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17/02/2011 | FRANCE | N°09LY02241

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 17 février 2011, 09LY02241


Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2009, ensemble le mémoire rectificatif enregistré le 27 janvier 2010, présentés pour la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, représentée par son liquidateur amiable, Me Raphaël PETAVY, domiciliée 29 boulevard Berthelot à Chamalieres (63400) ;

La SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 081129, en date du 30 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Clermont-Ferrand et le syndicat mixte des transports en co

mmun de l'agglomération clermontoise (SMTC) soient solidairement condamnés ...

Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2009, ensemble le mémoire rectificatif enregistré le 27 janvier 2010, présentés pour la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, représentée par son liquidateur amiable, Me Raphaël PETAVY, domiciliée 29 boulevard Berthelot à Chamalieres (63400) ;

La SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 081129, en date du 30 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Clermont-Ferrand et le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) soient solidairement condamnés à lui verser une somme totale de 332 065,59 euros ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Clermont-Ferrand et du SMTC une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle établit la gêne subie dans l'accès à son établissement du fait des travaux, ainsi que la baisse de ses recettes qui en découle ;

- le préjudice est en outre supérieur à celui évalué par l'expert, dans la mesure notamment où le prix de vente de l'officine a également été affecté ;

- tant la commune que le SMTC sont responsables solidairement, même sans faute, des préjudices causés par les travaux qu'ils ont réalisés ;

- elle a bien subi un préjudice anormal et spécial, alors même que l'accès à l'officine n'a jamais été rendu impossible ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2010, présenté pour le SMTC ; il conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la baisse des recettes, qu'il ne conteste pas, serait intégralement imputable aux seuls travaux ; la mévente de l'officine est, quant à elle, sans lien avec eux ;

- le préjudice ne peut être regardé comme anormal ; il n'est pas davantage spécial ;

- subsidiairement, le préjudice ne peut davantage être regardé comme causé par les travaux, les pertes subies s'expliquant largement par l'environnement concurrentiel exacerbé ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2010, présenté pour la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que le seul fait que d'autres circonstances aient pu contribuer à son préjudice ne suffit pas pour écarter tout lien de causalité entre les travaux et la baisse des recettes ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2010, présenté pour le SMTC ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il ajoute que les travaux ne peuvent être regardés comme la cause directe et déterminante des difficultés de la pharmacie, ce qu'il aurait appartenu à la requérante d'établir ;

Vu le courrier, enregistré le 30 juin 2010, présenté pour la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC ; elle indique ne pas avoir d'observations nouvelles à présenter ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2010, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand ; elle conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement, à ce que sa condamnation soit limitée à une somme n'excédant pas 10 % du montant de la condamnation totale ;

- à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les travaux qu'elle a réalisés n'ont pu avoir aucune incidence sur le fonctionnement de la pharmacie ; elle doit donc en toute hypothèse être mise hors de cause ;

- subsidiairement, si sa responsabilité était retenue, cela ne pourrait être que pour un part tout à fait minime ;

- en tout état de cause, le préjudice ne peut être regardé comme anormal et spécial ;

- au demeurant, la perte de recettes est essentiellement imputable à la concurrence d'autres officines ; la mévente de la pharmacie est quant à elle sans lien avec les travaux ;

- au surplus, durant la période de réalisation de travaux par elle, le chiffre d'affaires de la pharmacie a en réalité augmenté ;

- le montant du préjudice allégué n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er février 2011, produite pour le SMTC ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2011 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Grange, avocat de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, et de Me Michelin, avocat du SMTC ;

- les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

- et les nouvelles observations de Me Grange, avocat de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, et de Me Michelin, avocat du SMTC ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, qui tendait à ce que la commune de Clermont-Ferrand et le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) soient solidairement condamnés à lui verser une somme totale de 332 065,59 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de travaux réalisés entre février 2004 et juin 2006 pour la construction d'une ligne de tramway ;

Sur les conclusions indemnitaires de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC :

Considérant que l'officine pharmaceutique exploitée par la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC est située au n° 13 de la place Delille, à Clermont-Ferrand ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges qu'un ensemble de travaux ont été réalisés entre 2004 et 2006 dans les rues environnantes, d'une part par la commune de Clermont-Ferrand, qui est en particulier intervenue sur les réseaux d'eau et d'assainissement de la rue Claussmann et de la place d'Espagne, d'autre part par le SMTC pour la construction d'une ligne de tramway, en particulier dans la rue Montlosier, dans l'avenue Couthon et sur la place Delille elle-même ; que la SNC requérante soutient que ces travaux ont entraîné pour elle une perte de recettes et de clientèle, et ont en outre affecté la valeur vénale de son officine, qu'elle a vendue en août 2006 à un prix qu'elle juge insuffisant, imputant cette mévente à la baisse de son chiffre d'affaires résultant des travaux ;

