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30/11/2010 | FRANCE | N°08LY01997

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 08LY01997


Vu I, sous le n° 08LY01997, la requête, enregistrée le 26 août 2008, présentée pour LA POSTE, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est situé 44 boulevard de Vaugirard à Paris (75757) cedex 15 ;

LA POSTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701019 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. Serge A, mis à sa charge une somme de 5 000 euros au titre des préjudices matériel et moral résultant de l'absence d'organisation de mesures de promotion interne de

s corps de reclassement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

3°) ...

Vu I, sous le n° 08LY01997, la requête, enregistrée le 26 août 2008, présentée pour LA POSTE, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est situé 44 boulevard de Vaugirard à Paris (75757) cedex 15 ;

LA POSTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701019 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. Serge A, mis à sa charge une somme de 5 000 euros au titre des préjudices matériel et moral résultant de l'absence d'organisation de mesures de promotion interne des corps de reclassement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas visé le mémoire produit le 2 avril 2008 ni la note en délibéré produite le jour de l'audience, le 12 juin 2008, en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation, en ce qu'il n'a pas été répondu au moyen de défense tiré de ce qu'il y avait lieu de prendre en considération le propre comportement de l'agent dans l'appréciation du préjudice allégué ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'absence d'établissement d'un tableau d'avancement ne résultait pas du maintien de dispositions statutaires devenues illégales par suite de l'arrêt des recrutements, mais de l'absence d'emplois vacants dans les grades supérieurs, découlant de la décision de LA POSTE de positionner ces emplois vacants sur des grades de reclassification, alors qu'il a été jugé que les dispositions statutaires sont devenues illégales en ce qu'elles ne prévoient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisation consécutives aux recrutements externes et que, dès lors, par l'arrêt de tout recrutement dans ces corps elles ont eu pour effet de faire obstacle au droit à la promotion interne garanti aux fonctionnaires de ces corps par le législateur ;

- c'est à tort que les premiers juges ont accordé réparation à M. A sans prendre en compte le comportement de cet agent dans la réalisation de son préjudice ;

- les premiers juges n'ont pu, sans entacher leur jugement d'une contradiction de motifs, après avoir relevé que la carrière de M. A était loin d'être exemplaire, lui accorder une indemnité de 4 000 euros en réparation du préjudice matériel et 1 000 euros en réparation d'un préjudice moral, alors que l'intéressé ne justifiait d'aucune chance d'être promu, ses notations et son comportement ne lui permettant pas d'être inscrit au tableau d'avancement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2009, présenté pour M. Serge Aqui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de LA POSTE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- LA POSTE n'établit pas que le jugement serait irrégulier, au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, au seul motif que l'expédition de ce jugement ne comporte pas le visa de mémoires produits devant le Tribunal et d'une note en délibéré, faute d'établir que la minute de ce jugement serait également entachée de ces irrégularités ;

- le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé, en ce qu'il n'aurait pas été répondu au moyen de défense tiré de ce que son préjudice devait être évalué en prenant en considération son comportement, manque en fait dès lors que les premiers juges ont examiné s'il avait une chance sérieuse d'accéder aux grades supérieurs de son corps, et ont ainsi pris en considération sa manière de servir avant d'évaluer son préjudice ;

- le moyen tiré de ce que c'est à tort que le Tribunal a jugé que l'absence d'établissement de tableaux d'avancement résultait de l'absence d'emplois vacants dans les grades supérieurs découlant de la décision de LA POSTE de positionner ces emplois vacants sur des grades de reclassification, est dépourvu des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- les statuts particuliers applicables aux agents reclassés de LA POSTE sont illégaux lorsqu'ils ne prévoient pas de voies de promotion interne propres à ces agents, alors que les décrets n° 91-70 du 17 janvier 1991 et n° 92-936 du 7 septembre 1992 organisent une procédure de promotion interne de ces agents, n'ayant pas modifié le principe de l'avancement des agents par inscription au tableau d'avancement, prévu par le décret n° 58-776 du 25 août 1958, mais ayant simplement modifié la dénomination des grades, le nombre d'échelons dans chaque grade ainsi que les conditions de recevabilité des candidatures à la promotion au grade supérieur de certains agents ;

- en refusant de faire application des statuts particuliers du corps des chefs d'établissement, LA POSTE a méconnu les dispositions statutaires, commettant une faute de nature à engager sa responsabilité ; à supposer que les statuts soient silencieux sur le point relatif à la mise en place d'une voie de promotion interne spécifique à ce corps de reclassement, LA POSTE a méconnu les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 en ne permettant pas aux agents reclassés de bénéficier d'une évolution de carrière au sein de ce corps, et elle a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- à supposer établie la circonstance que les statuts du corps des chefs d'établissement de LA POSTE seraient illégaux faute de prévoir des voies de promotion internes autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes, LA POSTE, qui n'était pas en situation de compétence liée, a néanmoins commis une faute, en se fondant sur des dispositions statutaires illégales pour refuser d'établir des tableaux d'avancement ;

