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07/01/2011 | FRANCE | N°10LY00520

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2011, 10LY00520


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010, présentée pour la BANQUE DE FRANCE, représentée par son gouverneur en exercice, domicilié au siège social sis 31 rue Croix-des-Petits-Champs à Paris (75001) ;

La BANQUE DE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900970 du 19 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. A, annulé la décision du 9 mars 2009 par laquelle a été prononcé son licenciement pour motif disciplinaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

3°) de mett

re à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de just...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010, présentée pour la BANQUE DE FRANCE, représentée par son gouverneur en exercice, domicilié au siège social sis 31 rue Croix-des-Petits-Champs à Paris (75001) ;

La BANQUE DE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900970 du 19 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. A, annulé la décision du 9 mars 2009 par laquelle a été prononcé son licenciement pour motif disciplinaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail, fixant un délai pour la mise en oeuvre de sanctions disciplinaires, sont incompatibles avec le statut et les missions de service public assumées par la BANQUE DE FRANCE, le statut du personnel étant, en la matière, plus protecteur des droits des agents que le code du travail ;

- le délai prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail ne pouvait pas courir avant qu'elle n'ait eu une connaissance exacte des faits, grâce à l'enquête spéciale prévue par l'article 233 du statut du personnel qui constitue le premier acte de la procédure disciplinaire instituée par le statut ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2010, présenté pour M. Jean-Claude A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la BANQUE DE FRANCE sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision en litige, prise par le directeur général des ressources humaines, l'a été par une autorité incompétente, dès lors qu'en vertu de l'article 34 du registre des décisions de monsieur le gouverneur de la BANQUE DE FRANCE du 27 décembre 1937, les sanctions disciplinaires sont prononcées par le gouverneur ; les dispositions de l'arrêté A-2008-06 du conseil général de la BANQUE DE FRANCE ne sont applicables qu'aux agents recrutés après l'entrée en vigueur de cet arrêté ; les dispositions de l'article 9 du règlement intérieur ne confient aucune compétence au directeur général des ressources humaines pour prononcer les sanctions du deuxième degré ;

- la décision de licenciement a été prise en violation des dispositions de l'article 36 du registre des décisions de monsieur le gouverneur de la BANQUE DE FRANCE, qui prévoient qu'un délai de cinq jours francs est laissé à l'agent pour présenter par écrit ses observations après communication de son dossier et du rapport établi à la suite de l'enquête spéciale, dès lors qu'il n'a pas été informé de ce délai ; elle a également été prise en violation des dispositions de l'article 37, dès lors qu'il n'a pas été informé de ce que le défenseur de son choix par lequel il pouvait se faire assister devant la commission devait appartenir au personnel de la BANQUE DE FRANCE ;

- la décision en litige ne comporte aucune motivation en droit, en violation des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, la sanction du licenciement disciplinaire avec préavis et indemnité n'étant prévue par aucune disposition ;

- la BANQUE DE FRANCE a déclenché la procédure de licenciement plus de deux mois après avoir eu connaissance des faits reprochés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, qui ne sont pas incompatibles avec le statut de la BANQUE DE FRANCE ni avec les missions dont elle est chargée, dès lors que seuls deux des faits reprochés se situent dans les deux mois ayant précédé le déclenchement de l'enquête spéciale, ces faits n'étant pas de nature, à eux seuls, à justifier un licenciement disciplinaire ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu'elle fait suite à une série de mesures intervenues à partir de juin 2007, qui l'ont privé de la plupart de ses attributions et n'avaient pour objectif que de l'inciter à demander sa mise à la retraite et qui ont pour effet de le mettre dans l'impossibilité d'exercer normalement les fonctions relatives à son contrat de travail ;

Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2010, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 août 2010, présenté pour la BANQUE DE FRANCE, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier, notamment son article L. 144-3 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Delvolvé, pour la BANQUE DE FRANCE ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Delvolvé ;

Considérant que M. A, recruté par la BANQUE DE FRANCE, par un contrat de travail du 8 octobre 1991, en qualité d'agent du cadre latéral permanent de la fabrication des billets, pour y occuper un emploi d'ingénieur chef de service maintenance électrique, a été affecté, initialement, à l'imprimerie de Chamalières ; que ce contrat a fait l'objet de plusieurs avenants ; qu'en particulier, par un avenant du 21 juin 1999, il a été stipulé que M. A prendrait ses fonctions à la papeterie de Vic-le-Comte en qualité d'adjoint au directeur chargé du Technique, à compter du 28 juin suivant ; que, par une décision du 9 mars 2009, le directeur général des ressources humaines lui a infligé la sanction disciplinaire du licenciement avec préavis et indemnités ; que la BANQUE DE FRANCE fait appel du jugement du 19 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. A, annulé ladite décision du 9 mars 2009 ;

