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09/12/2010 | FRANCE | N°09LY01641

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 décembre 2010, 09LY01641


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2009, présentée pour Mme Fernande Marie-Antoinette A, domiciliée ..., agissant en qualité d'ayant droit de son frère Lucien B ;

Mme A demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0706096 du 12 mai 2009 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation des hospices civils de Lyon à réparer le préjudice résultant pour M. Lucien B décédé le 16 janvier 2004 à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon, de sa perte de chance de survie ;

2°) de faire droit à sa demande en

condamnant les hospices civils de Lyon à lui verser, en tant qu'ayant droit de son frère,...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2009, présentée pour Mme Fernande Marie-Antoinette A, domiciliée ..., agissant en qualité d'ayant droit de son frère Lucien B ;

Mme A demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0706096 du 12 mai 2009 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation des hospices civils de Lyon à réparer le préjudice résultant pour M. Lucien B décédé le 16 janvier 2004 à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon, de sa perte de chance de survie ;

2°) de faire droit à sa demande en condamnant les hospices civils de Lyon à lui verser, en tant qu'ayant droit de son frère, la somme de 60 000 euros au titre de la perte de chance de survie et du préjudice moral de son frère, avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge des hospices civils de Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

Elle soutient que :

- son frère a perdu une chance de bénéficier d'une greffe pulmonaire pour des motifs liés à sa surdité ;

- la faute commise par les hospices civils de Lyon à n'avoir pas inscrit M. B sur la liste d'attente d'une greffe pulmonaire en raison de ses problèmes de communication est patente ;

- ce n'est qu'en raison de son handicap et non de sa défaillance respiratoire, que la transplantation a été arrêtée ;

- il aurait pu être inscrit, en raison de son état, sur une liste d'urgence des receveurs de dons d'organes, le délai d'attente étant d'environ 4 mois, le délai d'attente de 2 ans mentionné par l'expert étant sans fondement ;

- le refus de greffe lui a été fatal et lui a fait perdre une chance de survie ;

- le lien entre la faute commise par le centre et la perte de chance est avéré ;

- la décompensation à l'origine du décès de M. B et les risques infectieux ne se sont manifestés que postérieurement à la décision du professeur Mornex de ne pas l'inscrire ;

- l'indemnisation de son préjudice moral résultant pour M. B de la perte d'espoir et de la souffrance occasionnées par le refus de greffe doit être portée à 30 000 euros ;

- il avait une vie normale malgré son handicap de telle sorte que sa perte de chance de survie l'a exposé à un préjudice devant être évalué à 30 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 mai 2010, le mémoire présenté pour les hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête ;

Ils font valoir que :

- la perte de chance de survie n'est pas un préjudice dont M. B aurait pu demander réparation ;

- à supposer qu'une décision de transplantation eût été prise, la greffe, compte tenu de son état de santé précaire, n'aurait pu être réalisée à temps pour prévenir le décès ;

- son préjudice moral, qui a été suffisamment évalué, ne résulte pas d'une décision non justifiée sur le plan médical ;

- il n'y a pas eu discrimination d'autant que la possibilité d'une greffe restait ouverte ;

Vu, enregistré le 4 novembre 2010, le mémoire complémentaire présenté pour Mme A qui par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment, et précise qu'elle entend obtenir la réparation du préjudice d'affection qu'elle a subi à titre personnel du fait de la perte de chance de survie de son frère ;

Vu le courrier en date du 5 novembre 2010 informant les parties de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à la réparation du préjudice que Mme A a personnellement subi du fait de la perte de chance de survie dont a été victime son frère ;

Vu, enregistré le 12 novembre 2010, le mémoire présenté pour Mme A en réponse au courrier de la Cour du 5 novembre 2010 indiquant que la réparation du préjudice résultant pour M. B de sa perte de chance de survie a été invoqué en première instance ;

Vu, enregistré le 15 novembre 2010, le mémoire complémentaire présenté par Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Hartemann, avocat de Mme A ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. Lucien B, né en 1948, était atteint de surdité bilatérale depuis l'âge de 4 ans ; que souffrant d'une insuffisance respiratoire chronique grave, il a été admis le 8 septembre 2003 au service de pneumologie de l'hôpital cardiologique Louis Pradel, qui relève des hospices civils de Lyon, pour un bilan de pré-transplantation bi-pulmonaire ; que cependant, à la suite d'une décompensation respiratoire brutale, ce bilan a été interrompu le 10 septembre suivant et il a été transféré en réanimation médicale à l'hôpital Edouard Herriot jusqu'au 16 septembre ; que dans le cadre du bilan pré-greffe, le chef du service hospitalier a posé le 8 octobre 2003 une contre-indication à la transplantation pour le motif que M. B présentait un handicap de communication résultant de sa surdité ; que M. B, qui a présenté une nouvelle décompensation respiratoire nécessitant son hospitalisation le 21 novembre 2003, est décédé le 16 janvier 2004 ; que Mme A, sa soeur, a recherché la responsabilité des hospices civils de Lyon devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 12 mai 2009, a fait partiellement droit à sa demande en reconnaissant le caractère de faute médicale à la contre-indication opposée à M. B et en lui allouant, pour le compte de ce dernier, une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de la souffrance morale endurée du fait de la décision de ne pas procéder à une transplantation ; que Mme A relève appel du jugement en tant que le Tribunal a écarté l'indemnisation du préjudice qui aurait résulté de la perte de chance de son frère de survivre et demande la majoration de l'indemnité qu'il lui a accordée ; que les hospices civils de Lyon, qui ne remettent pas en cause le principe de leur responsabilité, concluent au rejet de la requête ;

Sur le préjudice de M. B :

Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; qu'il n'en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant de la perte de chance de survivre dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ; que, dans ces conditions, le préjudice résultant pour M. B de la perte de chance de vivre plus longtemps, qui s'est constitué à son décès, n'a pu créer aucun droit à réparation susceptible d'avoir été transmis à Mme A ; que cette dernière n'est dès lors pas fondée à en demander réparation ;

Considérant qu'en fixant à 10 000 euros le préjudice d'ordre moral subi par M. B, le Tribunal ne s'est pas livré à une appréciation insuffisante des souffrances psychiques que celui-ci a endurées du fait de la décision fautive des hospices civils de Lyon de renoncer à la greffe ; que la demande de Mme A tendant à la majoration de l'indemnité allouée à ce titre doit donc être écartée ;

Sur le préjudice personnel de Mme A :

Considérant qu'en première instance Mme A a demandé réparation, en sa qualité d'ayant droit de son frère, une indemnité à hauteur de 60 000 euros au titre de la perte de chance de survie et du préjudice moral dont il a été victime; qu'en conséquence, les conclusions que Mme A a présentées devant la Cour, qui tendent à obtenir réparation du préjudice qu'elle a personnellement subi du fait de la perte de chance de survie de son frère, sont nouvelles en appel et donc irrecevables ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fernande Marie-Antoinette A, aux hospices civils de Lyon et à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM).

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 09LY01641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01641
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP DUFOUR-HARTEMANN MARTIN-PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;09ly01641 ?
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