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01/02/2011 | FRANCE | N°10LY01603

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 01 février 2011, 10LY01603


Vu la requête, enregistrée au greffe le 9 juillet 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003443 en date du 9 juin 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 2 juin 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mme H... A..., ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme H... A... devant le Tribunal administratif de Lyon ;Il soutient que sa décisio

n portant reconduite à la frontière de Mme A... n'a pas méconnu les stipulatio...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 9 juillet 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003443 en date du 9 juin 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 2 juin 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mme H... A..., ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme H... A... devant le Tribunal administratif de Lyon ;Il soutient que sa décision portant reconduite à la frontière de Mme A... n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 23 septembre 2010, présenté pour Mme A..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;Elle soutient que les décisions du 2 juin 2010 en litige ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'elles sont également entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :
- le rapport de M. du Besset, président ;
- les observations de Me Bidault, avocat de Mme A ;
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Bidault ;Sur les conclusions du PREFET DU RHONE :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante algérienne, s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté en litige, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., née le 3 décembre 1956 en Algérie, est entrée en France le 20 mars 2002 sous couvert d'un visa de court séjour avec sa dernière fille, alors âgée de 5 ans, et s'y est maintenue irrégulièrement alors qu'elle s'est vu notifier un premier refus de certificat de résidence en date du 7 juillet 2005 et un arrêté de reconduite à la frontière en date du 4 octobre suivant, puis deux décisions préfectorales portant refus de régulariser sa situation en date respectivement des 6 septembre et 21 décembre 2006 ; qu'elle ne justifie pas de ressources régulières ; qu'ayant vécu en Algérie jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans et alors même qu'elle a divorcé de son mari, qui y réside, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce pays, où, notamment, vivent ses deux filles aînées ; que si l'un de ses fils réside en France et a épousé une Française, elle a indiqué, lors de son audition du 2 juin 2010, qu'elle ignorait son adresse ; que, dans ces conditions, la décision de reconduire Mme A... à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière en litige et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A ;Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;Considérant qu'ainsi que dit plus haut la dernière fille de Mme A..., la jeune K... B..., est arrivée en France en compagnie de sa mère à l'âge de cinq ans ; que Mme A... soutient sans être contredite que, lors de son divorce, prononcé le 3 septembre 2007, elle en a obtenu la garde ; qu'il ressort des pièces du dossier que la jeune K... a été régulièrement scolarisée dans la même école primaire de septembre 2003 à juin 2008 et a poursuivi ensuite ses études au collège en 6e et 5e ; que, dans ces circonstances très particulières, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A... a méconnu l'intérêt supérieur de la jeune K... en méconnaissance des stipulations précitées ; que cette décision est, par suite, entachée d'illégalité, ainsi que, par voie de conséquence la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 2 juin 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mme A..., et la décision du même jour fixant le pays de destination ;Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt implique seulement que le préfet du Rhône délivre une autorisation provisoire de séjour à Mme A... et réexamine sa situation ; que, dès lors, les conclusions de celle-ci tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des frais exposés par Mme A ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DU RHONE est rejetée.Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... sont rejetées.Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mme A... et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.Lu en audience publique, le 1er février 2011.''''''''12N° 10LY001603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01603
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-01;10ly01603 ?
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