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01/02/2011 | FRANCE | N°10LY01384

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 01 février 2011, 10LY01384


Vu la requête, enregistrée au greffe le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002956 du 14 mai 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 mai 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Saït A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, et a condamné l'Etat à verser à

son conseil la somme de 600 €, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme cor...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002956 du 14 mai 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 mai 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Saït A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, et a condamné l'Etat à verser à son conseil la somme de 600 €, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision portant reconduite à la frontière de M. A pour défaut de motivation ; que le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la demande d'asile de M. A présentait un caractère dilatoire au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avait pour seul but de faire échec à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 14 septembre 2010, présenté pour M. A, qui, d'une part, à titre principal, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au PREFET DU RHONE de réexaminer son droit au séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, à titre subsidiaire, conclut au rejet de la requête en tant qu'elle concerne la décision fixant le pays de renvoi, et qui demande que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre est entachée d'un défaut de motivation ; que le PREFET DU RHONE, en prenant une décision de reconduite à la frontière alors qu'il avait présenté une demande d'asile, a méconnu les dispositions des articles L. 741-4, L. 742-1 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige sur sa situation personnelle ; que les décisions du PREFET DU RHONE ont méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les observations de Me Bernardi, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Bernardi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : .../ II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ... ;

Considérant que M. A, de nationalité turque, ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige cite les dispositions rappelées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et se maintient sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ... de ce fait... il peut se voir ainsi opposer légalement les dispositions de l'article L. 511-1 1° et 2° du code... ; qu'ainsi la décision de reconduite à la frontière que comporte l'article 1er de cet arrêté est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que si, par ailleurs le même arrêté précise que l'intéressé a manifesté son intention de solliciter l'asile et que, par conséquent, il convient de lui faire application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 et de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette motivation concerne non la décision de reconduite à la frontière elle-même, mais, d'une part, le refus implicite de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour en sa qualité de demandeur d'asile et, d'autre part, la décision, que comporte l'article 2 du même arrêté, de ne mettre à exécution cette mesure de reconduite qu'en cas de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (O.F.P.R.A.) de la demande d'asile présentée par M. A ; qu'ainsi l'insuffisance de cette motivation en ce qui concerne les considérations de fait n'entache pas la légalité de la décision de reconduite à la frontière ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office... ;

Considérant que d'une part, à supposer que le préfet du Rhône ait estimé à tort que la demande d'asile présentée par M. A avait un caractère dilatoire, celui-ci ne saurait, en tout état de cause, s'en prévaloir utilement, alors que, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, seules sont fondées sur ce motif les décisions d'appliquer le 4° de l'article L. 741-4 et l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non la décision portant reconduite à la frontière ; que, d'autre part, les dispositions précitées, si elles font obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement, ne s'opposent pas à ce que soit décidée une telle mesure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 et sur l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet du Rhône en regardant comme dilatoire la demande d'asile présentée par M. A pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière en litige et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination et de placement en rétention administrative ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que les décisions en litige ont été signées par Mme Marie-Thérèse Delaunay ; que par arrêté du 29 mars 2010, publié au recueil spécial du même jour, le PREFET DU RHONE a délégué à celle-ci sa compétence pour signer de tels actes en cas d'absence ou d'empêchement de M. René Bidal, secrétaire général de la préfecture ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit dès lors être écarté ;

Considérant que les décisions fixant le pays de destination et plaçant M. A en rétention précisent les éléments de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées ; qu'ainsi le moyen tiré de leur défaut de motivation doit être écarté ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : ... Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si M. A soutient que sa liberté est menacée en Turquie et qu'il est exposé dans ce pays à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni la circonstance, à la supposer avérée, qu'il aurait été emprisonné pendant huit jours lors d'un précédent voyage, ni les documents qu'il produit sous forme de photocopies, dont l'authenticité est douteuse, ne suffisent à établir les risques dont il se prévaut ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait porté une appréciation manifestement erronée des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 mai 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, et a condamné l'Etat à verser à son conseil la somme de 600 € ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au PREFET DU RHONE de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de réexaminer son dossier ; que, dès lors, les conclusions susanalysées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002956 du Tribunal administratif de Lyon en date du 14 mai 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Lu en audience publique, le 1er février 2011.

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N° 10LY01384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01384
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-01;10ly01384 ?
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