Considérant que la BANQUE DE FRANCE constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui, ayant principalement pour objet la mise en oeuvre de la politique monétaire, le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement et la stabilité du système bancaire, sont pour l'essentiel de nature administrative ; qu'elle n'a pas le caractère d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre de ces caractéristiques propres figure l'application au personnel de la BANQUE DE FRANCE des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail, reprises aujourd'hui à l'article L. 1332-4 du même code : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (...) ; qu'il n'est pas démontré que ces dispositions seraient incompatibles avec le statut de la BANQUE DE FRANCE ou avec les missions de service public dont elle est chargée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la BANQUE DE FRANCE, ces dispositions sont applicables à son personnel ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la BANQUE DE FRANCE n'a eu une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits commis par M. A qu'à la date de dépôt, le 16 décembre 2008, du rapport établi à l'issue de l'enquête spéciale prévue tant par les dispositions de l'article 7 du règlement intérieur de la BANQUE DE FRANCE que par celles de l'article 36 de la décision réglementaire n° 79 du 27 décembre 1937, constituant le règlement concernant les agents du cadre latéral de la BANQUE DE FRANCE, diligentée à compter du 24 octobre 2008, à la suite d'une lettre du 22 octobre 2008, par laquelle le directeur de la papeterie a demandé au directeur général de la fabrication des billets de faire procéder à l'ouverture d'une procédure disciplinaire, en raison de l'attitude d'obstruction systématique de M. A au déroulement des processus de travail de l'usine tels que fixés par l'organigramme mis en place le 1er août 2007, caractérisé par des faits dont le dernier était intervenu le 14 octobre 2008 ; qu'ainsi, nonobstant les circonstances, d'une part, que le rapport d'enquête spéciale n'aurait fait que confirmer la réalité des griefs invoqués dans la lettre susmentionnée du 22 octobre 2008 et, d'autre part, que M. A n'a été convoqué pour un entretien préalable que par une lettre du 2 février 2009, l'engagement de poursuites disciplinaires est intervenu avant l'expiration du délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail ; que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que la BANQUE DE FRANCE prenne en considération des faits commis par M. A antérieurement à la date du dernier fait relevé dans la décision en litige, au cours du mois d'octobre 2008, alors même qu'ils n'avaient pas entraîné de sanction disciplinaire, dès lors que ces agissements procédaient d'un comportement identique, caractérisé, ainsi qu'il était mentionné dans la décision en litige, par des manquements graves et répétés à l'obéissance hiérarchique ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du 9 mars 2009 en litige, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'à la date de convocation de M. A à l'entretien préalable, marquant l'engagement des poursuites disciplinaires, par une lettre du 2 février 2009, le délai de deux mois prévu par l'article L.1332-4 du code du travail pour engager des poursuites disciplinaires était expiré, dès lors qu'au 22 octobre 2008, la BANQUE DE FRANCE avait une connaissance complète et exacte des faits reprochés à l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qu'en appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ; (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que la décision du 9 mars 2009, par laquelle le directeur général des ressources humaines a infligé à M. A la sanction disciplinaire du licenciement avec préavis et indemnités, n'est assortie d'aucun considération de droit et ne comporte, notamment, aucune référence au texte prévoyant la sanction disciplinaire dont il a été fait application ; que, si ladite décision mentionne que la sanction du licenciement disciplinaire avec préavis et indemnité a été prononcée conformément à la proposition qui a été faite par la commission disciplinaire du 6 mars 2009, ce simple visa ne saurait couvrir le vice de forme dont cette décision est entachée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la BANQUE DE FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en litige ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées, par voie de conséquence ;

Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la BANQUE DE FRANCE la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la BANQUE DE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La BANQUE DE FRANCE versera la somme de 1 500 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la BANQUE DE FRANCE et à M. Jean-Claude A.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de formation de jugement,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2011.

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N° 10LY00520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00520
Date de la décision : 07/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP GUILLAUME ET ANTOINE DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-07;10ly00520 ?
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