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03/03/2011 | FRANCE | N°09LY01437

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 mars 2011, 09LY01437


Vu la requête enregistrée le 26 juin 2009, présentée pour la SOCIETE CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES DE LA MEDITERRANNEE (CNIM) dont le siège est 35 rue de Bassano à Paris (75008) ;

La SOCIETE CNIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501101 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 avril 2009 en ce qu'il a limité à 31 433 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2005, le montant de la condamnation du Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme (Sytrad) en indemnisation du préjudice résultant de l'annulation du march

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Vu la requête enregistrée le 26 juin 2009, présentée pour la SOCIETE CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES DE LA MEDITERRANNEE (CNIM) dont le siège est 35 rue de Bassano à Paris (75008) ;

La SOCIETE CNIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501101 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 avril 2009 en ce qu'il a limité à 31 433 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2005, le montant de la condamnation du Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme (Sytrad) en indemnisation du préjudice résultant de l'annulation du marché que ledit établissement avait attribué à la société Abb Alstom Power, à laquelle elle succède, pour la conception, la réalisation et l'exploitation d'une unité de valorisation énergétique des déchets ;

2°) de porter la condamnation du Sytrad, outre intérêts au taux légal, à la somme de 14 407 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du Sytrad une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE CNIM soutient qu'en qualité de titulaire déchue, elle a droit à l'indemnisation des dépenses utiles et de la perte des bénéfices que lui aurait procurés l'exécution du marché ; que les dépenses utiles recouvrant les frais d'études et d'immobilisation de personnel s'élèvent à 2 407 000 euros ; que la somme de 31 433 euros accordée au titre du manque à gagner sur l'exécution de la tranche ferme ne couvre pas les frais engagés pour soumissionner qui doivent pourtant être intégrés dans la marge bénéficiaire ; que le bénéfice qui devait être retiré de l'exécution des deux tranches conditionnelles doit nécessairement être indemnisé dès lors qu'elle disposait d'une chance très sérieuse de voir ces tranches affermies ; que l'affermissement n'était soumis qu'à la délivrance du permis de construire et de l'autorisation d'exploiter au titre des installations classées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 16 novembre 2011, présenté pour le Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme (Sytrad) dont le siège est ZI de la Motte, 7 rue Louis Armand à Portes-les-Valences (26800) ;

Le Sytrad conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'une part, d'annuler le jugement n° 0501101 du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 avril 2009 en ce qu'il l'a condamné à verser à la SOCIETE CNIM la somme de 31 433 euros outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2005, d'autre part, de rejeter la demande présentée par ladite société devant le Tribunal ;

2°) de mettre à la charge de la SOCIETE CNIM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le Sytrad soutient qu'il n'a pas commis de faute en organisant une nouvelle mise en concurrence qui, à cette époque, ne pouvait être regardée comme reposant sur une déclaration d'infructuosité annulée, dès lors qu'un appel avait été interjeté contre le jugement annulant cette déclaration et était toujours pendant ; qu'en outre, le jugement ne lui enjoignait pas d'attribuer le marché en fonction des résultats de la consultation déclarée infructueuse ; que, par suite, il n'a commis aucune faute en recrutant un titulaire selon une nouvelle mise en concurrence ; qu'à défaut de stipulation expresse, le titulaire ne peut bénéficier d'aucune indemnité en cas de non affermissement de la tranche conditionnelle ; que la délivrance des autorisations administratives de construire et d'exploiter n'était pas certaine ; que l'évaluation du manque à gagner ne repose sur aucun élément vérifiable ; que le marché ne lui ayant pas été notifié, le titulaire ne saurait soutenir avoir engagé des dépenses utiles pour son exécution ; qu'en outre, ces dépenses se rapportant à un projet abandonné ne présentent aucune utilité ; que les sommes réclamées de ce chef ne sont appuyées d'aucun élément ;

Vu le mémoire enregistré le 6 février 2011 par lequel la SOCIETE CNIM conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les dépenses engagées pour soumissionner doivent lui être remboursées dès lors qu'elle disposait d'une chance sérieuse d'emporter le marché ; que cette dépense, calculée sur la base du taux d'honoraire afférent à la phase d'avant-projet, atteint 580 944 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Cadoz, représentant la SOCIETE CNIM et de Me Djebbar, représentant le Sytrad ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Cadoz et à Me Djebbar ;

