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14/12/2010 | FRANCE | N°10LY01143

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2010, 10LY01143


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010, présentée pour M. Pierre A, domicilié 150 rue Paul Verlaine à Bonneville (74130) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904591 du 5 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours dont deux jours avec sursis et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat

à lui rembourser les sommes indûment retenues sur son traitement du fait de ...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010, présentée pour M. Pierre A, domicilié 150 rue Paul Verlaine à Bonneville (74130) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904591 du 5 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours dont deux jours avec sursis et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les sommes indûment retenues sur son traitement du fait de la sanction infligée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ministériel susmentionné ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes indûment retenues sur son traitement du fait de la sanction infligée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'a pas été en mesure de présenter sa défense, en méconnaissance du principe général du droit relatif aux droits de la défense, et il n'a pu, en particulier, bénéficier du droit d'obtenir la communication de son dossier ;

- la motivation de la décision en litige est insuffisante ;

- c'est à tort que la sanction qui lui a été infligée, en méconnaissance du droit de grève, à valeur constitutionnelle, est fondée sur le motif tiré de ce qu'il aurait participé à un mouvement collectif de grève ayant remis en cause le principe de continuité du service public et généré un trouble particulièrement grave à l'ordre public, alors que le mouvement collectif a seulement ralenti le fonctionnement de l'établissement pénitentiaire, durant une heure et demie, sans que soit démontrée une rupture totale de la continuité du service public ; la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- la sanction infligée est disproportionnée par rapport aux intérêts en cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 août 2010, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre les éléments du débat de première instance et à soumettre au juge d'appel des moyens déjà soulevés en première instance, sans établir en quoi le jugement attaqué serait erroné ;

- la décision en litige comporte les considérations de fait et de droit qui la fondent, ainsi que les éléments du raisonnement qui permettent de passer des considérations de fait et de droit à la décision prise, de sorte que le destinataire puisse en connaître et comprendre les motifs à la seule lecture de cette décision ;

- le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des droits de la défense, dès lors qu'en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, les faits de cessation concertée du service ou d'acte collectif d'indiscipline, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires, et que ces dispositions ont pour effet d'écarter non seulement la consultation du conseil de discipline, comme le prévoient les dispositions de l'article 86 du décret du 21 novembre 1966, mais également les garanties prévues par d'autres dispositions législatives, telles que l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, ou les principes généraux du droit ;

- il est reproché à M. A d'avoir participé à une action collective d'indiscipline caractérisée, consistant en un blocage de l'accès et de la sortie de la maison d'arrêt de Bonneville à tous les personnels et d'avoir empêché les extractions judiciaires, le caractère collectif de l'acte n'étant pas contestable, dans la mesure où le requérant l'indique lui-même, et l'atteinte à l'ordre public étant avérée, eu égard à la perturbation du fonctionnement normal qui a résulté de l'acte d'indiscipline ; l'administration était en droit d'infliger à M. A une sanction disciplinaire sans qu'il ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense ;

- M. A ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'atteinte au droit de grève, dès lors que les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire sont soumis à un statut spécial dérogatoire qui les prive de l'exercice du droit de grève ;

- l'administration était en droit d'infliger à M. A, à raison de sa participation à un mouvement collectif de blocage de son établissement d'affectation, ainsi qu'il ressort des rapports du directeur interrégional et du chef de détention, qui a porté atteinte à l'ordre public en perturbant gravement le fonctionnement et la sécurité de cet établissement, une sanction disciplinaire ;

- la sanction infligée, du deuxième groupe, n'apparaît pas disproportionnée par rapport à la gravité de la faute commise par M. A, d'autant qu'elle est assortie d'un sursis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 ;

Vu le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice ;

