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03/02/2011 | FRANCE | N°09LY00087

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 09LY00087


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 janvier 2009, présentée pour M. Roger A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604492, en date du 25 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somm

e de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A sout...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 janvier 2009, présentée pour M. Roger A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604492, en date du 25 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- le Tribunal et l'administration ont commis une erreur dans l'interprétation des articles du code civil et du code général des impôts, tout en dénaturant l'intention des parties ; en effet, d'une part, le bail à construction entraîne un démembrement de propriété avec création d'un droit réel immobilier pour le preneur, le bailleur conservant la propriété du tréfonds ; de ce fait, l'accession à la propriété du bailleur a lieu à l'expiration du bail, sauf convention contraire, et, pendant toute la durée du bail, le bailleur ne dispose d'aucun droit sur les constructions édifiées par le preneur ; en conséquence, toute cession de l'ensemble immobilier qui intervient avant l'expiration du bail a pour effet de mettre fin au bail du fait de la confusion qui s'opère sur la tête d'un tiers acquéreur après ladite cession ; chaque cédant vend respectivement les droits qu'il possède, à savoir, pour le bailleur, le terrain et les droits à l'accession juridiquement attachés à celui-ci et, pour le preneur, le bâtiment qu'il a édifié, de sorte qu'on est face à deux cédants et un unique acquéreur ; d'autre part, le bailleur ne peut pas avoir fictivement acquis l'entière propriété des constructions du fait d'une prétendue "résiliation" anticipée du bail, avant de les céder ; on est face à une opération de "confusion" telle que définie par l'article 1300 du code civil et non face à une "résiliation" comme le soutient l'administration fiscale ; de plus, les dispositions de l'article 546 du code civil créent un droit d'accession à son profit ; les constructions ne peuvent pas être taxées au nom de la SCI La Colombière, puisque le fait générateur, à savoir le retour des constructions dans son patrimoine, n'est pas survenu ; en tout état de cause, il n'y a pas de revenus fonciers ;

- en procédant au dégrèvement des redressements afférents à la plus-value générée à l'occasion de la même opération, l'administration a reconnu que la SCI La Colombière a cédé ses droits d'accession sur les constructions, nés à la date de conclusion du bail à construction et donc également exonérés du fait du délai de détention ;

- la notification de redressement relative aux revenus fonciers est irrégulière puisqu'elle ne respecte pas les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui obligent l'administration à motiver toute notification de redressement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de M. A ;

Il soutient que :

- lors de la cession simultanée des droits du bailleur et du preneur à un même acquéreur, quelques mois avant la fin du bail à construction, les parties ont entendu procéder à la résiliation du bail à construction simultanément à la vente des biens immobiliers ; en conséquence, le bail à construction consenti par la SCI La Colombière à la SA Chanut, conclu pour vingt-trois ans et un mois, a été résilié à l'issue de vingt-deux ans et quatre mois ; cette résiliation anticipée du bail a eu nécessairement pour effet le retour anticipé des constructions dans le patrimoine du bailleur ; la circonstance, invoquée par le contribuable, selon laquelle le bail se serait trouvé éteint par confusion en la personne du preneur des qualités de bailleur et de preneur est sans incidence sur l'application des article 33 bis et 33 ter du code général des impôts ;

- le fait générateur de l'impôt est constitué au moment de la résiliation du bail à construction et seule la poursuite du bail à construction après la vente du bien donné à bail peut justifier l'absence de revenu foncier, puisque le fait générateur ne se serait pas produit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- la proposition de rectification envoyée à M. A est motivée dans la mesure où l'administration y a joint la lettre n° 3924 adressée à la société et que celle-ci comporte les considérations de droit et de fait de nature à justifier les redressements notifiés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 octobre 2009, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires qu'entre le bailleur et le preneur un loyer normal avait été fixé et que, par conséquent, le prix du bail n'a jamais consisté en la remise au bailleur de tout ou partie de l'immeuble ; que l'avantage résultant du transfert prévu par le bail n'a pas été appréhendé par le bailleur qui a vendu l'immeuble avant l'expiration du bail ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2011 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les observations de Me Gibert, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Gibert, avocat de M. A ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ;

