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03/03/2011 | FRANCE | N°10LY01209

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 mars 2011, 10LY01209


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2010, présentée pour M. Suayip A, domicilié chez M. Nuri Mus, 36 rue Pierre André à Lyon (69009) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907000, en date du 9 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2009, du préfet du Rhône, portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce d

lai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2010, présentée pour M. Suayip A, domicilié chez M. Nuri Mus, 36 rue Pierre André à Lyon (69009) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907000, en date du 9 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2009, du préfet du Rhône, portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le mois suivant la notification du jugement, enfin à ce que la somme de 1 300 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ces décisions du 28 octobre 2009 ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, ou, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer dans le même délai une autorisation provisoire de séjour jusqu'à réinstruction de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 300 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la gravité de son état de santé est établie et une carte d'invalidité au taux de 80 % lui a été délivrée ; il n'y a pas eu d'amélioration de son état depuis qu'une précédente décision lui avait accordé pour ce motif un titre de séjour ; le préfet du Rhône aurait dû préciser les motifs de son revirement à cet égard ; les éléments médicaux antérieurs auraient dû figurer dans son dossier ; la charge de la preuve de la disponibilité dans son pays d'origine du traitement qui lui est nécessaire incombe à l'administration ; il lui serait impossible de bénéficier de façon effective des soins appropriés dans son pays d'origine ; il a besoin de son entourage ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure notamment où il a deux frères en France et y perçoit l'allocation adulte handicapé ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section administrative d'appel, en date du 9 avril 2010, par laquelle a été accordée à M. A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2010, présenté par le préfet du Rhône, tendant au rejet de la requête de M. A ; le préfet fait valoir que la décision refusant un titre de séjour à l'intéressé n'est pas contraire aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A a fait l'objet d'un examen de sa situation particulière ; qu'il peut bénéficier du soutien de sa famille restée en Turquie, notamment de son épouse et de ses quatre enfants ; qu'il n'est pas établi que les soins dont il a besoin ne sont pas possibles en Turquie ; que la décision n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que sa situation sociale, relative notamment à la perception en France de l'allocation adulte handicapé, ne peut être utilement invoquée ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie d'exception ; qu'elle n'est pas contraire aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie d'exception ; qu'elle n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 21 janvier 2011, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2011 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les observations de Me Zouine substituant Me Couderc, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Zouine substituant Me Couderc, avocat de M. A ;

Considérant que M. Suayip A, ressortissant turc, né le 6 janvier 1963, est entré en France le 19 janvier 2001 ; qu'alors qu'il travaillait, en situation irrégulière, en tant que maçon, il a été victime, le 16 septembre 2004, d'un grave accident du travail ; qu'il a obtenu une carte de séjour temporaire, portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 23 janvier 2008 au 22 janvier 2009 ; que, cependant, le préfet du Rhône a, par arrêté du 28 octobre 2009, refusé à M. A le renouvellement de ce titre de séjour, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et en prescrivant que l'intéressé soit, à l'issue de ce délai, reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ; que M. A fait appel du jugement en date du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet du Rhône ;

Sur la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin-inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A présente des séquelles neuro-psychologiques suite à l'accident de travail dont il a été victime en 2004, auxquelles se sont ajoutées des complications infectieuses respiratoires et digestives, et qu'il a obtenu en janvier 2009 une carte d'invalidité au taux de 80 % ; que, cependant, par un avis du 17 juillet 2009, le médecin-inspecteur de santé publique a indiqué que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale (suivi), que le défaut de cette prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et peut voyager vers ce pays " avec son traitement éventuel " ; qu'aucune des pièces produites au dossier ne permet de contredire cet avis, alors que le requérant ne précise pas les traitements qui lui sont actuellement nécessaires et dont il ne pourrait pas effectivement bénéficier en Turquie ; qu'il ne peut, à cet égard, faire valoir utilement que le village dont il est originaire serait situé à 40 kilomètres d'un hôpital ne disposant pas de service spécialisé ; que, s'il invoque le besoin qu'il a de l'aide de son entourage en France, en particulier des deux frères qui y sont installés, en raison de son handicap, et produit des attestations en ce sens, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où sont restés sa concubine et ses quatre enfants ; qu'il ne peut, à cet égard, utilement faire valoir la durée de leur séparation et les conditions d'existence de sa concubine ; que, dans ces conditions, la décision attaquée, prise après un examen particulier de sa situation et compte tenu notamment de l'évolution de sa situation de santé, ne méconnaît pas les dispositions susmentionnées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, si M. A a deux frères en France, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, où sont restés sa concubine et ses quatre enfants ; qu'il ne peut utilement faire valoir que son départ de France le priverait de l'allocation d'adulte handicapé dont il bénéficie depuis son accident ; que, dans ces conditions, nonobstant par ailleurs la durée du séjour en France de M. A et eu égard aux conditions de ce séjour, en situation irrégulière pendant plusieurs années, puis pour des motifs relatifs à son état de santé, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'est ainsi pas contraire aux stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision de refus ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;

Considérant que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français n'a méconnu ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour et de la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces deux décisions ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que M. A fait valoir que, ne pouvant avoir accès en Turquie, de façon effective, aux traitements et soins appropriés à son état de santé, un renvoi dans ce pays occasionnerait pour lui un traitement contraire aux stipulations susmentionnées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour, la décision fixant le pays de destination ne peut, en tout état de cause, être regardée comme contraire auxdites stipulations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Suayip A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 février 2011, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2011.

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N° 10LY01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01209
Date de la décision : 03/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-03;10ly01209 ?
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