Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2009, présentée pour M. Michel C, domicilié ... ;
M. C demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604991 et n° 0803037 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2009 qui, à la demande de M. Jacques-Gilbert A et de Mme Simone A, a annulé le permis de construire en date du 2 juin 2006 et le permis de construire modificatif du 6 février 2008 qui lui ont été délivrés par le maire de la commune de Val-d'Isère, pour la construction de deux chalets ;
2°) de rejeter la demande de M. Jacques-Gilbert A et de Mme Simone A devant le Tribunal administratif ;
3°) de condamner ces derniers à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. C soutient que :
- le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant qu'il ne justifiait pas d'une servitude de passage ; qu'en effet, il n'appartient pas au juge administratif, qui s'en tient à l'apparence de la servitude qui lui est présentée, d'apprécier la validité de l'acte authentique instituant une servitude de passage ; qu'en toute hypothèse, le terrain d'assiette du projet bénéficiait bien, au jour de la délivrance du permis modificatif, d'une servitude de passage, conformément aux dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols ; que le Tribunal n'a pas tenu compte de l'acte complémentaire du 5 février 2008, modifiant la convention du 25 janvier 2008, à la suite duquel l'acceptation de Mmes D, A et E est devenue inutile, en raison du fait que la constitution d'une servitude constitue un simple acte d'administration qui ne requiert que la majorité des 2 / 3 des indivisaires, et non l'unanimité de ces derniers ; que le syndicat des copropriétaires a bien, lors de l'assemblée générale du 16 septembre 2005, accepté l'octroi d'une servitude de passage ; qu'ainsi, l'article UD 3 n'a pas été méconnu ;
- aucun des autres moyens n'est fondé, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif ; que le moyen tiré de ce qu'il ne dispose d'aucune qualité pour déposer la demande de permis de construire manque en droit et en fait ; qu'en effet, conformément à la théorie du propriétaire apparent, l'autorité administrative, qui ne disposait d'aucun élément sérieux, à la date des décisions attaquées, lui permettant de mettre en doute l'existence d'un titre l'habilitant à construire, était tenue de délivrer le permis demandé ; que, de surcroît, il justifie être propriétaire du terrain, jusqu'à une éventuelle décision du Tribunal de grande instance d'Alberville ; que, s'agissant du permis modificatif, le nouvel article R. 431-5 du code de l'urbanisme est plus libéral que l'article R. 421-1-1, applicable aux dossiers déposés avant le 1er octobre 2007 ;
- les demandeurs n'ont pas précisé en quoi la circonstance que le lieu-dit les Glouvinettes serait situé en zone d'avalanches aurait une incidence sur la légalité des permis attaqués ; qu'en tout état de cause, les documents produits ne démontrent aucune erreur manifeste d'appréciation du maire ; que le terrain d'assiette du projet est classé en zone constructible ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2009, présenté pour Mme Simone A et M. Jacques-Gilbert A, qui demandent à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner M. C à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les intimés soutiennent que :
- le terrain d'assiette du projet étant enclavé, le permis de construire initial méconnaît l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols, dès lors qu'à la date de délivrance de ce permis, M. C ne justifiait d'aucune servitude de passage régulièrement constituée ; que la servitude de passage mentionnée par le compromis de vente constitue une condition suspensive, dont la réalisation suspend les effets du compromis lui-même ; que l'existence d'une telle servitude n'a pas été démontrée ;
- la constitution d'une servitude est un acte de disposition, pour lequel le consentement unanime des indivisaires est requis ; que l'acte du 25 janvier 2008 n'a pas été signé par
Mmes D, A et E ou par les ayants droit de ces dernières ; qu'il n'est donc pas régulier, tous les indivisaires n'étant pas présents ou représentés ; qu'en l'absence de consentement unanime des indivisaires, cette convention ne peut être publiée au bureau des hypothèques et ne peut, par suite, produire effet et être opposable aux tiers ; que l'acte du 5 février 2008 ne peut être invoqué par M. C, dès lors que, comme indiqué précédemment, la constitution d'une servitude est un acte de disposition, pour lequel le consentement unanime des indivisaires est requis, et non un acte d'administration ou conservatoire ; que cet acte n'est donc pas régulier en la forme ; que l'irrégularité entachant le permis initial n'a donc pas été couverte ; que l'acte, qui se présente comme un acte authentique, constitue une fraude manifeste ; qu'en outre, le requérant ne justifie pas de l'opposabilité de la convention du 25 janvier 2008 et de l'acte complémentaire du 5 février 2008, dont la publicité n'est pas démontrée ;
- dans l'hypothèse où le titre est contesté, la qualité de propriétaire, même apparent, ne peut être retenue ; que la commune de Val-d'Isère, qui a indiqué, dans ses écritures de première instance, qu'elle avait connaissance du contentieux affectant le titre invoqué pour demander le permis de construire initial et a elle-même déposé plainte pour faux et usage de faux, ne pouvait ignorer les contestations qu'ils ont opposées, quant à la qualité de propriétaire de M. C ; que, de plus, le compromis est totalement irrégulier et constitue un faux ; que, par ailleurs, lors de la substitution de M. C à M. F, il aurait été nécessaire de permettre aux autres indivisaires de préempter ; qu'encore à ce jour, l'indivision est seule propriétaire du terrain ; que la question de propriété posée en l'espèce soulève une difficulté sérieuse, de nature à justifier un renvoi à l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle ; que M. C sera ainsi réputé ne pas avoir eu la qualité pour présenter une demande de permis de construire modificatif ;
