 2010, en ce que le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 6 avril 2010 par lequel il a refusé de délivrer à M. Khachatur A, de nationalité arménienne, un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et lui a fait injonction de délivrer une carte de séjour temporai

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Vu la requête, enregistrée sous le n° 10LY01849 au greffe de la Cour le 2 août 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002848 du 29 juin 2010, en ce que le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 6 avril 2010 par lequel il a refusé de délivrer à M. Khachatur A, de nationalité arménienne, un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et lui a fait injonction de délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que le tribunal administratif a commis une omission à statuer sur l'absence d'entrée régulière sur le territoire national, et plus particulièrement sur l'absence de visa long séjour régulier, condition inhérente à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 212-2, et celles du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation sur l'ancienneté de son séjour, sur sa récente vie privée avec son épouse, sur son entrée et son maintien en situation irrégulière sur le territoire française, ainsi que la présence de membres de la famille dans son pays d'origine ; qu'enfin, selon le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'examen fait par le tribunal administratif, la décision portant obligation de quitter le territoire ainsi que celle fixant le pays de destination doivent être regardées comme légales ; que dès lors, le jugement doit être annulé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2010, présenté pour M. Khachatur A, qui conclut au rejet du recours et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il soutient que le moyen tiré de l'omission à statuer est inopérant puisque le tribunal a fondé son annulation sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, par la théorie de l'économie des motifs, il n'avait pas à se prononcer sur les autres moyens ; qu'il soutient que le préfet a méconnu son droit à une vie privée et familiale et qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant en compte toutes les pièces qu'il a joint au dossier ; qu'enfin, concernant le caractère falsifié du visa par lequel le requérant est entré sur le territoire, la faute ne lui est pas imputable du fait de son âge au moment des faits ; qu'ainsi, étant mineur en 2003 , il était irresponsable de cette fraude ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2011 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les observations de Me Zouine, substituant Me Bescou, avocat de M. A ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- La parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens de défense présentés par le PREFET DU RHONE et tirés de ce que M. A s'était rendu coupable d'une fraude caractérisée en présentant un faux visa et que, dès lors, il ne justifiait ni d'une entrée régulière sur le territoire français ni de la possession du visa de long séjour requis des conjoints étrangers de Français en application de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces moyens ne pouvaient être regardés comme inopérants ; que, par suite, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et, pour ce motif, à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. A ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, alors âgé de 16 ans est entré en France en 2003, via Andorre ; que s'il fait état d'une scolarité dans une école privée marseillaise d'enseignement bilingue et au centre culturel ANI de 2003 à 2005, les certificats qu'il a produits ne sont corroborés par aucun relevé de notes ou de délivrance d'un diplôme, que s'agissant de la période comprise entre 2005 et 2009, les éléments produits, pour justifier de sa présence en France de manière continue qui consistent en deux certificats médicaux dépourvus de précisions et une attestation d'une association de la communauté sportive arménienne indiquant qu'il a joué au sein de ce club en 2006/2007 et 2007/2008 constituent des indications assez faibles sur la vie menée par l'intéressé entre 17 et 22 ans ;

Considérant, toutefois, que M. A s'est marié à Décines, le 19 décembre 2009, avec une Française par naturalisation d'origine arménienne, selon un décret du 24 janvier 2007 ; qu'il a produit plusieurs témoignages de proches, selon lesquels l'intéressé a été hébergé chez ses futurs beaux-parents dans le 6ème arrondissement de Lyon à partir des mois de mars/avril 2009 ; qu'il a produit une quittance de loyer à son nom et à celui de sa future épouse, établie le 19 octobre 2009 concernant la location d'un appartement situé à Décines ; que le couple s'est installé définitivement cours Lafayette à Lyon, le 3 mai 2010 ; que M. A a été embauché à compter du 18 mars 2010 par la société de son beau-père en qualité d'ouvrier plaquiste, peintre et carreleur, que le couple justifie d'une vie commune au moins depuis le mois d'octobre 2009 ; qu'ainsi, à la date des décisions attaqués, il est avéré l'existence d'une vie familiale et professionnelle stable ; que, par ailleurs, la mère du requérant a obtenu une carte de séjour d'un an en exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 26 janvier 2010 ; que sa tante maternelle est de nationalité française ; que sa grand-mère est titulaire d'une carte de résident de 10 ans ; qu'il n'est pas contesté que M. A n'a plus d'attaches effectives en Arménie, notamment avec son père, dont il ressort du dossier qu'il ne l'a pas connu ; que, dans ces conditions, même si l'intéressé est entré en France en 2003 sous couvert d'un visa qui s'est avéré être faux, eu égard à l'ensemble des circonstances ci-dessus exposées, la décision refusant la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour porte une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale de M. A par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler cette décision et par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays à destination duquel il devait être reconduit, et de rejeter la requête présentée par le PREFET DU RHONE ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le PREFET DU RHONE délivre un titre de séjour, mention vie privée et familiale à M. A ; qu'il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens en lui assignant un délai de deux mois pour ce faire, à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt ; que dans cette attente, il devra être mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. A tendant au remboursement par l'Etat des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2010 est annulé.

Article 2 : Les décisions du 6 avril 2010 par lesquelles le PREFET DU RHONE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Khachatur A, lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité sont annulées.

Article 3 : La requête n° 10LY01849 du PREFET DU RHONE est rejetée.

Article 4 : Il est enjoint au PREFET DU RHONE de délivrer un titre de séjour, mention vie privée et familiale à M. Khachatur A dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans cette attente, il devra être mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. Khachatur A est rejeté, y compris les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Khachatur GHARIBYAN et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mars 2011

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N° 10LY01849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01849
Date de la décision : 07/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-07;10ly01849 ?
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