Vu, enregistrée le 14 février 2011, la note en délibéré présentée pour le Sytrad ;

Sur le droit à indemnité de la SOCIETE CNIM :

Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

S'agissant du principe de la responsabilité et de l'appel incident du Sytrad :

Considérant que, quelles qu'aient été les perspectives de réformation, en appel, du jugement du 10 juillet 2000 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble avait annulé les délibérations du conseil syndical en date du 18 novembre 1999 décidant de ne pas donner de suite à l'appel d'offres sur performances relatives à l'unité de valorisation des déchets et de relancer une nouvelle consultation, ces délibérations étaient entachées de détournement de pouvoir ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat, le 18 mars 2005 ; que, par suite et alors même que le jugement de première instance ne prononçait pas de mesure d'injonction d'attribuer le marché en fonction des résultats de la consultation déclarée à tort infructueuse, l'organisation d'une nouvelle mise en concurrence qui a permis au Sytrad de recruter la société Abb Alstom Power aux droits de laquelle vient la SOCIETE CNIM, est constitutive d'une illégalité fautive qui a entraîné, sur déféré préfectoral, l'annulation du marché prononcée le 12 juillet 2001, par le Tribunal ; que les conséquences de cette annulation étant indemnisables, le Sytrad n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal l'a condamné à verser la somme de 31 433 euros outre intérêts, en indemnisation de la perte de bénéfices du titulaire déchu sur la première tranche du marché ;

S'agissant de l'indemnisation des dépenses utiles :

Considérant que le Sytrad ayant abandonné son projet d'ouvrage de traitement thermique des déchets au profit d'un centre de tri sélectif, n'a pu retirer aucun enrichissement des dépenses prétendument engagées par la société Abb Alstom Power à hauteur de 2 407 000 euros ; que, par suite et en tout état de cause, les conclusions tendant à ce que ladite somme soit remboursée à la société requérante doivent être rejetées ;

S'agissant de l'indemnisation de la perte de bénéfices sur les deux tranches conditionnelles :

Considérant que les stipulations du marché laissaient au Sytrad entière liberté d'affermir les deux tranches conditionnelles à l'issue de la phase d'études de la première tranche et ne conditionnaient pas cet affermissement à la seule délivrance des autorisations de construire et d'exploiter la future installation ; que, par suite, la perte des bénéfices qui devaient être retirés de la réalisation de ces deux tranches présente le caractère d'un préjudice éventuel et ne saurait, dès lors, être indemnisée au titre des conséquences de la nullité du marché ;

S'agissant des dépenses qui auraient été engagées pour soumissionner et pour exécuter la tranche ferme :

Considérant, en premier lieu, que selon l'article 2 de l'acte d'engagement du marché frappé de nullité, la tranche ferme d'un montant de 785 821,63 euros HT se limitait à l'établissement des dossiers de demande d'autorisation d'urbanisme et d'exploitation au titre des installations classées, antérieurs aux études techniques détaillées programmées dans la deuxième tranche conditionnelle ; que, par suite, la SOCIETE CNIM n'est pas fondée à soutenir que les études remises pour la présentation de son offre, et dont le Sytrad lui devrait le remboursement, atteindraient une somme de 580 944 euros HT correspondant à la rémunération d'un avant-projet détaillé complet dont l'évaluation repose, en outre, sur l'application d'un barème d'honoraires à des données théoriques qui ne sont pas celles de l'entreprise ;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que le marché signé par le représentant du Sytrad n'a pas été notifié à l'entreprise qui n'avait pas à engager de sa propre initiative les études de la première tranche ; que, dès lors, et à supposer que la somme de 580 944 euros HT recouvre également les études préalables au dépôt des deux autorisations administratives, de telles dépenses ont été engagées du fait de la société Abb Alstom Power ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CNIM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal a limité la condamnation du Sytrad à la somme de 31 433 euros outre intérêts ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE CNIM doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SOCIETE CNIM, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Sytrad et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE CNIM est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE CNIM versera au Sytrad une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du Sytrad est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES DE LA MEDITERRANNEE, au Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 10 février 2011 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2011.

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N° 09LY01437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01437
Date de la décision : 03/03/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-03;09ly01437 ?
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