- le lieu-dit Les Glouvinettes est situé en zone d'avalanches ; que le projet litigieux est susceptible de renvoyer une avalanche contre le bâtiment de M. A ; que des risques importants pour la sécurité existent donc ;
Vu les mémoires, enregistrés les 18 février et 19 mars 2010, présentés pour
M. C, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Le requérant soutient, en outre, que la constitution d'une servitude au profit du fonds indivis, cadastré C 107, constitue un acte conservatoire qui préserve les droits des autres indivisaires non signataires de la servitude ; que cette constitution, par actes des 28 janvier et 5 février 2008, est donc valable, quand bien même tous les indivisaires n'auraient pas signé ; que cet acte complémentaire a été publié le 18 mars 2008 ; qu'en outre, la parcelle cadastrée C 107 est desservie par un accès direct à la route départementale n° 902 ; que, par suite, la circonstance que le terrain ne bénéficierait d'aucune servitude de passage est sans incidence sur la légalité du permis de construire ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 21 mai 2010, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 juin 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2011 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Boucherie, avocat de la SCP Ballaloud et Aladel représentant M. C, et celles de Me Viard, avocat de M. et Mme A ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- et la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;
Considérant que, à la demande de M. Jacques-Gilbert A et de Mme Simone A, par un jugement du 19 février 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le permis de construire en date du 2 juin 2006 et le permis modificatif du 6 février 2008 qui ont été délivrés à M. C par le maire de la commune de Val-d'Isère, pour la construction de deux chalets ; que M. C relève appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols : Tout terrain enclavé est inconstructible, à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante instituée par acte authentique ou par voie judiciaire en application de l'article 682 du code civil (...) .
Considérant, d'une part, que, si dans le dernier état de ses écritures, M. C fait valoir que le terrain d'assiette du projet, la parcelle cadastrée C 107, n'est pas enclavé, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compromis qui a été passé pour la vente de ce terrain, qui prévoit, comme condition suspensive, la nécessité de constituer une servitude de passage en vue de désenclaver la parcelle , que cette dernière ne dispose d'aucun accès à la route départementale n° 902 ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que, contrairement à ce qu'imposent les dispositions précitées de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols, à la date de délivrance du permis de construire initial du 2 juin 2006, aucune servitude de passage ne permettait de désenclaver la parcelle cadastrée C 107 ; que M. C invoque le fait que le permis modificatif qu'il a obtenu le 6 février 2008 a remédié à cette difficulté, ce permis ayant été obtenu à la suite d'une convention conclue le 25 janvier 2008 ayant pour objet de constituer une servitude de passage sur les parcelles cadastrées C 737 et C 738, au bénéfice de la parcelle en cause ; que, toutefois, cette convention précise elle-même qu'elle ne pourra produire effet qu'après son acceptation expresse par Mmes D, A et E, copropriétaires de la parcelle cadastrée C 107 qui n'ont pas signé ladite convention, et ce par acte authentique complémentaire à établir ultérieurement ; que, si un acte complémentaire a bien été établi, le 5 février 2008, cet acte ne comporte pas l'acceptation expresse ainsi prévue ; que le requérant ne peut utilement faire valoir que le juge administratif ne contrôle pas la validité d'une servitude, dès lors qu'il s'agit, en l'espèce, de vérifier si la servitude requise par les dispositions précitées a bien été obtenue, et non de contrôler sa validité ; qu'enfin, dès lors que ladite convention du 25 janvier 2008 prévoit elle-même, pour sa validité, la nécessité de recueillir les consentements précités, M. C ne peut utilement soutenir que la constitution d'une servitude au profit de la parcelle indivise cadastrée C 107 constituerait un simple acte conservatoire, ou d'administration, qui ne nécessiterait pas l'assentiment de l'unanimité des indivisaires ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les permis de construire attaqués en se fondant sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Val-d'Isère ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Jacques-Gilbert A et Mme Simone A, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer au requérant la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C le versement d'une somme de 600 euros au bénéfice de M. Jacques-Gilbert A, et la même somme au profit de Mme Simone A, sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C est rejetée.
Article 2 : M. C versera, d'une part, à M. Jacques-Gilbert A, d'autre part, à Mme Simone A, une somme de 600 euros à chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel C, à M. Jacques A, et à Mme Simone A.
Délibéré après l'audience du 15 février 2011, à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 1er mars 2011.
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N° 09LY00883
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