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23/12/2010 | FRANCE | N°07LY01158

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2010, 07LY01158


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2007 au greffe de la Cour, complétée et rectifiée par un mémoire récapitulatif enregistré le 18 juin 2007, présentée pour la société SNF SAS, dont le siège est 20 rue de l'Innovation à Saint-Etienne (42000), représentée par son président en exercice ;

La société SNF SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500710, en date du 20 mars 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 ou, à titre subsidiaire, de l'intégralité de la décision du 30

juin 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a confirmé l'inaptitude de M. A à son po...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2007 au greffe de la Cour, complétée et rectifiée par un mémoire récapitulatif enregistré le 18 juin 2007, présentée pour la société SNF SAS, dont le siège est 20 rue de l'Innovation à Saint-Etienne (42000), représentée par son président en exercice ;

La société SNF SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500710, en date du 20 mars 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 ou, à titre subsidiaire, de l'intégralité de la décision du 30 juin 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a confirmé l'inaptitude de M. A à son poste et a formulé des propositions de reclassement de celui-ci, ensemble la décision confirmative du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 29 novembre 2004, à ce que soit ordonnée au besoin une expertise et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler l'article 2 ou, à titre subsidiaire, l'intégralité de la décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2004, ainsi que la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 29 novembre 2004 ;

3°) d'ordonner au besoin une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'article 2 de la décision du 30 juin 2004 et la décision du 29 novembre 2004 qui, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, constituent des décisions créatrices de droit, n'ont pas été rendues dans un délai raisonnable et méconnaissent les principes de sécurité juridique et de confiance légitime reconnus par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'inspecteur du travail ne pouvait revenir sur l'avis du médecin-inspecteur du travail et de la main d'oeuvre sans méconnaître les règles de retrait des actes créateurs de droit ;

- le recours adressé par l'intéressé à l'inspecteur du travail était lui-même tardif ;

- la décision du ministre en date du 29 novembre 2004 est incompatible avec celle du 19 mai 2004 par laquelle il avait autorisé le licenciement de M. A ;

- le signataire de la décision du 30 juin 2004 était incompétent ;

- le poste de travail de M. A ne l'exposait pas à des matières pulvérulentes ;

- l'étude de poste a bien été effectuée, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif ;

- il n'était pas possible de maintenir l'intéressé dans le secteur de production, même avec un aménagement du poste ;

- l'inspecteur du travail ne s'est pas conformé à l'avis du médecin-inspecteur du travail du 3 mars 2004, qu'il a mal interprété ; il y a incompatibilité entre les prescriptions de l'inspecteur du travail et toute possibilité d'aménagement du poste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2009, présenté pour M. A, tendant au rejet de la requête de la société SNF SAS et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de celle-ci, à lui payer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que le moyen relatif à l'incompétence du signataire de la décision du 30 juin 2004 doit être écarté pour défaut de motivation ; que l'avis de l'inspecteur du travail ne constitue pas une décision administrative faisant grief ; que son recours exercé contre l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 6 mai 2003 n'était pas tardif ; qu'il n'y a pas en l'espèce méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime et de motivation ; que les règles de retrait des décisions administratives créatrices de droit ne sont pas applicables en l'espèce ; qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre les décisions du ministre du 19 mai 2004 et du 29 novembre 2004, le licenciement pour inaptitude n'étant pas subordonné à une décision préalable de l'inspecteur du travail ; que des matières pulvérulentes sont présentes sur le poste de travail qu'il occupait ; qu'il n'y a pas eu d'étude de poste et des conditions de travail par le médecin du travail ; que la demande d'expertise n'est pas motivée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les observations de Me Chautard, avocat de la société SNF SAS et de Me Taouli, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Chautard, avocat de la société SNF SAS et à Me Taouli, avocat de M. A ;

