La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2010 | FRANCE | N°09LY02543

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 09LY02543


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Ayse A, demeurant chez M. Erdal Yavuz 129 rue Lafayette à Vienne (38200) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903029, en date du 30 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2009, du préfet de l'Isère, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de

ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la ...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Ayse A, demeurant chez M. Erdal Yavuz 129 rue Lafayette à Vienne (38200) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903029, en date du 30 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2009, du préfet de l'Isère, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) d'annuler ces décisions du 26 mai 2009 ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 30 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 000 euros, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'illégalité externe du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'illégalité interne en tant qu'elle porte atteinte à son droit à la protection de sa vie privée et familiale, méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où elle est bien intégrée en France, y a vécu en concubinage avec son ex-époux pendant six ans et deux de ses enfants y résident ;

- cette décision est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision est elle-même entachée d'illégalité externe pour insuffisance de motivation ;

- cette décision est signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est entachée d'illégalité interne dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle ne pourra pas obtenir un visa si elle retourne en Turquie ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'illégalité externe pour défaut de motivation ;

- cette décision est entachée d'illégalité interne en tant qu'elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section administrative d'appel, en date du 10 septembre 2010, par laquelle l'aide juridictionnelle a été refusée à Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2010, présenté par le préfet de l'Isère, tendant au rejet de la requête de Mme A, par les mêmes moyens que ceux développés en première instance, en précisant que, postérieurement au jugement attaqué, le fils de la requérante a déclaré aux forces de police que sa mère avait quitté le territoire français pour la Belgique en septembre 2009 et que la requérante a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 12 avril 2010 et s'est vue délivrer un récépissé valable du 22 mai au 24 août 2010, puis du 23 août au 22 novembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que Mme Ayse A, ressortissante turque, née le 15 février 1964, est entrée en France en 2003 ; qu'après avoir vainement demandé le statut de réfugiée, elle a sollicité en 2007 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Isère a, par arrêté du 26 mai 2009, refusé à Mme A la délivrance de ce titre de séjour, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et en prescrivant que l'intéressée soit, à l'issue de ce délai, reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ; que Mme A fait appel du jugement en date du 30 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet de l'Isère ;

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que le moyen soulevé par Mme A, tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente, a été écarté à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision du préfet de l'Isère est suffisamment motivée, en droit, par la référence aux articles L. 511-1-I et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en fait, par l'indication des éléments sur lesquels elle se fonde, relatifs notamment aux circonstances que, si l'intéressée " a son concubin et deux de ses enfants en France, elle conserve toutefois dans son pays d'origine de fortes attaches familiales, à savoir deux autres enfants ", qu'elle " n'établit pas l'effectivité, l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec son concubin " et, en outre, qu'elle " a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans en Turquie " ; qu'ainsi, alors même que l'arrêté en litige ne mentionne pas que ses deux enfants restés en Turquie sont majeurs ni qu'un des enfants installés en France souffre d'une affection, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'il serait entaché d'une insuffisance de motivation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux terme du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, Mme A n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu de nombreuses années et où résident deux de ses enfants ; que, si ces derniers étaient majeurs à la date de la décision attaquée, cela était aussi le cas de ses deux enfants résidant en France, nés respectivement le 3 janvier 1984 et le 14 mars 1985 ; qu'elle n'apporte aucun élément sur la réalité de sa reprise de vie commune avec son ex-époux, dont elle avait divorcé le 11 juin 1990 et qui est d'ailleurs décédé quelques jours avant la décision attaquée ; qu'elle ne produit aucun élément d'information relatif à ses relations avec ses enfants installés en France et notamment au soutien qu'elle pourrait elle-même apporter à son fils malade ; que, dans ces conditions et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'est ainsi contraire ni au dispositions susmentionnées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aux stipulations, également susmentionnées, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, Mme A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de l'Isère serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant à Mme A obligation de quitter le territoire est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen soulevé par Mme A, tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente, a été écarté à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision de refus ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort nullement de la décision attaquée que le préfet de l'Isère s'est estimé en l'espèce en situation de compétence liée ;

Considérant, en cinquième lieu, que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision faisant obligation à Mme A de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en sixième lieu, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une " erreur de droit " au seul motif, d'ailleurs non établi, qu'une fois retournée en Turquie, elle ne pourrait plus obtenir un visa pour revenir en France ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, fixant la Turquie comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1, qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français " fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire " ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée est de nationalité turque et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces deux décisions ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision fixant le pays de destination n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ayse A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY02543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02543
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : MEBARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;09ly02543 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award