Vu la requête enregistrée le 15 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT dont le siège est 55 rue de la Villette à Lyon (69425 cedex 03) ;
La SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701662 du Tribunal administratif de Lyon en date du 9 juillet 2009 en ce qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société MSE, à verser à la commune de Fons une somme de 30 371,22 euros TTC en indemnisation des désordres ayant affecté la station d'épuration dont la société Beture-Cerec, à qui elle succède, a assuré la maîtrise d'oeuvre ;
2°) de rejeter la demande indemnitaire que la commune de Fons a présentée contre elle ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fons une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT soutient que les désordres litigieux sont étrangers à sa mission normalisée de direction de l'exécution des travaux (DET) qui ne s'étend pas à la réalisation d'équipements nécessitant une présence permanente sur le site ; que la réalisation des travaux dans le respect des règles de l'art relève de la responsabilité de la société MSE, chargée des travaux, et de son sous-traitant ; subsidiairement, que les fautes à l'origine des désordres étant imputables à hauteur de 90 % à la société MSE, elle-même ne peut faire l'objet d'une condamnation solidaire à les indemniser en leur totalité ; que la condamnation doit, dès lors, être divise et se limiter, en ce qui la concerne, à 10 % du coût des désordres ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 5 janvier 2010, présenté pour la commune de
Fons (07200) ;
La commune de Fons conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune de Fons soutient qu'il n'est pas établi que la requête d'appel a été enregistrée avant l'épuisement du délai de recours ; qu'en raison de leur nature, les désordres litigieux relèvent de la garantie décennale et sont imputables tant à la société chargée des travaux qu'au maître d'oeuvre ; que la surveillance du respect des règles de l'art relève de la mission DET sans qu'il soit nécessaire de le stipuler expressément ; que la requérante n'élève aucune contestation sur le montant de l'indemnité ;
Vu le mémoire enregistré le 14 décembre 2010 par lequel la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le jugement lui ayant été notifié le 16 juillet 2009, sa requête n'est pas tardive ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 pris pour l'application du I de l'article 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée ;
Vu l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par les maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
- les observations de Me Lachaume, représentant la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT et de Me Ribeyre, représentant la commune de Fons ;
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Lachaume et à Me Ribeyre ;
Sur les conclusions de la requête :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fons :
Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, les constructeurs sont pendant dix ans à compter de la réception, responsables de plein droit des désordres, même résultant d'un vice du sol, apparus postérieurement à la réception qui compromettent la destination de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé ; qu'ils ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en prouvant que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé, que le tassement du remblai servant d'assise à l'ouvrage a entraîné, d'une part, une inversion de la pente du drain d'alimentation du digesteur depuis l'ouvrage d'entrée, provoquant un reflux permanent d'eau polluée vers la dérivation et un affaissement et une mise hors service du dispositif de chasse tandis que le déchaussement de l'enrochement menace la stabilité du lit bactérien ; que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la loi susvisée du 12 juillet 1985 : La mission de maîtrise d'oeuvre que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne privée (...) doit permettre d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme (...) ; qu'aux termes du 6 de l'annexe I à l'arrêté susvisé du 21 décembre 1993 rendu applicable aux ouvrages d'infrastructure par les articles 9 et 25 combinés du décret susvisé du 29 novembre 1993 : La direction du ou des contrats de travaux (...) a pour objet de : (...) s'assurer que l'exécution des travaux est conforme aux prescriptions du ou des contrats de travaux (...) ; qu'aux termes du 9 de la même annexe : Ne sont pas compris, dans les éléments mentionnés ci-dessus, des éléments de mission complémentaires d'assistance, et notamment : (...) le suivi particulier de la mise en oeuvre de certains éléments d'ouvrages nécessitant une présence permanente (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en ce qu'ils ont pour objet de définir dans le respect de la loi du 12 juillet 1985, la mission qu'un maître d'ouvrage public peut confier à un maître d'oeuvre privé, le contenu des éléments normalisés décrits par le décret du 29 novembre 1993 et l'arrêté du 21 décembre 1993 porte sur les prestations qui, à chaque phase de la conception puis de la réalisation, sont nécessaires à la livraison des éléments constitutifs de l'ouvrage, tels que prévu au programme ; qu'ainsi, la direction de l'exécution des travaux (DET) recouvre la surveillance du compactage des mouvements de terre et du jointoiement des enrochements, éléments indispensables à l'assise des équipements d'une station d'épuration implantée à flanc de pente, alors même que cette surveillance nécessiterait une présence constante du titulaire du marché pendant les terrassements, et sans que puisse être utilement invoqué le 9 précité de l'annexe I à l'arrêté du 21 décembre 1993, consacré à des prestations accessoires à la livraison du programme et qui, à ce titre seulement, exclut les missions qui, pour être menées à bien, requerraient une présence constante sur le site ;
Considérant que les affaissements du remblai et les descellements de roches trouvant leur origine dans l'exécution de ces travaux que la société Beture-Cerec avait pour mission de surveiller au titre de l'élément DET, les désordres qui en résultent sont imputables à la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT qui lui succède ;
Considérant, en second lieu, que les désordres lui étant partiellement imputables, la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT ne saurait utilement invoquer les erreurs de l'entreprise chargée de l'exécution des travaux pour s'exonérer de l'obligation solidaire de réparer la totalité des désordres subis par le maître de l'ouvrage au titre de la garantie décennale ou pour demander que soit mise à sa charge une condamnation divise limitée au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal l'a condamnée, solidairement avec la société MSE, à verser à la commune de Fons une somme de 30 371,22 euros TTC ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Fons et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT versera à la commune de Fons une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE POYRY ENVIRONNEMENT, à la commune de Fons et au ministre de l'écologie, du développement
durable, des transports et du logement.
Délibéré après l'audience du 10 février 2011 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2011.
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N° 09LY02184