- le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pu, sans entacher leur jugement d'une contradiction de motifs, après avoir relevé que la carrière de M. A était loin d'être exemplaire, lui accorder une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral, alors que l'intéressé ne justifiait d'aucune chance d'être promu, doit être écarté, dès lors que les premiers juges ont apprécié sa manière de servir pour déterminer s'il avait une chance sérieuse d'être promu dans les grades supérieurs de son corps et non pour calculer l'indemnité due ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2009, présenté pour LA POSTE, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens, tout en chiffrant à 3 000 euros la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en outre, que :

- dès lors que la mise en oeuvre du droit pour les agents de LA POSTE reclassés de bénéficier d'une promotion interne est intimement liée au recrutement auquel l'exploitant public peut procéder dans le cadre des concours, si aucun recrutement par concours n'intervient dans le corps de reclassement considéré, LA POSTE est dans l'impossibilité d'arrêter un tableau d'avancement ou une liste d'aptitude en vue de procéder à un avancement de grade au choix ou à la nomination dans ce corps d'un fonctionnaire reclassé appartenant à un corps hiérarchiquement inférieur ; ainsi qu'il a été jugé, l'établissement de tableaux d'avancement est conditionné par le fait qu'il existe des emplois vacants susceptibles d'être occupés par des fonctionnaires à promouvoir et pour autant que l'organisation préalable d'un concours permette d'arrêter le nombre d'agents susceptibles de bénéficier d'une inscription sur une liste d'aptitude ; tel est le cas s'agissant de l'avancement au grade de receveur de 2ème classe, en vertu des dispositions des décrets n° 58-776 du 25 août 1958 et n° 91-70 du 17 janvier 1991 ;

- l'extinction des grades des corps de reclassement de LA POSTE est exclusivement imputable à la réforme statutaire intervenue à la suite de la loi du 2 juillet 1990, qui impliquait nécessairement l'extinction de ces corps de reclassement et interdisait à LA POSTE de continuer à recruter dans ces corps, alors que son président n'a pas compétence pour édicter des dispositions à caractère statutaire concernant la situation des personnels fonctionnaires afin d'organiser par lui-même des voies de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés ;

- sa responsabilité ne pouvait être retenue en l'absence de toute imputabilité du dommage à une faute de sa part, la faute exclusive de LA POSTE dans le blocage de carrière des agents reclassés reposant sur une illégalité, par voie d'exception, des décrets statutaires des corps de reclassement, qui constitue une cause étrangère ; l'illégalité de décisions de son président refusant de modifier les dispositions statutaires n'implique pas la reconstitution de carrière des agents reclassés ;

- M. A n'établit pas l'existence d'un préjudice certain, en ne démontrant pas en quoi il aurait rempli toutes les chances pour être promu au grade de receveur de 2ème classe, alors qu'un fonctionnaire n'a aucun droit acquis à l'avancement de grade ou à l'accès à un corps hiérarchiquement supérieur, l'administration n'étant pas tenue de prononcer les promotions que l'existence de vacances d'emploi, lorsqu'elles existent, pourrait lui permettre d'accorder ; en outre, M. A a refusé toutes les propositions de promotion proposées par LA POSTE dans les corps de reclassification ;

Vu l'ordonnance en date du 2 septembre 2009, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Il soutient, en outre, que :

- si la responsabilité de l'Etat est engagée, en raison de sa carence à édicter les textes permettant aux agents reclassés de bénéficier des voies de promotion interne, mais également en raison de la faute lourde commise dans son activité de tutelle, cette circonstance n'a pas pour effet d'exclure toute responsabilité de LA POSTE, qui ne peut invoquer une cause étrangère pour se dégager de sa responsabilité ;

- la circonstance qu'il a refusé d'être promu dans un grade de reclassification n'est pas de nature à démontrer son insuffisance professionnelle ;

Vu l'ordonnance en date du 19 octobre 2009, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 6 novembre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2010, présenté pour LA POSTE ;

Vu II, sous le n° 08LY02031, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er septembre 2008, présenté pour M. Serge A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701019 du 26 juin 2008 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a :

- rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat ;

- limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité mise à la charge de La Poste ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une indemnité de 120 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral causé par le gel de sa carrière, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de La Poste la somme de 4 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont bornés, pour estimer qu'il n'aurait pas eu de chance sérieuse d'être promu dans les grades terminaux de son corps à la suite d'une promotion au choix, à évaluer ses mérites professionnels, sans procéder à une comparaison entre sa situation et celle de ses collègues demeurés en activité dans le même grade de reclassement ni apprécié sa situation au regard des textes applicables à la date à laquelle une promotion aurait été possible, alors que sa notation au titre de la période courant de 1995 à 1998, qu'il convenait de prendre en compte pour apprécier sa chance d'être inscrit au tableau d'avancement pour le grade de chef d'établissement de 1ère classe, était particulièrement bonne ;