Considérant, en premier lieu, que l'expert a déterminé l'évolution du chiffre d'affaires de l'officine pharmaceutique au regard d'une période de référence, choisie en neutralisant l'incidence de tous facteurs autres que les travaux ; qu'il ressort tout d'abord des conclusions de l'expert ainsi que des données qu'il a réunies qu'une première série de travaux, réalisés jusqu'en janvier-février 2005, essentiellement dans les rues adjacentes, n'ont pas eu d'impact clairement négatif sur les résultats de l'officine exploitée par la SNC requérante, dont les résultats ont même sensiblement augmenté entre mars et juin 2004 par rapport à l'année de référence ; qu'en revanche, une seconde série de travaux, réalisés à partir de mars-avril 2005, essentiellement sur la place Delille elle-même, ont abouti à des gênes certaines de la circulation des piétons sur le côté de la place où se situe l'officine, alors que les deux autres officines de la place ne connaissaient pas de gêne équivalente ; que l'expert constate que cette situation a entraîné pour elle une perte importante de marge, imputable aux travaux ; que cette perte est la conséquence d'une baisse sensible et continue de son chiffre d'affaires entre avril 2005 et juin 2006, par rapport à la période précédant les travaux ; que, compte tenu de la localisation à proximité immédiate de la pharmacie et de la durée de ces travaux, ainsi que de l'importance de cette perte, ce préjudice doit être regardé comme étant anormal et spécial ; qu'aucun autre préjudice lié à l'exploitation de la pharmacie n'est en revanche établi ; que, s'agissant du montant du préjudice, si l'expert évalue la perte de marge à un montant total de 105 000 euros, il intègre, d'une part des pertes antérieures à avril 2005, d'autre part des pertes postérieures à l'achèvement des travaux ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice indemnisable en le fixant à un montant de 90 000 euros ; qu'il y a dès lors lieu de condamner solidairement le SMTC et la commune de Clermont-Ferrand à indemniser la SNC requérante dans cette mesure ;

Considérant, en second lieu, que l'expert expose que la vente de l'officine, réalisée après l'achèvement des travaux, s'est faite à un prix qui correspond au prix de marché, l'acquéreur ayant manifestement pris en compte l'arrivée à leur terme des nuisances ; qu'il souligne qu'aucun élément ne justifie une rectification de prix ; qu'aucun préjudice n'est ainsi établi de ce fait ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé par les premiers juges à la charge solidaire du SMTC et de la commune de Clermont-Ferrand ;

Sur les conclusions subsidiaires de la commune de Clermont-Ferrand :

Considérant qu'en demandant que sa condamnation soit limitée à une somme n'excédant pas 10 % du montant de la condamnation totale , la commune de Clermont-Ferrand doit être regardée comme demandant à être garantie par le SMTC à hauteur de 90 % des condamnations prononcées contre elle ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il est au demeurant constant que les préjudices subis par la SNC requérante résultent essentiellement des travaux effectués pour les besoins de la réalisation d'une ligne de tramway, travaux réalisés sous la responsabilité du SMTC, les travaux réalisés par la commune n'ayant eu pour leur part qu'une incidence très limitée ; que les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Clermont-Ferrand doivent ainsi être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas condamné solidairement le SMTC et la commune de Clermont-Ferrand à lui verser une somme de 90 000 euros ; que la commune de Clermont-Ferrand est pour sa part fondée à demander à être garantie par le SMTC à hauteur de 90 % du montant des condamnations prononcées contre elle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge solidaire du SMTC et de la commune de Clermont-Ferrand une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, qui n'est pas tenue aux dépens et qui n'est pas partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par le SMTC et par la commune de Clermont-Ferrand et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 30 juin 2009 est annulé.

Article 2 : Le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) et la commune de Clermont-Ferrand sont solidairement condamnés à verser à la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC une somme de 90 000 euros.

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge solidaire du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) et de la commune de Clermont-Ferrand.

Article 4 : Le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) garantira la commune de Clermont-Ferrand à hauteur de 90 % des condamnations prononcées contre elle.

Article 5 : Le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) et la commune de Clermont-Ferrand sont solidairement condamnés à verser à la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Clermont-Ferrand et par le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC GRANDE PHARMACIE SARRET-AUNAC, à Me Raphaël PETAVY, au syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (SMTC), à la commune de Clermont-Ferrand et à M. Patrick Wolff, expert. Copie en sera adressée au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 février 2011.

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N° 09LY02241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02241
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP MICHEL - ARSAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-17;09ly02241 ?
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