Considérant que la société SNF SAS, qui appartient à un groupe international et exerce à Saint-Etienne (Loire) une activité de fabrication de produits chimiques, notamment de floculants pour le traitement des eaux, a recruté M. Abdelkrim A, en décembre 1988, en qualité d'ouvrier ; que celui-ci, initialement affecté dans l'atelier émulsions , ayant été déclaré, par le médecin du travail, inapte à tout poste de nature à le mettre en contact avec de l'Adame chlorométhylé (ADC), vis-à-vis duquel il présente une allergie, occupait, depuis le 15 décembre 1998, un poste de conducteur d'appareil dans un atelier poudres , seul, au sein de l'établissement de Saint-Etienne, à ne pas comporter d'ADC ; qu'à la suite d'une visite médicale en date du 22 avril 2003, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de conducteur d'appareil mais apte à un autre poste, avec aptitude réservée en production poudres billes émulsions , mais aptitude aux postes de stock émulsions dépotage aide labo expéditions accueil transports planning... ; qu'à l'issue d'une seconde visite médicale, en date du 6 mai 2003, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de M. A à son poste de travail conducteur d'appareil et confirmé les propositions de postes faites lors de la première visite ; qu'un projet de reclassement n'ayant pu être proposé à M. A, la société SNF SAS l'a informé en juin 2003 de ce qu'elle était contrainte d'envisager son licenciement ; que, par une décision en date du 20 novembre 2003, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement pour inaptitude physique de M. A, qui était délégué du personnel suppléant et membre titulaire du comité d'entreprise, aux motifs que les efforts d'aménagement du poste faisaient défaut, que, notamment, il n'y avait pas eu d'étude de poste entre les deux visites médicales et, enfin, que la mesure de licenciement était en lien avec ses mandats syndicaux ; que, le 10 février 2004, M. A, a saisi l'inspecteur du travail d'une contestation de l'avis d'inaptitude médicale du 6 mai 2003 ; que, par décision en date du 25 mars 2004, l'inspecteur du travail a infirmé ledit avis du 6 mai 2003 et, après avoir rappelé l'inaptitude de l'intéressé au travail en contact avec des matières pulvérulentes , a formulé, en priorité, des propositions d'aménagement du poste de travail et, subsidiairement, des propositions de reclassement ; que, suite au recours gracieux de la société, l'inspecteur du travail a, par une nouvelle décision du 30 juin 2004, annulé sa décision du 25 mars 2004, mais confirmé l'inaptitude de M. A au travail en contact avec l'Adame chlorométhylé, avec proposition d'aménager le poste en vue d'empêcher le contact avec l'Exxol et d'empêcher la dispersion de poussières... ; que, saisi sur recours hiérarchique, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé, le 29 novembre 2004, la décision de l'inspecteur du travail ; que la société SNF SAS fait appel du jugement en date du 20 mars 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2004 et de cette décision ministérielle du 29 novembre 2004 ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, sans d'ailleurs fournir à cet égard aucune précision sur le sens de son moyen, l'inspecteur du travail restait compétent pour statuer, par sa décision du 30 juin 2004, sur le recours gracieux présenté par la société requérante suite à sa précédente décision du 25 mars 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail ;

Considérant que ces dispositions, qui n'ont pas pour objet de soumettre le licenciement d'un salarié devenu inapte à son poste de travail à l'autorisation de l'administration, donnent compétence à l'inspecteur du travail pour se prononcer sur l'aptitude ou l'inaptitude du salarié à son emploi en cas de contestation de l'une des parties au contrat de travail ;

Considérant que l'avis en date du 6 mai 2003 par lequel le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de M. A ne pouvait pas être contesté directement devant le tribunal et ne pouvait faire l'objet, le cas échéant, que d'un recours, dans les conditions susmentionnées, devant l'inspecteur du travail ; qu'à ce titre, un tel acte ne peut être regardé comme une décision administrative faisant grief et, par suite, comme un acte créateur de droits ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que l'article 2 de la décision du 30 juin 2004 et la décision ministérielle du 29 novembre 2004 n'auraient pas été rendues dans un délai raisonnable et méconnaîtraient les principes de sécurité juridique et de confiance légitime reconnus par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ; que, pour les mêmes raisons, la société requérante ne peut utilement faire valoir que l'inspecteur du travail aurait méconnu les règles de droit commun relatives au retrait des actes créateurs de droit ; que, par ailleurs, alors que les dispositions susmentionnées ne prévoient aucune condition de délai, le recours adressé à l'inspecteur du travail par M. A, qui a d'ailleurs abouti à la décision du 25 mars 2004 qui n'est pas ici directement en cause, ne saurait être regardé en lui-même comme tardif ;

Considérant, en troisième lieu, que les décisions attaquées ont pour objet de définir le contenu de l'aptitude ou de l'inaptitude physique du salarié et non, en elles-mêmes, de permettre son licenciement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision ministérielle du 29 novembre 2004 serait incompatible avec la décision en date du 19 mai 2004 par laquelle le même ministre a accordé l'autorisation de licencier ce salarié doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, par les motifs retenus par le jugement, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, les moyens tirés par la société requérante, d'une part, de ce que le poste de travail occupé par M. A ne l'exposait pas à des matières pulvérulentes et, d'autre part, de ce qu'une étude de poste aurait été effectuée en l'espèce, contrairement à ce qu'a considéré l'inspecteur du travail, doivent être écartés ;

Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante n'établit pas qu'il était à priori impossible de maintenir M. A au sein du secteur de production, fut-ce après un aménagement de son poste de travail ;

Considérant, en sixième et dernier lieu, que la société requérante ne peut utilement faire valoir que l'inspecteur du travail ne se serait pas conformé à l'avis du médecin inspecteur du travail en date du 3 mars 2004, qui, au demeurant, n'exclut pas à priori un aménagement du poste de travail de M. A afin de le mettre notamment à l'abri de toute atmosphère pulvérulente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de procéder à l'expertise demandée par la société SNF SAS, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail en date du 30 juin 2004 et du ministre en date du 29 novembre 2004 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SNF SAS la somme de 1 500 euros, à verser à M. A au titre des frais exposés par lui dans la présente instance d'appel et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme demandée au même titre par la société SNF SAS ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SNF SAS est rejetée.

Article 2 : La société SNF SAS versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNF SAS, à M. Abdelkrim A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 novembre 2010.

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N° 07LY01158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01158
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-23;07ly01158 ?
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