- à supposer qu'il n'aurait été privé que d'une chance sérieuse d'accéder au grade de chef d'établissement de 2ème classe, c'est à tort que les premiers juges ne lui ont accordé, par une motivation insuffisante, qu'une indemnité à 4 000 euros au titre de son préjudice matériel, sans définir la période sur laquelle le préjudice matériel était constitué ; les premiers juges n'ont pas assuré une réparation intégrale de ce préjudice, qui doit être évalué à la somme de 100 000 euros ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas subi de discrimination, en sa qualité d'agent reclassé, et qu'ils ont limité le montant de son préjudice moral à la somme de 1 000 euros ;

- le Tribunal a omis de statuer sur l'ensemble des conclusions de sa demande, en ne répondant pas au moyen tiré de la carence de l'Etat dans la mise en oeuvre du pouvoir réglementaire et législatif ;

- l'Etat a commis une faute en ne prenant aucune des mesures réglementaires imposées par la situation de blocage des fonctionnaires reclassés de La Poste ; il a également commis une faute dans l'exercice de son activité de tutelle sur l'exploitant public, qui devra être retenue alors même qu'elle ne présenterait pas le caractère d'une faute lourde, laquelle est toutefois caractérisée ;

Vu l'ordonnance en date du 2 septembre 2009, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que :

- la circonstance qu'il a refusé d'être promu dans un grade de reclassification n'est pas de nature à démontrer son insuffisance professionnelle ;

- si la responsabilité de l'Etat est engagée, en raison de sa carence à édicter les textes permettant aux agents reclassés de bénéficier des voies de promotion interne, mais également en raison de la faute lourde commise dans son activité de tutelle, cette circonstance n'a pas pour effet d'exclure toute responsabilité de LA POSTE, qui ne peut invoquer une cause étrangère pour se dégager de sa responsabilité ;

- la circonstance qu'il a refusé d'être promu dans un grade de reclassification n'est pas de nature à démontrer son insuffisance professionnelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 octobre 2009, présenté pour La Poste, représentée par le président de son conseil d'administration, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- il ne peut être reproché aux premiers juges de n'avoir pas procédé à une comparaison des mérites professionnels respectifs de M. A et des agents du même grade, pour déterminer l'existence, pour le requérant, d'une chance sérieuse d'être promu, dès lors que ce dernier, à défaut de produire aucune pièce de nature à éclairer les premiers juges, ne les a pas mis à même d'effectuer cette comparaison ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal n'avait pas à se prononcer sur sa chance sérieuse de promotion en se référant exclusivement aux textes applicables à l'époque et aux notations de certaines années, et à supposer même que M. A remplissait les conditions posées par les statuts particuliers pour accéder au grade de reclassement hiérarchiquement supérieur à celui auquel il appartient, rien ne permet d'établir que sa valeur professionnelle aurait été jugée suffisante pour qu'il obtienne une nomination dans ce grade, compte tenu notamment de la multitude des grades en compétition pour l'inscription au tableau d'avancement au grade de chef d'établissement de 2ème classe, et eu égard à la manière de servir de cet agent ;

- contrairement à ce que soutient M. A, le jugement attaqué est suffisamment motivé, s'agissant de l'évaluation de ses préjudices, eu égard à l'argumentation présentée par le requérant ;

- le moyen tiré du caractère discriminatoire du traitement des agents reclassés par rapport aux agents reclassifiés est inopérant, dès lors que le principe d'égalité ne s'applique qu'entre agents se trouvant dans des situations identiques, appartenant à un même corps, ce qui n'est pas le cas entre ces deux catégories d'agents ;

Vu l'ordonnance en date du 19 octobre 2009, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 6 novembre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 décembre 2009, présenté par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat, en tant qu'autorité de tutelle de La Poste, en raison de la gestion par cette dernière des fonctionnaires reclassés, dès lors que cette gestion relevait de la seule responsabilité de l'exploitant et que les pouvoirs de tutelle du ministre chargé de la poste et des télécommunications en matière de tutelle sont limitativement énumérés ; aucune disposition législative ou réglementaire ne rend obligatoire l'organisation de concours de fonctionnaires, ni l'établissement annuel d'une liste d'aptitude, et il peut être dérogé à l'obligation de constitution de tableaux annuels d'avancement de grade dans le cas d'une absence de vacances d'emploi ;