Considérant que, si M. A soutient que la notification de redressement qui lui a été adressée était insuffisamment motivée, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a annexé à cette notification de redressement une copie de la lettre n° 3924 adressée à la société et explicitant en droit et en fait les motifs des redressements ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que la notification de redressement relative aux revenus fonciers n'est pas suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que, par acte du 20 janvier 1978, la SCI La Colombière, dont M. Roger A est le seul associé, a consenti un bail à construction, pour une durée fixée initialement à vingt ans à compter du 1er janvier 1978, à la SA Etablissements Chanut, elle-même détenue à 99 % par M. A, sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Andrézieux-Bouthéon (Loire), à charge pour cette dernière d'y édifier un immeuble à usage d'entrepôt d'une superficie totale de 2 367 m2 ; que ce bail stipulait que " les constructions édifiées et tous travaux et aménagements effectués par le preneur resteront sa propriété et celle de ses ayants cause pendant toute la durée du présent bail à construction. A l'expiration du bail par arrivée du terme ou résiliation amiable ou judiciaire, toutes les constructions édifiées par le preneur ou ses ayants cause, tous les aménagements réalisés par le preneur sur le terrain loué, ainsi que toutes les améliorations de quelque nature qu'elles soient, deviendront de plein droit la propriété du bailleur sans que cette accession ait besoin d'être constatée par un acte " ; que, par avenant au bail intervenu en 1982, à l'occasion d'une extension de la construction et d'une augmentation du loyer de 20 000 à 40 000 francs par an, l'expiration normale du bail a été fixée au 31 décembre 2000 ; que, peu avant cette date, par acte du 7 avril 2000, le preneur, la SA Etablissements Chanut, a cédé à la SCI La Stéphanoise, pour le prix de 57 003 euros, " les biens et droits acquis par ladite société sur un bâtiment à usage d'entrepôt et de surface commerciale d'une surface actuelle de 4 100 m2 érigé sur le terrain ... appartenant à la SCI La Colombière " ; que, par le même acte, le bailleur, la SCI La Colombière, a cédé également à la SCI La Stéphanoise le terrain concerné, ainsi que les droits au bail sur le bâtiment érigé par la SA Etablissements Chanut, aux prix de, respectivement, 167 794 euros et 1 254 059 euros ; que l'administration a estimé que cette cession simultanée des droits du bailleur et du preneur à un même acquéreur avait entraîné la résiliation anticipée du bail à construction et, en conséquence, la remise gratuite des constructions au bailleur, et a, en application des dispositions combinées des article 33 bis et 33 ter du code général des impôts, réintégré dans les revenus fonciers de la SCI La Colombière la valeur desdites constructions affectée de l'abattement forfaitaire applicable, soit la somme de 2 911 004 francs ; que M. Roger A, seul associé de cette société et soumis personnellement à l'impôt sur le revenu pour les bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans cette société, conteste tant le principe de cette imposition que ses modalités de calcul ;

Considérant qu'aux termes de l'article 33 bis du code général des impôts : " (...) les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix d'un bail à construction passé dans les conditions prévues par les articles L. 251-1 à L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation, ont le caractère de revenus fonciers au sens de l'article 14 (...) " ; qu'aux termes de l'article 33 ter du même code : " I. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 251-5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze années ou exercices suivants. En cas de cession des biens, la partie du revenu visé au premier alinéa qui n'aurait pas encore été taxée est rattachée aux revenus de l'année ou de l'exercice de la cession. Le cédant peut, toutefois, demander le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A. (...). II. Les dispositions du I s'appliquent également aux constructions revenant sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 251-2 du code de la construction et de l'habitation : " Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 251-5 du même code : " Le prix du bail peut consister, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates et dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'acte de vente du 7 avril 2000 et notamment des prix convenus pour la cession de la propriété du terrain et des constructions dont il s'agit, que, alors même que ledit acte précisait que les parties entendaient " vouloir que, par suite de la vente du bâtiment et du terrain d'assise de ce bâtiment, au profit du même acquéreur, le bail à construction s'éteigne par confusion ", la SCI La Colombière et la SA Etablissements Chanut ont nécessairement procédé à la résiliation du bail à construction simultanément à la vente de ces biens immobiliers et qu'ainsi, à la date de cette cession, la SCI La Colombière a bénéficié, en paiement du bail à construction, de la remise des constructions édifiées sur le terrain donné à bail ; que dans ces conditions et alors que les loyers payés par le preneur au bailleur pendant toute la durée du bail étaient nécessairement calculés en fonction du fait que les bâtiments devaient, en fin de bail, entrer dans le patrimoine de la SCI la Colombière, c'est par une exacte application des dispositions précitées de la loi fiscale que l'administration a réintégré dans les revenus de la SCI La Colombière la valeur des constructions édifiées par la SA Etablissements Chanut et a, dans la catégorie des revenus fonciers et au titre de l'année 2000, imposé le requérant à raison de ce revenu ;

Considérant, en second lieu, que, si M. A fait valoir que l'administration a procédé, en cours de première instance, au dégrèvement des redressements afférents à la plus-value générée par la même opération et à supposer qu'il entende ainsi invoquer une prise de position formelle de l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ce dégrèvement, qui n'a donné lieu à aucune motivation, ne peut en tout état de cause constituer une prise de position formelle de l'administration au sens de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme de 3 000 euros qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2011, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N° 09LY00087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00087
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : SOCIETE FISCAVOC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;09ly00087 ?
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