Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 décembre 2008, présentée pour la SARL CHARRION ET FILS, dont le siège est 130 impasse du Colombier à Villars les Dombes (01330), représentée par son gérant en exercice ;
La SARL CHARRION ET FILS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700601 en date du 23 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Souclin à lui verser la somme de 17 128,29 euros outre intérêts de droit à compter du 1er février 2005, en règlement du solde du marché du 12 juin 2004, par lequel lui a été confié le lot n° 2 charpente couverture de l'opération de réfection des toitures et de la façade de l'église ;
2°) de condamner la commune de Souclin à lui verser la somme de 17 128,29 euros avec les intérêts de droit à compter du 1er février 2005 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Souclin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SARL CHARRION ET FILS soutient que sa demande est recevable par application du 3° de l'article 51 du cahier des clauses administratives générales ; que le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage avaient accepté l'échantillon de tuiles fourni par la tuilerie Blache ; qu'il était également convenu que les bois de démolition seraient stockés sur place et brûlés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 30 mars 2010 portant clôture de l'instruction au 23 avril 2010 ;
Vu, enregistré le 20 avril 2010, le mémoire en défense présenté pour la commune de Souclin, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 26 mars 2009 ; la commune de Souclin conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la SARL CHARRION ET FILS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'en l'absence d'établissement du décompte final par l'entreprise la demande était irrecevable ; que le mémoire de travaux du 16 décembre 2004 ne peut être regardé comme le décompte final, étant intervenu avant la réception des travaux qui a eu lieu le 1er mars 2005 ; qu'à supposer qu'il puisse l'être, la demande serait alors irrecevable pour défaut d'établissement du décompte général, ce alors que l'entreprise ne lui a pas adressé de mise en demeure à cette fin ; que l'ouvrage exécuté par la requérante n'est pas conforme au marché, compte tenu de tuiles non conformes aux stipulations contractuelles et qu'elle n'a jamais acceptées ; qu'elle n'a pu accepter une teinte de tuiles non conforme aux dispositions du plan local d'urbanisme ; qu'elle n'a pas non plus donné son accord pour que les lieux ne soient pas remis en état ;
Vu, enregistré le 22 avril 2010, le nouveau mémoire présenté pour la SARL CHARRION ET FILS, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 28 octobre 2010, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Souclin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président de chambre ;
- les observations de Me Ferrer, représentant la SARL CHARRION ET FILS et de Me Cadoux, représentant la commune de Souclin ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée de nouveau à Me Ferrer et à Me Cadoux ;
Considérant que, par marché du 12 juin 2004, la commune de Souclin a confié à la SARL CHARRION ET FILS, pour un prix de 86 608,94 euros HT, soit 103 584,29 euros TTC, le lot n° 2 charpente couverture de l'opération de réfection de son église ; que, n'ayant été payée que d'acomptes pour un montant total de 72 287,64 euros HT, soit 86 456 euros TTC, la SARL Charrion et fils a demandé au Tribunal administratif de Lyon de condamner la commune à lui verser la différence, soit 17 128,29 euros TTC ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande par la commune de Souclin :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales-travaux, applicable au litige en vertu du B du II de l'acte d'engagement : 13.31. Après l'achèvement des travaux, l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) / 13.32. Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue au 3 de l'article 41, ce délai étant réduit à quinze jours pour les marchés dont le délai d'exécution n'excède pas trois mois (...) / 13.34. Le projet de décompte final par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final (...) /(...)/ 13.41. Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : /- le décompte final (...) ; / - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; / - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. / 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...)/(...)/ 13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois ; il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois (...) / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché ; qu'aux termes de l'article 50 : 50-22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à la dite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage (...) / (...) 50-31. Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception par la personne responsable du marché de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux articles 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché ;
Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales-travaux que le décompte général ne peut être établi sans qu'ait été préalablement arrêté le décompte final, le cas échéant après mise en demeure adressée à l'entrepreneur d'adresser au maître d'oeuvre son projet de décompte final ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par télécopie du 30 novembre 2004, le maître d'oeuvre a invité la SARL CHARRION ET FILS à la réception définitive pour le lundi 6 décembre à 17 heures ; que, si, se prévalant des termes de cette télécopie, la requérante soutient que les travaux ont fait l'objet d'une réception à cette date et fait valoir qu'ultérieurement, le 16 décembre 2004, elle a adressé à la commune de Souclin un mémoire de travaux d'un montant de 86 608,94 euros HT soit 103 584,29 euros TTC, elle n'a pas été en mesure de produire le procès-verbal d'une telle réception, la commune indiquant quant à elle qu'il n'a été procédé le 6 décembre 2004 qu'aux opérations préalables à la réception et établissant que, l'entreprise ayant été dûment convoquée, la réception a été prononcée avec réserves le 1er mars 2005 ; qu'alors que, selon l'article 13-32 du cahier des clauses administratives générales précité, l'entrepreneur ne peut remettre le projet de décompte final au maître d'oeuvre avant que la décision de réception des travaux lui ait été notifiée, le mémoire de travaux adressé le 16 décembre 2004 à la commune par la SARL CHARRION ET FILS ne peut être regardé comme constituant le projet de décompte final ; qu'en l'absence d'un tel projet, d'une part, il appartenait à la commune de Souclin de mettre la SARL CHARRION ET FILS en demeure de l'établir, d'autre part, celle-ci n'avait pas elle-même à mettre en demeure la commune de lui notifier le décompte général de son marché ; que, dans ces circonstances, le litige né de l'envoi par la SARL CHARRION ET FILS du mémoire de travaux du 16 décembre 2004 doit être regardé comme constituant un différend survenu directement, au sens des dispositions de l'article 50-22 précité, entre la personne responsable du marché et l'entreprise ; que, cette demande du 16 décembre 2004 ayant été implicitement rejetée à l'issue du délai de trois mois institué par l'article 50-31 précité, l'entreprise pouvait saisir, sans condition de délai, le tribunal administratif compétent et porter devant lui, comme elle l'a fait, les chefs de réclamation énoncés dans cette demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la commune de Souclin ne pouvant se prévaloir utilement ni de l'absence de projet de décompte final, ni de l'absence de décompte général, les fins de non-recevoir contractuelles, que, tant en première instance qu'en appel, elle a opposées à la demande de la SARL CHARRION ET FILS, doivent être écartées ;
Sur le règlement du marché :
Considérant que la SARL CHARRION ET FILS conteste les réfactions que la commune de Souclin entend opérer sur le prix du marché pour un montant total de 21 467,21 euros HT, correspondant l'une, de 16 076 euros HT, au coût du remplacement des tuiles mises en place sur la partie refaite de la toiture, qui sont d'une couleur différente de celles du reste de l'église, l'autre, de 1 500 euros HT, à l'enlèvement des matériaux de démolition, auquel l'entreprise n'a pas procédé, le surplus à la reprise de malfaçons ;
En ce qui concerne la couleur des tuiles :
Considérant qu'aux termes de l'article VI du cahier des clauses techniques particulières : chaque entrepreneur est tenu de fournir, dans les délais fixés tous les échantillons (...) de matériaux qui lui seront demandés par le maître d'oeuvre (...) ; qu'il n'est pas allégué qu'en méconnaissance de ces stipulations, l'entreprise n'aurait pas fourni en temps utile un échantillon des tuiles qu'elle devait poser ; que la SARL CHARRION ET FILS a versé au dossier une lettre du 8 juillet 2004 d'une entreprise de tuilerie lui indiquant qu'elle ne pouvait pas réaliser des tuiles de la couleur d'origine et qu'elle lui adressait, comme échantillon, une tuile de la teinte paille vieilli brossé, et a produit