- il ne peut être reproché à l'Etat d'avoir maintenu les agents concernés dans une situation précaire et discriminatoire, alors que ces agents ont conservé la qualité de fonctionnaires, et que la situation juridique des agents reclassés ne pouvait être regardée comme identique à celles des agents reclassifiés, les agents reclassés ayant eu la possibilité de poursuivre leur carrière dans les corps et grades de reclassification ;

- le dommage allégué n'est aucunement certain, en l'absence de perte d'une chance sérieuse de promotion, et il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de l'Etat et le dommage allégué, l'absence éventuelle de carrière trouvant sa source dans le choix fait personnellement par chaque agent de profiter ou non des possibilités d'intégration et de promotion offertes à tous les fonctionnaires, par les statuts de reclassification ;

- le montant du dommage allégué n'est pas valablement établi, en l'absence d'explication des sommes demandées, seuls les préjudices matériel et moral pouvant être retenus ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2010, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 12 février 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2010, présenté pour LA POSTE ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2010, présenté pour M. A ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 58-776 du 25 août 1958 ;

Vu le décret n° 91-70 du 17 janvier 1991 ;

Vu le décret n° 92-936 du 7 septembre 1992 ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant, d'une part, que LA POSTE fait appel du jugement du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. A, agent de LA POSTE titulaire du grade de chef d'établissement de 3ème classe, mis à sa charge une somme de 5 000 euros au titre des préjudices matériel et moral résultant de l'absence d'organisation de mesures de promotion interne des corps de reclassement ; que, d'autre part, M. A fait appel dudit jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité mise à la charge de LA POSTE ;

Considérant que les recours susmentionnés sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, relatif aux mentions obligatoires du jugement, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 : La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que LA POSTE a produit une note en délibéré qui a été enregistrée le 12 juin 2008 au greffe du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après la date de l'audience publique, laquelle s'est tenue le 12 juin 2008 ; que les visas du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 juin 2008 ne font pas mention de cette note en délibéré ; que ledit jugement est ainsi entaché d'une irrégularité ; que ledit jugement doit, en conséquence, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Sur la recevabilité de la demande de M. A :

Considérant que, dans ses écritures d'appel, LA POSTE ne conteste plus avoir reçu la demande préalable qui lui a été adressée par M. A le 24 novembre 2004 ; que, dès lors, la fin de non recevoir qu'elle soulève à l'encontre de la demande de M. A, au motif de l'absence de demande de nature à faire naître une décision de rejet, doit être écartée ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de LA POSTE de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de LA POSTE de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par LA POSTE de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à LA POSTE de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de LA POSTE a, de même, commis une illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LA POSTE, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que l'Etat a, de même, commis une faute en ne prenant pas, avant le 14 décembre 2009, le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de cet établissement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, chef d'établissement de 3ème classe de LA POSTE, qui a en vain sollicité l'établissement d'un tableau d'avancement pour l'accès au grade supérieur de chef d'établissement de 2ème classe, satisfaisait aux conditions posées par les statuts particuliers pour prétendre à une telle promotion à compter de l'année 1993 ; que les documents évaluant sa manière de servir font état d'excellentes appréciations, notamment au cours des années 1997 et 1998, où il a bénéficié d'une appréciation qualifiée d' excellente, même si des notations moins bonnes lui ont été attribuées pour les années 1995, 1996 et 1999 ainsi qu'au cours des années 2000 à 2006 ; que, compte tenu de ces appréciations portées sur sa manière de servir, et eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées à un chef d'établissement de 2ème classe, M. A doit être regardé comme ayant été privé, à compter de l'année 2005, d'une chance sérieuse de promotion dans ledit grade de chef d'établissement de 2ème classe, si des promotions dans ce corps avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 et jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009 ; qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, du préjudice de carrière subi par M. A en l'évaluant à la somme de 15 000 euros ; qu'eu égard, en revanche, aux appréciations portées sur sa manière de servir, et à ses notations, à partir de l'année 1999, il ne résulte pas de l'instruction que M. A aurait été privé d'une chance sérieuse de bénéficier, par la suite, de promotion dans les grades supérieurs ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les fautes commises par LA POSTE et l'Etat causé à M. A un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 1 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la condamnation solidaire de LA POSTE et de l'Etat à lui verser une indemnité de 16 500 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. A, qui ne justifie pas de la date de réception de ses demandes préalables, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme susmentionné à compter de l'enregistrement, au greffe du Tribunal administratif de Paris, de sa demande, le 19 mars 2005 ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts le 1er septembre 2008 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de LA POSTE et de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande LA POSTE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701019 du 26 juin 2008 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : LA POSTE et l'Etat sont condamnés solidairement à verser la somme de 16 500 euros à M. A. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2005. Les intérêts échus le 1er septembre 2008 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : LA POSTE et l'Etat verseront solidairement la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A et de LA POSTE est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge A, à LA POSTE et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01997
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP GRANRUT-AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;08ly01997 ?
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