Considérant que, par un arrêté du 12 février 2009, le garde des sceaux, ministre de la justice, a infligé à M. A, surveillant de l'administration pénitentiaire, affecté à la maison d'arrêt de Bonneville, la sanction de l'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours dont deux jours avec sursis, en raison de sa participation à un mouvement de blocage des accès à la maison d'arrêt de Bonneville, le 21 janvier 2009 ; que M. A fait appel du jugement du 5 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation dudit arrêté ministériel du 12 février 2009 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les sommes retenues sur son traitement du fait de la sanction infligée ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 12 février 2009 en litige comporte le visa des lois des 13 juillet 1983 et 11 janvier 1984 susvisées, du décret du 21 septembre 1966 portant statut spécial des fonctionnaires des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, notamment son article 86, et du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ; qu'il fait état de la participation de M. A, le 21 janvier 2009, à un mouvement collectif d'indiscipline qui a empêché le fonctionnement normal de la maison d'arrêt de Bonneville, en précisant que cet agent a interdit l'accès à l'établissement de l'ensemble des agents venant prendre leur service du matin et la sortie des personnels qui avaient achevé leur service de nuit, et empêché les extractions judiciaires, et qu'il a ainsi, par son comportement, gravement troublé l'ordre public et nui à la sécurité de l'établissement ; que ledit arrêté comporte, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 qui n'ont, ainsi, pas été méconnues ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958 susvisée relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire : Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires ; que cette disposition a pour effet d'écarter non seulement la consultation du conseil de discipline, ainsi que le rappelle l'article 86 du décret du 21 novembre 1966 relatif au statut particulier des fonctionnaires des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, mais encore les garanties prévues par d'autres prescriptions législatives telles que l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ou résultant des principes généraux du droit ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour infliger, par son arrêté du 12 février 2009, à M. A, la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours, dont deux avec sursis, le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est fondé, ainsi qu'il a été dit, sur le motif tiré de ce que l'intéressé avait participé le 21 janvier 2009, à un mouvement collectif d'indiscipline en bloquant les accès de la Maison d'arrêt de Bonneville, ce qui avait empêché l'accès à l'établissement d'un certain nombre d'agents et les extractions judiciaires et, ainsi, gravement troublé l'ordre public et la sécurité ; que le requérant ne conteste pas sa participation à ce mouvement ni la réalité du blocage des accès à l'établissement en cause, mais se borne à minimiser les conséquences de ce mouvement sur le fonctionnement de ladite maison d'arrêt, eu égard à la durée limitée de cette action de revendication ; qu'ainsi la matérialité des faits reprochés est établie ; qu'eu égard à l'effet de ce mouvement, qui a interdit l'accès à l'établissement de l'ensemble des agents venant prendre leur service du matin et la sortie de ceux qui avaient achevé leur service de nuit, et empêché les extractions judiciaires, ledit mouvement a porté atteinte à l'ordre public, nonobstant sa durée limitée ; qu'ainsi, M. A a pris part à un acte collectif d'indiscipline ayant porté atteinte à l'ordre public ; que, par suite, le ministre de la justice a pu légalement, pour ce motif, prononcer une sanction disciplinaire sans avoir, au préalable, communiqué son dossier à M. A ni l'avoir mis à même de présenter sa défense ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A, soumis, en tant que membre du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, au statut spécial fixé par l'ordonnance du 6 mars 1958 susvisée, le privant notamment de l'exercice du droit de grève, n'a pas, contrairement à ce qu'il soutient, été sanctionné pour sa participation à un mouvement de grève ou de cessation concertée du travail, mais pour avoir pris part, à un moment de la journée du 21 janvier 2009, à un acte collectif d'indiscipline ; qu'il ne peut, dès lors, utilement se prévaloir d'une atteinte au droit de grève ;

Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à la nature des faits reprochés à M. A, la sanction, du deuxième groupe dans l'échelle des sanctions, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours, dont deux jours avec sursis, n'est pas manifestement disproportionnée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions ainsi, par suite, que les conclusions de ladite demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les sommes retenues sur son traitement du fait de la sanction infligée ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de la formation de jugement,

M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2010

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N° 10LY01143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01143
Date de la décision : 14/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : EYRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-14;10ly01143 ?
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