le témoignage de son ancien chef de chantier, selon lequel cet échantillon aurait été accepté ; qu'enfin la SARL CHARRION ET FILS fait valoir sans être contredite que, par télécopie du 24 novembre 2004, le maire de Souclin l'a convoquée à une réunion de chantier prévue le lendemain de façon que l'échafaudage puisse être déposé dès le début de la semaine 49 ; qu'il résulte de ces éléments concordants que la commune de Souclin n'a pas, au cours du chantier, refusé d'accepter la couleur des tuiles litigieuses ; que la commune de Souclin ne saurait se prévaloir utilement des dispositions du plan local d'urbanisme, qui, s'il impose une couleur homogène pour les couvertures, admet des solutions adaptées pour les constructions existantes en particulier dans le cas des édifices publics ; que, dans ces conditions, elle ne pouvait opérer une réfaction à raison de la couleur de ces tuiles ;
En ce qui concerne l'enlèvement des matériaux de démolition :
Considérant qu'aux termes de l'article I du cahier des clauses techniques particulières figurent parmi les prestations à la charge des entreprises l'enlèvement de tous les gravois de leurs travaux et les nettoyages après travaux ; qu'ainsi, selon ces stipulations, la SARL CHARRION ET FILS, titulaire du lot charpente couverture, avait à sa charge l'enlèvement des matériaux de la charpente qu'elle devait remplacer ; que si elle soutient qu'il était convenu que les bois de démolition seraient stockés sur place et brûlés, elle n'en apporte aucun commencement de preuve ; qu'il est constant qu'elle n'a pas procédé à cet enlèvement dont elle ne conteste pas le coût, évalué par la commune de Souclin à 1 500 euros ; qu'ainsi est justifiée une réfaction de ce montant ;
En ce qui concerne les malfaçons :
Considérant que si la commune de Souclin soutient que certains des travaux n'ont pas été exécutés dans les règles de l'art, cette allégation n'est assortie d'aucune précision ; qu'ainsi les réfactions correspondantes ne sont pas justifiées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que compte tenu, d'une part, du montant du marché et du total des paiements effectués, qui, comme dit plus haut, s'élèvent respectivement à 86 608,94 et 72 287,64 euros HT, d'autre part, de ce que seule est justifiée une réfaction de 1 500 euros HT, le solde du marché et, partant la condamnation dont doit bénéficier la SARL CHARRION ET FILS, s'élève à 12 821,30 euros HT, soit 15 334,27 euros TTC ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant que lorsque le retard dans l'établissement du solde est imputable au titulaire du marché, le point de départ de ces intérêts doit être fixé à la date à laquelle le juge est saisi en vue du règlement du litige ;
Considérant qu'alors que la SARL CHARRION ET FILS, bien qu'avertie de la réception des travaux, prononcée le 1er mars 2005, n'a pas adressé ensuite au maître d'oeuvre son projet de décompte final, le retard dans l'établissement du solde lui est imputable, si bien que le point de départ des intérêts moratoires doit être fixé non, comme elle le demande, au 1er février 2005 mais au 22 janvier 2007, date de la saisine du tribunal administratif ; qu'ainsi la somme de 15 334,27 euros sera assortie des intérêts moratoires, calculés selon le taux défini par l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996, à compter du 22 janvier 2007 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL CHARRION ET FILS est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la SARL CHARRION ET FILS, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Souclin, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL CHARRION ET FILS et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700601 du Tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 2008 est annulé.
Article 2 : La commune de Souclin est condamnée à verser à la SARL CHARRION ET FILS la somme de 15 334,27 euros, assortie des intérêts moratoires, calculés selon le taux défini par l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996, à compter du 22 janvier 2007.
Article 3 : La commune de Souclin versera à la SARL CHARRION ET FILS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Souclin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CHARRION ET FILS, à la commune de Souclin et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2010, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- Mme Verley-Cheynel, président,
- M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 novembre 2010
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N° 08LY02844