Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE (Isère) ;
La COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405655 du Tribunal administratif de Grenoble
du 19 mars 2009 qui a déchargé M. A de la participation qui a été mise à sa charge par le permis de construire du 10 mars 1994 ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal ;
3°) de condamner M. A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, qui a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit, la délibération du 9 novembre 1993 s'approprie implicitement mais nécessairement le contenu de l'étude d'aménagement qui a été établie par la DDE de l'Isère, le 1er février 1993 ; qu'en effet, cette délibération vise cette étude et la mise en place du PAE n'a pu se faire qu'avec le concours de l'expertise technique et juridique de la DDE ; que, par ailleurs, ladite délibération s'approprie expressément les termes d'une délibération précédente du 26 mai 1993, qui elle-même s'approprie le contenu des études réalisées par la DDE ; qu'il est fait référence, tant dans la convocation aux élus que dans le compte rendu de la séance, que, du fait du nombre de logements devant être construits, le montant de la participation devrait être d'environ 1 000 francs par m² construit ; que, par un courrier du 19 février 1993, la DDE a été officiellement sollicitée aux fins de mettre en place un PAE permettant de faire financer par les aménageurs et lotisseurs les travaux d'équipement pour la part qui les concerne ; que, par un courrier du 25 février 1993, les propriétaires de la zone ont été informés des projets d'aménagement en cours et, notamment, du fait que l'avant-projet sommaire d'aménagement était consultable en mairie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour M. A, qui demande à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- le Tribunal a considéré à juste titre que la participation exigée était illégale, du fait de l'illégalité de la délibération ayant institué le PAE ; que cette dernière ne mentionne en effet ni la SHON totale susceptible d'être réalisée dans le secteur concerné, ni un montant de participation à la charge des constructeurs par m² de SHON ; que la commune ne peut faire varier la participation selon les projets, au stade des permis de construire ou d'aménager ; que, si la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, qui ne conteste pas ces obligations, se prévaut du fait que le conseil municipal se serait approprié les études de la DDE et que les conseillers municipaux et les propriétaires auraient été informés, l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme garantit l'information des constructeurs et la stabilité des règles les concernant pendant la durée du PAE ; que les seules dispositions opposables sont celles qui résultent de la délibération institutive ;
- en première instance, il a subsidiairement démontré que les équipements publics programmés par la commune n'ont pas été achevés et que l'on se trouvait dans un cas de caducité du PAE, ouvrant droit à restitution, comme prévu par l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme ; que la commune n'a pas contesté que le bouclage de la voie publique programmée au PAE n'a pas été réalisé, comme du reste un certain nombre de réseaux sous voirie ; que la commune reconnaît, au contraire, en appel cette situation ; qu'elle soutient toutefois qu'il a pu néanmoins réaliser son projet et que sa participation a bien été affectée à l'aménagement du secteur ; qu'elle invoque également le fait que les équipements non réalisés ont fait l'objet de participations complémentaires, versées par d'autres aménageurs ou constructeurs ; que, cependant, dans le secteur d'aménagement, les constructeurs contribuent, non pas à la seule réalisation des équipements qui assurent la desserte de leur projet, mais à une partie de l'ensemble des équipements prévus ; que, par suite, ils doivent disposer d'un droit à restitution totale, si l'ensemble des équipements n'a pas été réalisé dans le délai que la commune s'est elle-même imparti ; qu'il a versé une participation de plus de 15 000 euros, pour vivre dans un environnement qui est loin d'offrir les équipements promis ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 4 mai 2010, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mai 2010 ;
Par un courrier du 26 janvier 2011, les parties ont été informées du fait que la Cour envisage de soulever d'office le moyen tiré de l'inapplicabilité en l'espèce de l'article
L. 332-30 du code de l'urbanisme, qui prévoit un taux d'intérêts majoré ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2011 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Bornard, avocat de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHONE, et celles de Me Petit, avocat de M. A ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par un arrêté du 10 mars 1994, le maire de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE a délivré M. A un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation ; que cette autorisation a prévu une participation au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble, pour un montant de 127 680 francs, soit 19 493 euros ; que, par un jugement du 19 mars 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. A de cette participation ; que, la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de la participation :
Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés dans l'intérêt principal des usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Sa délibération fait l'objet d'un affichage en mairie. Une copie de cette délibération est jointe à toute délivrance de certificat d'urbanisme (...) ; qu'aux termes de l'article R. 332-25 du même code : La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent approuvant, en application de l'article L. 332-9, un programme d'aménagement d'ensemble dans un ou plusieurs secteurs qu'elle délimite, accompagnée du document graphique faisant apparaître le ou les périmètres concernés, est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est en outre insérée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. / La délibération prend effet à compter de l'accomplissement de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées à l'alinéa précédent (...) ;
Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme impliquent que soient déterminés avec une précision suffisante tant le coût et les conditions de réalisation du programme d'équipement public que la part de ce coût destinée à être supportée par les constructeurs et, sauf dans l'hypothèse où l'urbanisation ne serait effectuée que par un seul constructeur, les critères permettant de déterminer le montant de la participation exigée de chacun d'eux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la délibération du 9 novembre 1993, par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHONE a approuvé le programme d'aménagement d'ensemble du secteur Le lot-Soulins , indique le coût total de ce programme, de 9 213 270 francs hors taxes, et précise que 95 % de cette somme sera mise à la charge des bénéficiaires d'autorisation de construire, au prorata de la superficie hors oeuvre nette des constructions (SHON), elle ne mentionne ni la SHON totale susceptible d'être réalisée sur le secteur concerné, ni un montant de participation à la charge des constructeurs par mètre carré de SHON ; que, si la commune se prévaut du fait que la délibération du 9 novembre 1993 vise l'étude d'aménagement du 1er février 1993 réalisée par la direction départementale de l'équipement (DDE) de l'Isère, qui mentionne la SHON totale susceptible d'être réalisée, évaluée à 9 100 m², et le coût par mètre carré de SHON, de 960 francs, ladite délibération n'indique pas s'approprier le contenu de cette étude et n'en reprend pas les termes précités ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué, que l'étude du 1er février 1993 aurait été annexée à la délibération et aurait fait l'objet, comme cette dernière, des mesures de publicité prévues par les dispositions précitées de l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que la délibération du 9 novembre 1993 mentionne une délibération antérieure, du 26 mai 1993, qui elle-même s'approprierait le contenu des études réalisées par la DDE, est, de même, sans incidence particulière ; que la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHONE ne peut utilement invoquer les circonstances que les conseillers municipaux auraient été suffisamment informés des critères de répartition de la participation avant de délibérer et que les propriétaires intéressés, et notamment M. A, auraient également été informés de ces critères et auraient eu connaissance du montant de la participation avant la délivrance des autorisations imposant une telle charge au titre du programme d'aménagement d'ensemble ; qu'il s'ensuit que le conseil municipal de cette commune n'a pas fixé avec une précision suffisante, comme il lui appartenait de le faire, les critères permettant de répartir la participation globale entre les différents constructeurs appelés à en supporter les effets ; que, dès lors, la délibération du 9 novembre 1993, qui méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, ne peut servir de fondement légal à la participation qui a été assignée à M. A ;
Sur les intérêts :
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que la somme à restituer à M. A portera intérêt au taux légal, augmenté de cinq points, conformément à ce que prévoit l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de cet article : Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. / (...) Les sommes à rembourser (...) portent intérêt au taux légal majoré de cinq points ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les actions en répétition donnant lieu au versement d'intérêts au taux légal majoré de cinq points sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou de contributions autres que celles dont l'article L. 332-6 du même code dispose qu'elles peuvent, seules, être légalement exigées des bénéficiaires d'autorisation de construire ; que les sommes à restituer, en l'espèce, correspondent à une participation prévue à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dont l'exigibilité auprès des bénéficiaires d'autorisations de construire est prévue par les articles L. 332-6 et L. 332-12 du même code ; qu'ainsi, ces sommes ne peuvent être regardées comme sans cause au sens des dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que le taux d'intérêt appliqué à la somme à restituer par la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE doit être majoré de cinq points ; qu'il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 200 euros au bénéfice de M. A sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il prévoit l'application d'un taux d'intérêt majoré de cinq points à la somme à restituer à M. A.
Article 2 : La COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE versera à M. A une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, et à M. Serge A.
Délibéré après l'audience du 15 février 2011, à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 1er mars 2011.
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N° 09LY01132
mg