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25/11/2010 | FRANCE | N°08LY02497

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 novembre 2010, 08LY02497


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2008, présentée pour M. Jean-Yves A et Mme Nicole C, divorcée A, agissant en leur nom propre et en celui de leur enfant M. Johan A et pour M. Kevin A, tous domiciliés ... ;

M. A et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603696, en date du 16 septembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser, respectivement, une somme de 100 000 euros à M. Johan A, une somme globale de 340 000 euros à M. Jean-Yves A et Mme Nicole A, et une so

mme de 10 000 euros à M. Kevin A ;

2°) de condamner l'Etat à verser, resp...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2008, présentée pour M. Jean-Yves A et Mme Nicole C, divorcée A, agissant en leur nom propre et en celui de leur enfant M. Johan A et pour M. Kevin A, tous domiciliés ... ;

M. A et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603696, en date du 16 septembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser, respectivement, une somme de 100 000 euros à M. Johan A, une somme globale de 340 000 euros à M. Jean-Yves A et Mme Nicole A, et une somme de 10 000 euros à M. Kevin A ;

2°) de condamner l'Etat à verser, respectivement, une somme de 100 000 euros à M. Johan A, une somme globale de 70 000 euros à M. Jean-Yves A et Mme Nicole C, et une somme de 10 000 euros à M. Kevin A, outre intérêts au taux légal et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- ils ont fait en vain, depuis 1990, toutes les démarches utiles pour que Johan soit scolarisé dans un établissement adapté ;

- outre la carence fautive de l'Etat, ils ont subi une rupture d'égalité devant les charges publiques qui leur a causé un préjudice anormal et spécial ;

- tant Johan que ses parents et son frère ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait de cette situation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2009, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de l'action dirigée contre les décisions de la commission départementale d'éducation spéciale, qui relève de le juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale aux termes de l'article L. 242-8 du code de l'action sociale et des familles ;

- subsidiairement, les établissements spécialisés ne relèvent pas de l'administration de l'éducation nationale mais de l'administration des affaires sanitaires et sociales ;

- l'absence de scolarisation à compter de 1995 est imputable aux requérants, qui ont mis fin à la scolarisation dans l'établissement vers lequel ils avaient été orientés ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2009, présenté pour M. Jean-Yves A et autres ; ils concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2010, présenté pour le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les requérants n'établissent pas la réalité des fautes alléguées ;

- le retrait de l'enfant par ses parents de l'établissement vers lequel il avait été orienté ne peut être regardé comme imputable à une faute de l'Etat ;

- durant la période allant de 1991 à 2001, compte tenu de la rédaction de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles alors applicable, l'absence de place en établissement spécialisé ne saurait être regardé comme fautif ;

Vu le courrier, en date du 24 septembre 2010, par lequel la Cour a indiqué aux parties, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré de la faute, invoqué pour la première fois en appel, dans la mesure où il relève d'une cause juridique distincte du moyen tiré de la responsabilité sans faute, seul invoqué en première instance, et n'est pas d'ordre public, doit dès lors être écarté comme irrecevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Lasalarie, avocat des consorts A ;

- les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

- et les nouvelles observations de Me Lasalarie, avocat des consorts A ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. Johan A, né le 10 janvier 1985, est atteint d'un syndrome autistique ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. Jean-Yves A et de Mme Nicole C, divorcée A, agissant en leur nom propre et en celui de leur fils Johan, ainsi que de M. Kevin A, frère de Johan A, qui tendait à ce que l'Etat soit condamné à les indemniser des préjudices causés par l'absence de scolarisation de Johan A entre 1991 et 2005 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, le présent litige ne porte pas sur les conséquences dommageables de décisions prises par une commission départementale de l'éducation spéciale (CDES), au sens des dispositions de l'article L. 242-8 du code de l'action sociale et familles, mais sur le préjudice résultant de la carence de l'Etat à organiser des services d'enseignement au profit des enfants handicapés ; que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal administratif de Lyon a retenu sa compétence ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation dans sa rédaction applicable à l'espèce : Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale, d'exercer sa citoyenneté ; qu'aux termes de l'article L. 112-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : Les enfants ou adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux par la commission départementale d'éducation spéciale ; qu'aux termes de l'article L. 351-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : (...) L'Etat prend en charge les dépenses d'enseignement et de première formation professionnelle des enfants et adolescents handicapés : / 1° Soit, de préférence, en accueillant dans des classes ordinaires (...) tous les enfants susceptibles d'y être admis malgré leur handicap ; / 2° Soit en mettant du personnel qualifié relevant du ministère chargé de l'éducation nationale à la disposition d'établissements ou services créés et entretenus par d'autres départements ministériels, par des personnes morales de droit public ou par des groupements ou organismes à but non lucratif conventionnés à cet effet ; dans ce cas, le ministre chargé de l'éducation nationale participe au contrôle de l'enseignement dispensé dans ces établissements ou services ; / 3° Soit en passant avec les établissements d'enseignement privés (...) les contrats prévus par le titre IV du livre IV du présent code (...) ; qu'aux termes de l'article L. 112-3 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : L'éducation spéciale associe des actions pédagogiques, psychologiques, sociales, médicales et paramédicales ; elle est assurée soit dans des établissements ordinaires, soit dans des établissements ou par des services spécialisés ; et qu'aux termes de l'article L. 351-2 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : La commission départementale de l'éducation spéciale prévue à l'article L. 242-2 du code de l'action sociale et des familles désigne les établissements ou les services ou à titre exceptionnel l'établissement ou le service dispensant l'éducation spéciale correspondant aux besoins de l'enfant ou de l'adolescent et en mesure de l'accueillir. / La décision de la commission s'impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements d'éducation spéciale dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part que le droit à l'éducation est garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, d'autre part que l'obligation scolaire s'applique à tous ; que les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet, ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu'il incombe dès lors à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci n'ayant pas un tel objet ;

Considérant, en premier lieu, que le régime de responsabilité qui vient d'être exposé est exclusif de toute responsabilité sans faute de l'Etat au titre de l'absence de scolarisation d'un enfant handicapé en raison du manque de places dans les établissements spécialisés ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat en raison d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant, en second lieu, que si les requérants, pour la première fois en appel, ont recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute, leur demande de première instance se fondait exclusivement sur la responsabilité sans faute ; qu'ainsi, le moyen tiré de la faute, qui relève d'une cause juridique distincte et qui n'est pas d'ordre public, doit être écarté comme irrecevable ; que cela ne fait au demeurant pas obstacle à ce que les requérants, s'ils s'y croient fondés, introduisent une nouvelle demande en recherchant la responsabilité pour faute de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Jean-Yves A, Mme Nicole C, M. Johan A et M. Kevin A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Yves A, à Mme Nicole C, à M. Johan A, à M. Kevin A et au ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 novembre 2010.

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N° 08LY02497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02497
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DAUMAS GÉRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-25;08ly02497 ?
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