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03/02/2011 | FRANCE | N°09LY00388

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 09LY00388


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ...;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0706125 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier d'Aubenas à leur verser la somme de 63 092 euros en réparation des préjudices subis par leur fille Suzanne, en tant qu'il a procédé à une estimation insuffisante de ces préjudices ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative ;

Ils soutiennent que :

-le Tribunal a commis une erreur de d...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ...;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0706125 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier d'Aubenas à leur verser la somme de 63 092 euros en réparation des préjudices subis par leur fille Suzanne, en tant qu'il a procédé à une estimation insuffisante de ces préjudices ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

-le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant d'indemniser le recours à une tierce personne ;

- pendant sa longue période d'hospitalisation, Suzanne a subi un préjudice d'agrément considérable ;

- les souffrances ont été intenses et le préjudice esthétique considérable ;

- le déficit fonctionnel permanent, non encore consolidé, justifie une provision ;

- le préjudice moral de l'enfant a été sous-estimé ;

- les parents et les frères et soeurs ont subi un préjudice moral certain ; M. et Mme A ont subi un préjudice économique, du fait de la maladie de Mme A consécutive aux ennuis de santé de sa fille ; que de son côté, M. A a dû renoncer à exercer une activité professionnelle pour s'occuper de l'enfant ;

Vu, enregistré le 19 avril 2010, un mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier d'Aubenas, tendant à titre principal à l'annulation du jugement et, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise soit prescrite ;

Il soutient que :

- le pourcentage de perte de chance de 70 % ne se justifie pas en raison des incertitudes sur l'évolution de l'état de santé de l'enfant ; le jugement n'a pas tenu compte de la part imputable à l'infection ;

- les frais de personnel ne peuvent être remboursés que s'ils sont justifiés ;

- les troubles dans les conditions d'existence de l'enfant n'ont eu qu'un caractère temporaire ; l'existence d'un trouble psychologique n'est pas établie ;

- les souffrances étaient inévitables, de même que le préjudice esthétique ;

- en l'absence de consolidation, il n'est pas possible d'évaluer le taux d'incapacité permanente ;

- les indemnités allouées aux parents et frères et soeurs sont généreuses ;

- Mme A ne critique pas utilement le jugement sur l'absence de perte de revenus et le préjudice économique invoqué par M .A n'est pas justifié ;

- les frais invoqués par la Caisse ne sont pas la conséquence certaine et directe de la faute ;

Vu, enregistré le 11 août 2010, un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, tendant à la réformation du jugement en tant qu'il limite sa créance à 70 % des soins ;

Elle soutient que tous les soins sont en lien direct avec la faute de l'hôpital ;

Vu, enregistré le 18 novembre 2010, un nouveau mémoire présenté par M. et Mme A, tendant aux mêmes fins que leur requête, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que le 13 juillet 2002, la jeune Suzanne A, fillette âgée de 3 ans présentant une trisomie 21, a développé une varicelle associée à un syndrome fébrile ; que devant la persistance de ce syndrome et l'apparition de zones ecchymotiques sur le corps, l'enfant a été conduite, le 19 juillet, au centre hospitalier d'Aubenas où le pédiatre qui l'a examinée a diagnostiqué une pharingite et prescrit un traitement antibiotique ; qu'un bilan biologique réalisé le 20 au matin a cependant mis en évidence une aggravation du syndrome infectieux, les médecins suspectant une fasciite nécrosante ; que l'enfant a été transférée au cours de l'après-midi dans le service de réanimation de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon et a subi en urgence une intervention chirurgicale destinée à exciser les tissus nécrotiques, le diagnostic de fasciite nécrosante étant confirmé ; qu'une reprise chirurgicale des tissus a eu lieu quarante- huit heures plus tard, suivie d'une troisième intervention pour une greffe cutanée du dos et de la cuisse ; que par jugement du 16 décembre 2008, le Tribunal administratif de Lyon a reconnu la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Aubenas et l'a condamné à réparer les préjudices directement causés par cette faute dans la limite de 70 % du dommage ; que par la voie de l'appel principal, les consorts A demandent la réformation du jugement en tant que le Tribunal a sous-estimé leurs préjudices ; que par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Aubenas, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, critique l'évaluation des préjudices retenue par le Tribunal et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche demande le remboursement de la totalité du montant de ses débours ;

Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le transfert tardif de l'enfant dans le service de réanimation de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon est à l'origine d'une atteinte cutanée plus importante que si elle avait été transférée dès le 19 juillet dans l'après-midi, mais qu'un transfert plus précoce n'aurait pas empêché la survenue de la fasciite nécrosante déjà installée ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur l'incidence précise de ce retard sur l'état de l'enfant Suzanne et sur l'ampleur de la chance qu'elle a perdue d'échapper à ces séquelles du fait de son transfert avec un jour de retard ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les conséquences pour l'enfant de sa prise en charge tardive dans le service de réanimation de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon et de chiffrer la perte de chance pour Suzanne d'éviter que le dommage corporel dont elle est atteinte soit advenu du fait de ce retard ;

DÉCIDE :

.

Article 1er : Il sera avant de statuer sur la demande de M. et Mme A procédé à une expertise aux fins de :

1- déterminer les conséquences sur l'état de l'enfant Suzanne du retard de vingt-quatre heures de transfert dans le service de réanimation de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon et de chiffrer le taux de perte de chance que ce retard a entraîné pour Suzanne d'échapper aux séquelles qu'elle conserve.

2- fixer la date de la consolidation de son état de santé imputable à la faute du centre hospitalier d'Aubenas ainsi que le taux définitif ou provisoire de l'incapacité permanente partielle résultant de cette faute.

3- dire si son état de santé a nécessité et nécessite encore, pour la pose des appareillages, l'aide d'une tierce personne à domicile, et, dans l'affirmative, préciser pour quelle durée.

4- déterminer la durée de l'incapacité temporaire totale que l'enfant a subie, de préciser l'importance des troubles dans les conditions d'existence de la fillette et de ses parents et de déterminer l'importance des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément, et, le cas échéant, de produire tous éléments complémentaires utiles compte tenu des constatations.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera Suzanne A, se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, le rapport de l'expertise prescrite par le tribunal administratif ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants ou s'adjoindre le concours de tout sapiteur de son choix. Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A, au centre hospitalier universitaire d'Aubenas et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N° 09LY00388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00388
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SELARL COUBRIS COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;09ly00388 ?
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