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03/03/2011 | FRANCE | N°10LY01350

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 mars 2011, 10LY01350


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001175, en date du 11 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé ses décisions en date du 18 novembre 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Françoise A, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office et, d'autre part, lui a fait injonction de délivrer à cette dernière une carte

de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un dél...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001175, en date du 11 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé ses décisions en date du 18 novembre 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Françoise A, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office et, d'autre part, lui a fait injonction de délivrer à cette dernière une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de Mme A, alors que les décisions attaquées ont été prises après deux avis du médecin-inspecteur de santé publique, qu'aucun certificat médical antérieur aux décisions n'a été produit, que l'intéressée n'a consulté aucun spécialiste, qu'elle ne fournit aucun détail sur son état de santé, que l'attestation de l'ambassade de République Démocratique du Congo qui a été produite, en date du 3 avril 2008, est peu circonstanciée, que la nécessité de la présence à ses côtés de son entourage en France n'est pas établie, que les personnes concernées sont entrées en France plusieurs années avant elle ou plus récemment et qu'elle a neuf enfants en République Démocratique du Congo ;

- ce jugement est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux liens tissés en France par l'intéressée, alors que la demande n'était pas présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les liens de parenté qu'elle allègue avec des personnes vivant en France ne sont pas établis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section administrative d'appel, en date du 1er octobre 2010, par laquelle l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2010, présenté pour Mme A, tendant au rejet de la requête du PREFET DU RHONE et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les décisions du préfet sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où elle vit en France depuis le 6 avril 2002, est veuve depuis 1986 et est venue en France en 2002 suite au meurtre de son fils qui était vigile en France ; que le meurtrier de son fils a été condamné à 20 ans de prison le 11 juillet 2007, suite à un procès d'assise ; qu'elle a été recueillie en France par son beau-fils qu'elle avait élevé comme son propre fils ; que sa fille, Mme Ntumba Yvette Bongonda, est réfugiée en France ; que son fils Guy Bongonda vit également en France ; que son fils défunt avait deux enfants dont un français ; que sa petite fille Rachel Bogonda Botamba vit en France avec une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a quatre enfants dont deux français ; qu'ainsi, ses enfants, petits enfants et arrières-petits enfants vivent en France ; que l'idée qu'elle aurait neuf enfants en République Démocratique du Congo n'est " pas d'actualité " ; que son état de santé est fragile, ainsi que l'a considéré le Tribunal administratif de Lyon ; qu'elle est atteinte de diabète, d'hypertension et d'excès de cholestérol ; que son traitement n'est pas disponible en République Démocratique du Congo ; qu'elle a été opérée des yeux dans l'été 2010 ; qu'elle produit des certificats médicaux et à consulté des spécialistes en cardiologie et endocrinologie ; que, par ailleurs, s'il fallait examiner les autres moyens de sa demande par l'effet dévolutif de l'appel, les décisions en litige sont contraires aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé et au fait que ses enfants résident " principalement " en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2011 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les observations de Me Rodrigues, avocat de Mme A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- La parole ayant été donnée à nouveau à Me Rodrigues, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme Françoise A, ressortissante de la République Démocratique du Congo, née le 24 mars 1939, est entrée régulièrement en France le 6 avril 2002, à l'âge de soixante trois ans, munie d'un visa de court séjour ; qu'alors qu'elle avait demandé la régularisation de sa situation sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DU RHONE a, par un arrêté du 18 novembre 2009, refusé à Mme A la délivrance d'un titre de séjour, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et en prescrivant que l'intéressée soit, à l'issue de ce délai, reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ; que le PREFET DU RHONE fait appel du jugement en date du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ces trois décisions, lui a fait injonction de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est venue en France en 2002, suite au meurtre, le 6 octobre 2001, d'un de ses fils, M. Ebolongo Bugunda, dans l'exercice de ses fonctions de vigile, alors qu'il séjournait régulièrement en France, était marié et avait deux jeunes enfants, dont un né hors mariage de nationalité française, et que ce meurtre a donné lieu à un procès d'assise au terme duquel le meurtrier en fuite a été condamné à vingt années de réclusion criminelle par arrêt du 11 septembre 2007 ; qu'elle ajoute que sa fille, Mme Yvette Nyumba, qui a elle-même une fille ayant acquis la nationalité française, réside en France où elle s'est vue reconnaître le statut de réfugiée ; qu'elle précise, enfin, qu'à la date des décisions attaquées, elle résidait depuis plus de sept ans et demi en France, où elle a été recueillie par un beau-fils, M. Henrys Bongonda Bonfyche, fils de son époux décédé en 1986 et vivant régulièrement en France avec sa famille ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que Mme A n'est pas dépourvue d'attaches familiales en République Démocratique du Congo où résident toujours plusieurs de ses neuf enfants ; qu'en outre, si Mme A a été accueillie en France par son beau-fils, elle n'apporte aucun élément justifiant des liens qu'elle entretient avec les autres membres de sa famille résidant en France ; qu'ainsi, nonobstant la durée du séjour en France de Mme A et sa " santé fragile ", et eu égard aux conditions de ce séjour en France, la décision du PREFET DU RHONE opposant un refus à sa demande de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; que c'est donc à tort que, pour annuler cette décision et, par voie de conséquence les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le Tribunal administratif de Lyon a retenu le motif que cette décision était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen relatif au fait que l'arrêté attaqué du préfet du Rhône serait entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin-inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme A, qui était âgée de soixante-dix ans à la date des décisions attaquées, est atteinte de diabète et d'hypertension ; que, toutefois, par deux avis en date du 7 mai 2008 et du 27 mai 2009, deux médecins-inspecteurs de santé publique ont considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que les soins nécessaires pouvaient être dispensés en République Démocratique du Congo ; que, si les certificats médicaux produits par l'intéressée confirment la gravité des pathologies dont elle souffre, sous forme d'hypertension sévère et de diabète, associés à une cataracte opérée durant l'été 2010, sans préciser toutefois les traitements qui lui sont nécessaires et qui feraient défaut dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces pathologies ne peuvent être traitées dans ledit pays d'origine ; qu'ainsi, les décisions attaquées ne méconnaissent pas les dispositions susmentionnées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, par ailleurs, qu'eu égard à ce qui est indiqué ci-dessus s'agissant des liens familiaux conservés par Mme A en république démocratique du Congo et des conditions de son séjour en France, les décisions attaquées n'ont pas davantage méconnu les dispositions susmentionnées du 11° du même article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 11 mai 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 novembre 2009 refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite à défaut d'obtempérer ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de Mme A, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001175, en date du 11 mai 2010, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mme Françoise A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 3 février 2011, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2011.

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N° 10LY01350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01350
Date de la décision : 03/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-03;10ly01350 ?
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