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01/02/2011 | FRANCE | N°10LY01967

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 01 février 2011, 10LY01967


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 août 2010 et régularisée le 16 août 2010, présentée pour M. Christian Landry A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004178 en date du 13 juillet 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2010, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière, et des décisions du même jour fixant le pays

de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 août 2010 et régularisée le 16 août 2010, présentée pour M. Christian Landry A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004178 en date du 13 juillet 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2010, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière, et des décisions du même jour fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale l'autorisant à travailler, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 204,04 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'arrêté du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le premier juge a commis une erreur de droit et des erreurs de fait en jugeant qu'il ne versait pas de pension alimentaire et que la preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant français et de la régularité de son droit de visite et d'hébergement n'était pas apportée ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, entérinée par le premier juge, en refusant de régulariser sa situation, eu égard à l'intensité des liens qu'il a noués en France ; qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative sont illégales du fait de l'illégalité de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière sur lequel elles se fondent ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les observations de Me Hovasse, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Hovasse ;

Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité camerounaise, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, par une décision du préfet de l'Isère en date du 9 avril 2009 ; que cette mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2009, devenu définitif, était exécutoire le 9 juillet 2010 ; qu'à cette date, le requérant entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a, de son union avec une ressortissante française, une fille, Kenza, née en France le 12 septembre 1996, qu'il a reconnue le 3 février 1999 ; que, par jugement du 26 juin 2006, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Lyon a décidé que les parents exerceraient en commun l'autorité parentale sur celle-ci, et que, sa résidence habituelle étant fixée chez la mère, le père exercerait son droit de visite et d'hébergement à l'amiable, et constaté que celui-ci n'était pas alors en mesure de verser une pension alimentaire au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, en l'absence de revenus ; que M. A soutient qu'il s'occupe régulièrement de sa fille Kenza et fait valoir que, par arrêt du 30 janvier 2007, la Cour d'appel de Paris l'a relevé de l'interdiction du territoire français dont il était l'objet aux motifs que, s'il n'a pas été régulièrement présent auprès de l'enfant Kenza depuis la reconnaissance, il a multiplié récemment les démarches tendant à ce que soient judiciairement reconnus sa place et son rôle de père et qu'il paraît s'inscrire dans une relation régulière avec l'enfant ; que, toutefois, M. A n'établit pas, par les pièces qu'il produit, et notamment des factures et des tickets de caisse relatifs à des fournitures scolaires, des vêtements pour enfant et des meubles, un mandat de 60 euros adressé à la mère de l'enfant le 29 juin 2010, ainsi que des attestations de proches et de son enfant certifiant qu'il s'occupe de celle-ci les week-ends et lors des vacances scolaires en alternance avec sa mère, avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance, en 1996, ou depuis au moins deux ans à la date de la décision en litige ; que, par suite, cette décision ne méconnaît pas les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la mesure d'éloignement au regard des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du même code ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir, outre le fait qu'il est le père d'un enfant français et qu'il contribue à son entretien et à son éducation, qu'il est entré sur le territoire français pour la première fois en 1990 à l'âge de 15 ans, qu'il y séjourne habituellement depuis cette date, à l'exception de deux reconduites à la frontière en 1997 et 2004, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française et qu'il disposait d'une promesse d'embauche en qualité de soudeur en 2008, qui témoigne de son effort d'intégration au sein de la société française ; que, toutefois, comme il a été dit plus haut, il n'établit pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant français à la date de la décision contestée ; qu'il n'est pas contesté qu'il est également père de deux enfants mineurs au Cameroun ; qu'il ne ressort pas des autres pièces du dossier que M. A, qui a été condamné à plusieurs reprises entre 1997 et 2010 par des juridictions pénales pour recel de bien provenant d'un vol, escroquerie, faux et usage de faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, usurpation d'identité et violence par conjoint ou concubin, serait bien intégré en France ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la mesure d'éloignement au regard des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A n'établit pas avoir des contacts suffisamment stables et anciens avec son enfant français ; que, par suite, les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant en décidant de le reconduire à la frontière n'ont pas été méconnues ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, les moyens invoqués à l'encontre des décisions susmentionnées et tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian Landry A, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Lu en audience publique, le 1er février 2011.

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N° 10LY01967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01967
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : UROZ PRALIAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-01;10ly01967 ?
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